Manque de relève, sous-financement, démissions et conflits internes ont sérieusement ébranlé la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) au Québec. Mais des jocistes de la nouvelle génération, appuyés par d’anciens militants, espèrent toujours relancer le mouvement.
L’organisme de défense des droits des jeunes travailleurs, fondé en 1925 par l’abbé belge Joseph Cardijn et présent au Québec depuis 1932, survit, depuis quelques années, «sur le respirateur artificiel», selon la douzaine de membres présents à une récente assemblée générale spéciale consacrée à l’avenir de ce mouvement d’Action catholique.
Le 24 novembre 2019, ces militants, dont quelques-uns étaient d’ex-jocistes aujourd’hui âgés de plus de 30 ans, ont d’abord voté à l’unanimité «la suspension des activités de la JOC nationale d’ici du 31 décembre 2019». Quelques minutes plus tard, et toujours à l’unanimité, c’est la dissolution du bureau montréalais du mouvement qui a été adoptée.
«La décision a été de cesser les activités de la JOC nationale mais pas de dissoudre l’organisation», explique l’ancienne jociste Josée Desrosiers, qui depuis quelques années accompagne les jeunes travailleurs qui se succèdent à la direction de ce mouvement.
«Quant à la JOC de Montréal, on ne voyait plus d’avenir pour elle. On a voté de la dissoudre. Dans ce cas, ce fut une décision plus radicale», reconnaît celle qui a présidé aux destinées du bureau international de la JOC, à Bruxelles, de 2000 à 2004.
«Non, la JOC n’est pas fermée», dit Bernadette Dubuc, une ex-jociste, aussi présente à la rencontre de novembre 2019. «La JOC est en pause», ajoute celle qui a été notamment secrétaire générale adjointe du Mouvement mondial des travailleurs chrétiens (MMTC), un mouvement d’Action catholique pour les plus de 30 ans.
Elle reconnaît que les jeunes de 16 à 30 ans d’aujourd’hui peinent à se reconnaître dans l’identité chrétienne de la JOC. Même les permanents ces dernières années ont peu de connaissances du christianisme ou des engagements de l’Église catholique dans la société civile. «C’est dans l’air du temps, on ne se le cachera pas», lance la militante.
La JOC est donc en pause.
Mais «la JOC de Québec existe toujours». Pas même la pandémie n’a arrêté l’engagement de la petite équipe en charge du mouvement, que Bernadette Dubuc accompagne encore aujourd’hui. «On a fait avancer le mouvement, on a réfléchi ensemble à un plan d’action.» Trois jeunes issus du milieu ouvrier font maintenant partie de l’équipe de travail de la JOC-Québec.
«On conserve le sigle JOC», ajoute-t-elle, mais que l’on explicitera dorénavant autrement. «Quand on va discuter avec un jeune, ce n’est pas la Jeunesse ouvrière chrétienne qu’on va lui offrir. Ce sera Jeunes aux objectifs collectifs.» Cette nouvelle appellation est déjà inscrite dans le site Web de la JOC-Québec où l’on reprend les orientations d’origine de ce mouvement international qui fêtera son 100e anniversaire dans cinq ans.
«La JOC (Jeunesse aux objectifs collectifs) fut fondée en 1925 par le prêtre belge Joseph Cardijn ainsi qu’une poignée de jeunes ouvriers et ouvrières», peut-on y lire. «La JOC vise à promouvoir et à défendre les droits des jeunes travailleurs et travailleuses ainsi que la prise de responsabilités. Elle a pour but d’aider les jeunes travailleurs et travailleuses à améliorer leur condition de vie et de travail, ainsi que la défense collective de leurs droits.»
En 2014, au terme d’un long débat sur son identité, la JOC de Belgique, berceau de ce mouvement, a aussi adopté une nouvelle appellation, soit Jeunes organisés et combatifs.
Lettre aux bienfaiteurs
Dans une récente lettre à ses donateurs, dont les supérieurs de plusieurs congrégations religieuses, la Fondation de la JOC, l’organisme qui soutient financièrement le mouvement, fait part les difficultés qu’affronte le mouvement et explique qu’«il devient difficile de réunir les jeunes 18-30 ans qui ont un travail à statut précaire, et des horaires variables, tout en étant parfois ‘allergiques’ à l’enracinement chrétien de la JOC».
On annonce ensuite que «la JOC de Montréal de même que la JOC nationale ont dernièrement mis fin à leurs activités». Heureusement, ajoute-t-on, «que la JOC régionale de Québec demeure bien vivante et active, même en cette période de confinement, en utilisant les moyens virtuels».
«La Fondation de la JOC a encore son rôle à jouer». Grâce à ses donateurs, elle entend «continuer de soutenir la JOC de Québec et d’autres groupes qui sont en lien avec les jeunes travailleurs et travailleuses».
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