Chaque année, l’entrepreneur Robert Dutton, aujourd’hui professeur d’université, propose à ses étudiants une marche en silence entre HEC Montréal et l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. Un trajet d’à peine 45 minutes. Mais pour la plupart d’entre eux, de futurs gens d’affaires, «c’est la première fois de leur vie qu’ils sont si longtemps en silence», a-t-il raconté le 30 mars aux participants du Grand Déjeuner de la prière, un événement annuel qui se déroule depuis maintenant 40 ans.
Celui qui a dirigé durant 20 ans la société RONA avant d’en être brutalement éjecté reconnaît que le silence et la prière ont joué de grands rôles dans sa vie. «Quand on m’a mis à la porte, je me suis d’abord réfugié à Saint-Benoît-du-Lac», à l’abbaye des Cantons-de-l’Est. «Puis, j’ai mis deux ans à me chercher», à comprendre le sens de ce congédiement et «à me remettre en marche».
Cent personnes – on ne pouvait pas en accepter numériquement davantage – ont pris leur déjeuner tôt ce mardi martin en entendant, via la plateforme Zoom, Robert Dutton, 66 ans, parler de «sa foi de quincaillier» et d’une certitude, celle qu’il ne faut pas craindre l’adversité et le changement.
«J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. La bonne nouvelle, c’est que les changements vont se poursuivre. La mauvaise? Si vous n’aimez pas le changement, si vous y résistez, vous n’aurez nulle part où vous réfugier», a-t-il lancé.
C’est que «notre époque fourmille de prophètes de malheur et de nostalgiques», a déclaré le conférencier invité quelques instants après une messe célébrée en ligne par le dominicain André Descôteaux. «Les premiers manquent de vision et d’humanité. Les seconds manquent de mémoire, ils oublient les moments difficiles que notre monde a traversés.»
«La résistance au changement n’est jamais une stratégie viable», a-t-il ajouté. Les blessures qu’il a subies en 2012 – «perdre son emploi, c’est comme la peine de mort professionnelle» – lui ont appris à faire face à l’adversité et, après un temps de silence et de prière, à «approfondir ce que Dieu attend de moi». Il s’est ensuite remis en marche, sans jamais renier sa foi et ses valeurs.
«Je sais bien qu’à mon âge, mes grandes réalisations sont derrière moi», a reconnu Robert Dutton à la fin de sa conférence. Évoquant le patient travail d’Elzéar Bouvier, «l’homme qui plantait des arbres» de Jean Giono, le professeur et mentor de nombreux jeunes entrepreneurs dit espérer qu’il laissera, «en toute modestie, une petite trace sur terre».
Parce que «notre rôle sur terre, c’est de planter des arbres pour changer le monde», a-t-il conclu.
Le Grand Déjeuner de la prière est un rendez-vous annuel qui allie silence, prière et témoignage et qui a été initié en 1971 par le maire Jean Drapeau et l’homme d’affaires J.-Robert Ouimet.
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