Foi et tradition ont marqué le Dimanche des Premières Nations, le grand rassemblement autochtone annuel à la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré. La célébration a évité les tonitruants messages politiques pour se consacrer essentiellement au message chrétien et à la dévotion des peuples des Premières Nations du Canada pour sainte Anne.
Le sanctuaire de 1400 places était plein pour l’occasion, alors que quelques paroissiens se joignaient à d’imposantes délégations amérindiennes. Les Mi’kmaqs des Maritimes étaient particulièrement bien représentés: plus de 600 participants provenaient de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Les autorités du sanctuaire attendaient au moins 800 autochtones, mais estimaient qu’ils étaient finalement plus de 1000 à s’être déplacés.
Dans le déambulatoire, John Cremo, un membre du Grand Conseil Mi’kmaq originaire de la Première Nation We’koqma’q, sur l’île du Cap-Breton, était tout sourire. Entouré des siens, il faisait partie des nombreux habitués qui effectuaient leur pèlerinage annuel à la basilique.
«Je viens ici depuis 50 ans pour honorer sainte Anne, notre patronne. C’est à cette sainte que nous prions pour obtenir des guérisons», a-t-il indiqué.
La basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré est le plus ancien sanctuaire catholique d’Amérique du Nord. Les pèlerinages autochtones remontent à ses premières années, au XVIIe siècle, alors que des jésuites accompagnaient des Amérindiens à cet endroit. La figure de la grand-mère associée à sainte Anne résonne encore aujourd’hui chez les peuples des Premières Nations.
À l’extérieur, de petits groupes s’agglutinaient à l’ombre en cette journée où le mercure dépassait les 30 degrés Celsius. Certains avaient opté pour des shorts et des manches courtes, mais plusieurs s’étaient fait un honneur d’apporter dans leurs bagages des habits traditionnels. C’était notamment le cas de Blair Paul et de sa fille Jada de la Première Nation Mi’kmaq Membertou, à côté de Sydney, en Nouvelle-Écosse.
«C’est un endroit paisible, très spirituel», s’est-il réjoui entre deux photos, pour le plus grand bonheur des touristes. En plein soleil, la robe violette de sa fille âgée d’une dizaine d’année rayonnait. «C’est la deuxième année seulement que je viens. Mais avant moi, mon père est venu pendant 40 ans. Je suis venu prier.»
Cette année, la célébration était présidée par l’évêque du diocèse de Rouyn-Noranda, Mgr Dorylas Moreau. Son diocèse compte trois territoires autochtones, qu’il visite quelques fois par année, dont celui de Kitcisakik, où il doit se rendre en canot.
Il a immédiatement accepté quand on lui a demandé de présider cette célébration. En entrevue quelques minutes avant le début de la messe, Mgr Moreau a mentionné les difficultés vécues par les autochtones de sa région au cours de la dernière année, notamment celles entourant des allégations d’abus sexuels dont auraient été victimes des femmes de la part de policiers blancs. Il a confié espérer voir la situation s’améliorer dans la foulée du rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Selon lui, l’Église a beaucoup à apprendre des Premières Nations.
«Je pense que les Amérindiens sont très puissants sur la question de la dévotion populaire, poursuit Mgr Moreau. Et ça, nous avons à le redécouvrir. La dévotion populaire, ce n’est pas tant la raison que le cœur, c’est toucher et se laisser toucher. Car la foi, c’est entrer dans le mystère de Dieu, se livrer à Dieu. Les Amérindiens nous apprennent à vivre notre relation à Dieu avec le cœur.»
À l’autre bout de la vaste sacristie du sanctuaire, le supérieur provincial des rédemptoristes – la communauté qui s’occupe de l’animation pastorale à la basilique depuis la fin du XIXe siècle – notait que malgré l’actualité récente, il retrouvait cette année «les mêmes figures heureuses d’être là».
«Je ne veux pas faire de lien avec les événements des dernières années, je ne veux pas faire de politique. Je veux qu’on se laisse interpeller par Jésus. Ici, ça a toujours été une place où on peut célébrer ensemble. J’apprécie cette journée, car nous formons une seule famille, alors qu’il y a bien des choses qui nous divisent dans la vie ordinaire», notait le père Charles Duval.
Au son d’un tambour, la longue procession d’entrée a longé la basilique à l’extérieur avant de se diriger vers le chœur en remontant l’allée centrale. Les représentants des diverses Nations marchaient lentement en tenant les bannières de procession multicolores. Au début de la messe bilingue, la troupe de danse huronne-wendat Sandokwa a procédé à un rituel de purification dans la basilique, alors que les danseurs parcouraient les allées en répandant de la fumée à l’aide de plumes.
L’homélie en anglais prononcée par le père Duval a été écoutée attentivement par l’assemblée majoritairement anglophone. «Dieu nous invite à ne former qu’une seule Nation, a-t-il dit. D’être en mesure de célébrer un seul Dieu ensemble est un formidable témoignage.»
Lors de la procession des offrandes, les Mi’kmaq ont offert au sanctuaire une bannière représentant Notre-Dame de Guadalupe. Duce Sylliboy, la fille du grand chef de la Nation Mi’kmaq Ben Sylliboy, a présenté l’image. Ébranlée par la fausse-couche de l’une de ses filles, elle s’est engagée à faire en sorte que chaque église Mi’kmaq puisse être dotée d’une image de la Vierge de Guadalupe. «Je savais qu’elle était la patronne des enfants non encore nés. Tout arrive pour une raison… Elle nous donne paix et réconfort», a-t-elle expliqué.
À l’issue de la célébration, une ambiance joviale régnait sur le parvis de la basilique. Plusieurs autochtones discutaient et profitaient de cet événement annuel pour immortaliser le moment en photo. Dans les marches du sanctuaire, plusieurs générations posaient ensemble : des personnes âgées qui viennent depuis plusieurs décennies aux jeunes enfants qui découvraient l’endroit, tous se promettaient de poursuivre la tradition en revenant l’an prochain.