« Mon pays est en guerre. Une guerre qui n’a pas de nom. Une guerre qui ne se termine toujours pas malgré la présence de 20 000 Casques bleus », lance Julienne Lusenge, de la République démocratique du Congo.
Conférencière au congrès annuel de L’Entraide missionnaire qui se tenait à Montréal la fin de semaine dernière, la présidente d’un regroupement de 40 organisations féminines qui viennent en aide aux victimes de violences sexuelles rappelle que «cette guerre est instrumentalisée par des multinationales à cause des richesses de mon pays».
Les conséquences de ce conflit sont dramatiques pour les femmes de la RDC. « Une étude a estimé il y a quatre ans que 48 femmes sont violées chaque heure dans mon pays ».
La situation s’est-elle améliorée? La présidente de SOFÉPADI (Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral) est formelle. « C’est maintenant répandu dans tout le pays. Les violences sexuelles continuent d’être utilisées par certains groupes armés comme arme de guerre. À Kinshasa, chaque jour nous apprenons à la télé, des cas de petites filles, de femmes âgées et de petits garçons qui sont victimes de violences. Il y a beaucoup d’enlèvements, on demande des rançons, on enlève des bébés ».
Julienne Lusenge, qui a été décorée de la Légion d’honneur française, encourage depuis 2003 les femmes congolaises à porter plainte contre leurs agresseurs, y compris leurs époux. « Mais ce n’est pas facile. La culture dans notre pays ne voit pas d’un bon œil le fait d’aller dans une cour de justice. La belle-famille peut chasser la femme qui dénonce son propre mari. Il a fallu sensibiliser les femmes, les convaincre, leur expliquer leurs droits. »
Le rôle du Canada
Le travail de SOFÉPADI est reconnu par plusieurs organismes internationaux. « Au Canada, nous avons été beaucoup aidés par Droits et Démocratie. Je regrette beaucoup que votre gouvernement l’ait fermé », lance la conférencière. L’organisme a été aboli par le gouvernement fédéral en 2012. « Droits et Démocratie a formé les policiers, les juges et nous-mêmes pour bien documenter les cas de violences sexuelles, pour comprendre les textes de loi. »
La militante congolaise souhaite que les gens d’ici profitent de la campagne électorale en cours pour demander aux politiciens « comment le Canada va mettre fin à la guerre chez nous? ». Elle a aussi demandé aux participants au congrès de l’Entraide missionnaire de continuer à faire pression sur les compagnies minières du Canada présentes dans son pays afin « qu’elles respectent nos droits comme elles sont tenues de le faire au Canada ».
En avril, Julienne Lusenge, une chrétienne évangélique, a rencontré, en compagnie de trois ambassadrices, le pape François à Rome. L’audience a duré 45 minutes.
« J’ai dit au pape qu’il est le plus grand des chefs religieux et qu’il est bien écouté. Je lui ai demandé de parler à nos leaders religieux pour qu’ils dénoncent les violences sexuelles et qu’ils s’affichent aux côtés des femmes pour dire non aux violences qu’endurent les femmes à cause de la guerre. » Le pape s’est montré sympathique à cette demande, dit-elle.
Quelque 150 personnes ont participé au congrès annuel de l’Entraide missionnaire consacré cette année aux droits des femmes.
Mis à jour le lundi 21 septembre 2015 à 17 h 32.