L’évêque catholique de Joliette estime que Joyce Echaquan, cette patiente autochtone décédée tragiquement à l’hôpital de Joliette le 28 septembre, est «morte dans l’indignité», une situation intolérable.
Un des 400 participants à la vigile tenue mardi soir devant le Centre hospitalier de Joliette, Mgr Louis Corriveau veut aujourd’hui encourager les catholiques mais aussi toute la population de Lanaudière à multiplier les occasions de dialogue avec les membres de la communauté atikamekw de Manawan.
«La rencontre fait tomber les préjugés», estime l’évêque qui présidera, le mardi 6 octobre, les funérailles de madame Echaquan dans la chapelle de Manawan.
«Plus nous apprenons à connaître l’autre, plus nous découvrons la personne derrière la race, le vêtement, la langue. La rencontre permet d’écouter la souffrance, les aspirations, les désirs de faire alliance», dit l’évêque de Joliette.
«Stupeur et indignation», lance d’abord le directeur général de l’organisme Mission chez nous lorsqu’on lui demande de commenter le décès de cette mère de sept enfants.
Plusieurs heures après les événements, Mathieu Lavigne se dit toujours hanté par cette vidéo que madame Echaquan a pu enregistrer peu de temps avant de décéder. «Les mots qu’on y a entendus étaient tellement durs, déshumanisants», soupire-t-il.
«Des mots durs, violents et teintés de mépris» auxquels l’organisme qu’il dirige veut opposer des termes comme «réparation, dialogue et justice». Il souhaite que «les mots qui blessent soient remplacés par des mots qui apaisent», bien conscient que toute démarche de guérison doit «s’inscrire dans le temps».
Mission chez nous, un organisme qui appuie financièrement les initiatives pastorales des diocèses catholiques québécois auprès des Premières Nations, a octroyé l’an dernier 25 000 $ pour la mission Saint-Jean-de-Brébeuf de Manawan. Cette somme est gérée par le diocèse de Joliette et permet la présence d’un prêtre dans la communauté atikamekw. L’abbé Louis Constantin Mevengue, un prêtre camerounais arrivé récemment au Québec, travaille depuis décembre 2019 dans les paroisses du nord du diocèse, dont la mission Saint-Jean-de-Brébeuf.
Comme le récit de la Passion
«J’ai tellement de peine», dit au téléphone Pierre Goldberger, un pasteur à la retraite de l’Église Unie du Canada.
«Je ressens une peine immense pour la famille Echaquan et pour la communauté atikamekw de Manawan», dit-il. «On a lancé un gros caillou et cela fait d’énormes vagues partout. Ça me remue très profondément. Mais pour les Autochtones, ce qui vient de se passer remue beaucoup d’histoires de vie. Ça ravive des blessures.»
Né en France, ce pasteur a tenu à vivre la crise d’Oka de 1990 à l’intérieur même de la communauté mohawk de Kanesatake. C’est là qu’il a découvert, il y a cette année 30 ans, que le pays qui l’avait accueilli des années plus tôt, réservait aux peuples autochtones «mépris, marginalisation, extrême pauvreté et racisme».
Il voit les événements de Joliette «comme le récit de la Passion». Un récit «qui se reproduit sans cesse vis-à-vis d’innocents, avec des procès truqués, des dénis et cette volonté de ne pas entendre les victimes».
«Je suis choqué mais je dois dire que cela ne me surprend pas», ajoute-t-il. «Notre histoire avec les Autochtones est pleine de préjugés, pleine de non-fonctionnement de nos institutions.»
Pierre Goldberger, qui a participé, des années durant, aux travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada sur les pensionnats autochtones, croit que les événements de Joliette interrogent non seulement notre société mais aussi les Églises.
Il estime qu’un travail d’éducation est nécessaire à l’intérieur de toutes les Églises. «Quand on accepte de nouveaux membres, quand on fait des confirmations, quand on fait l’Eucharistie avec toute la générosité de notre foi, il faut vraiment ouvrir un volet important sur les plus marginalisés et, bien sûr, sur les Premières Nations», dit-il.
«Il y a un miracle dans tout cela», lance alors le pasteur Goldberger. «Les Autochtones sont très résilients et pacifiques.» Dans d’autres pays, à la suite d’événements tragiques comme le décès lundi de cette jeune mère de famille, «il y aurait eu des débordements violents», croit-il.
«Il y a chez ces peuples une douceur et une grande dignité. Voyez comme la famille Echaquan et la communauté de Manawan sont tricotées serrées, combien ils s’entraident. Ils vivent des valeurs qui sont fondamentales dans notre société. Mais là, ils sont traités comme des intrus dans nos systèmes», déplore-t-il.
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