Rassemblées lundi soir devant les locaux montréalais du premier ministre François Legault, des centaines de personnes ont scandé des slogans contre la loi 21 et le gouvernement Legault.
«Monsieur Legault vous semez la haine, nous semons l’amour!»
Ce slogan lancé par l’animatrice de la manifestation, Hanadi Saad, fondatrice et présidente de l’organisme Justice Femmes, démontre bien la volonté et la détermination des manifestants de lutter pacifiquement contre la nouvelle loi sur la laïcité adoptée sous bâillon le dimanche 16 juin. Plusieurs de ceux qui ont pris la parole devant la foule ont appelé à s’unir afin de lutter contre ce qu’ils qualifient de «mauvaise» loi.
«Depuis le dépôt du projet de loi 21, nous avons vu une augmentation de cas de discrimination, a déclaré Mme Saad. Des citoyens se sont fait cracher en plein visage dans la rue. Tout cela à cause de lui [ndlr: François Legault]. C’est inacceptable qu’au Québec des femmes soient privées de leurs droits fondamentaux!»
L’Organisation mondiale des sikhs du Canada (OMS) a profité de la manifestation pour confirmer son désir de s’opposer à la loi «par tous les moyens à [sa] disposition».
«La lutte contre cette loi sera une lutte historique qui aura un impact permanent sur les droits de la personne au Canada. Nous appelons les Québécois à rejeter cette loi discriminatoire», a dit l’organisation.
L’OMS estime qu’environ 15 000 sikhs «seront touchés de manière disproportionnée par l’interdiction des vêtements et des symboles religieux. Les sikhs pratiquants, hommes et femmes, portent à tout moment dans leur vie quotidienne des articles de foi tels que le turban, qui rappellent les principes d’égalité, de service et de spiritualité.»
De son côté, Ehab Lotayef, de l’organisation Citizens’ Rights Movement, est d’avis qu’aujourd’hui les droits des «minorités ne sont plus protégés au Québec».
Il dit ne pas reconnaître le Québec qui l’a accueilli il y a 30 ans. « Je n’ai pas immigré en Allemagne nazie. J’ai immigré dans un endroit qui a une des plus vieilles chartes des droits et libertés en Amérique du Nord. Nous sommes fiers de ce Québec-là! », a-t-il lancé, suscitant des cris et des applaudissements nourris.
Présente à la manifestation, Lisa Grushcow, rabbin de la congrégation Emmanuel-Beth Sholom, dans le quartier Westmount, a évoqué son habitude de porter la kippa. «Lorsque je porte la kippa, je ne perds pas mon esprit féministe! Je ne perds pas mon esprit libéral!»
Lisa Grushcow a également fait remarquer que «le plus beau cadeau offert par cette mauvaise loi c’est qu’elle nous rassemble dans la solidarité et l’espoir».
Un des orateurs, Taran Singh, membre de la communauté sikhe montréalaise et assistant professeur à l’Université Concordia, a déclaré : « Aujourd’hui j’ai mal! J’ai mal à mon Québec! »
Vivant à Montréal depuis 32 ans, M. Singh a souligné qu’en «une fin de semaine nous avons perdu des éléments qui représentaient d’une manière profonde l’identité québécoise. On vient d’affaiblir d’une manière importante, d’une manière fondamentale la Charte des droits et libertés de la personne.»
Taran Singh a affirmé à Présence ne pas être contre la laïcité de l’État. «Ce que nous voyons aujourd’hui c’est une interprétation de la laïcité qui est particulièrement perturbante.»
Marié à une juive et père de deux enfants, il rejette du revers de la main l’argument voulant que porter un signe religieux soit un acte prosélyte. «Je suis marié à une juive. Je porte le turban. Je n’ai jamais essayé de la convertir.»
Jennifer Guyver, la conjointe de Taran Singh, doctorante en sciences religieuses à l’Université de Montréal, croit «que la laïcité peut se vivre dans le respect des minorités. Ce que nous demandons au gouvernement c’est qu’il soit respectueux envers tout le monde.»
La manifestation s’est terminée à 20h00 et s’est déroulée sans incident.
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