«C’est un feu orange foncé qui s’allume avec la nomination d’Alain Faubert.» C’est du moins l’avis de l’abbé Pierre Léger, ancien professeur du nouvel évêque auxiliaire élu de Montréal, pour qui Rome offre à la fois une mise en garde et une seconde chance à un diocèse essoufflé. Et il n’est pas le seul à penser ainsi.
Docteur en théologie, Alain Faubert est salué comme un théologien et un pasteur compétent. En 2011, le cardinal Jean-Claude Turcotte en avait fait l’un de ses proches collaborateurs en le nommant vicaire épiscopal pour la région Est. Mais en 2012, quelques mois après la nomination de Christian Lépine à la tête de Montréal, ce dernier a éliminé les régions pastorales et de facto écarté Mgr Faubert d’un rôle clé au sein de l’archidiocèse.
Voilà que quatre ans plus tard, Rome redonne à l’archevêque cet ancien vicaire épiscopal mis sur la touche. Un retour d’ascenseur qui ne passe pas inaperçu dans le diocèse.
«C’est comme si c’était un désaveu de ce que Christian [Lépine] a fait aux vicaires épiscopaux», croit l’abbé Léger, curé à la paroisse Saints-Anges de Lachine et membre du Conseil presbytéral chargé de conseiller l’archevêque de Montréal.
Déçu par l’élimination des vicaires épiscopaux, dont le rôle était d’assurer un lien entre le terrain et l’archevêque, et inquiet de l’état des finances du diocèse, Pierre Léger a corédigé en 2014 une lettre adressée au nonce apostolique dans laquelle il critiquait certaines décisions de Mgr Lépine. Quelques dizaines de prêtres de Montréal avaient signé la lettre. Aujourd’hui, il se demande si la nomination de Mgr Faubert n’est pas une manière pour Rome de rectifier le tir à Montréal.
«C’est une nomination qui a beaucoup plus d’allure que celle de Christian [Lépine], à cause des qualités de communicateur d’Alain. Il a plus de facilité à entrer en relation avec les autres», lance l’abbé Léger, qui rappelle qu’à l’époque du cardinal Paul Grégoire, Mgr Jean-Marie Lafontaine, évêque auxiliaire de 1979 à 1981, a pu à l’occasion être le visage public de l’Église de Montréal. Une situation qui pourrait se répéter avec Mgr Faubert.
Pierre Léger précise que ses critiques ne visent pas tant l’archevêque que la situation du diocèse. Et s’il se montre admiratif devant l’énergie et le temps que prend l’archevêque pour ses nombreuses visites sur le territoire diocésain, il reste inquiet face à la situation du diocèse, évoquant la lenteur de certaines décisions administratives et l’état des finances.
Un rassembleur
Prêtre à la paroisse Sainte-Dorothée de Laval, Mgr André Tiphane a connu Alain Faubert au séminaire. Quand l’abbé Faubert était vicaire épiscopal, Mgr Tiphane était vicaire général. Les deux hommes dans la cinquantaine conservent une bonne relation. Il a reçu la nouvelle de la nomination de son confrère avec «enthousiasme» et «réalisme».
«Je suis touché par le ‘oui’ d’Alain, un vrai don de soi, pas de carriérisme ici, écrivait-il sur Facebook le jour de la nomination de Mgr Faubert. Puisse-t-il trouver la force et le courage pour cette mission particulière, dans un contexte particulier!»
«C’était écrit qu’Alain était le candidat qu’il fallait. Il a les études, l’expérience en paroisse», commente Mgr Tiphane en entrevue. Il se demande néanmoins quel rôle pourra jouer le nouvel évêque auxiliaire. La réponse se trouverait selon lui dans la relation que développeront Alain Faubert et Christian Lépine.
«Ça va dépendre du ministère que l’archevêque va lui confier. Directeur de l’office du personnel? Responsable de la jeunesse? S’il y a quelque chose dont Montréal a besoin, c’est un rassembleur. On ne sent pas beaucoup de leadership à ce chapitre-là. On se sent loin de notre évêque. On fait le deuil du niveau régional. Alain pourrait au moins apporter cet écho-là du milieu et rapprocher le milieu paroissial en général», confie Mgr Tiphane.
Démobilisation
La théologienne Sophie Tremblay, professeure titulaire à l’Institut de pastorale des Dominicains à Montréal, se réjouit aussi de la nomination d’Alain Faubert, qu’elle a pu côtoyer en tant que professeur invité à l’institut.
«C’est quelqu’un d’intéressant. Il a le souci d’un ancrage en profondeur dans la tradition, mais il est en même temps très sensible à ce qui se passe dans la société actuelle», explique-t-elle.
Elle dresse un portrait mitigé de l’état du diocèse de Montréal. «J’ose souhaiter que ça veut dire qu’on a entendu les difficultés vécues ici. Mais comment la collaboration [avec l’archevêque] va-t-elle se passer? J’espère que ça va être positif», souhaite-t-elle.
«Mgr Turcotte avait nommé Alain [Faubert] et quelques autres de la même génération parmi les mieux formés et les plus pastoraux qu’on avait à Montréal, rappelle la professeure. C’est clair que c’est quelqu’un qui a déjà fait la démonstration qu’il peut apporter beaucoup à l’Église de Montréal.»
La théologienne estime qu’en raison de sa formation en ecclésiologie, Mgr Faubert est fait «à 100%» pour le tournant missionnaire, un mouvement de refonte des paroisses encouragé dans tous les diocèses catholiques du Québec et qui appelle les laïcs à s’engager davantage dans la mission spirituelle de l’Église.
«Il est fait pour les changements dans une Église qui ne ressemblera plus jamais à ce qu’elle a déjà été. Il est outillé pour analyser et comprendre ces défis-là et pour apporter des idées, des projets d’une manière plus inspirée et plus adaptée aux besoins», insiste-t-elle.
Elle-même bénévole en paroisse à Montréal, elle constate actuellement une démobilisation des gens dans l’Église de Montréal et croit que l’arrivée d’un nouvel évêque auxiliaire pourrait donner un nouveau souffle au diocèse.
Selon nos informations, l’ordination épiscopale de Mgr Faubert aura lieu entre la fin du mois de mai et la mi-juin.
Mis à jour le 25 avril 2016 à 10 h 15.