«Il faut avoir le courage de regarder les monstres qui sont en nous.» Cette phrase de la philosophe Simone Weil, le grand reporter, éditeur et essayiste Jean-Claude Guillebaud la cite constamment quand il réfléchit aux guerres et aux violences qui, ailleurs dans le monde mais aussi dans nos propres pays, font des milliers de victimes.
Vendredi soir, il la répètera lors d’une conférence à l’église des Dominicains, rue de la Côte-Sainte-Catherine, à Montréal. Invité par le Centre culturel chrétien de Montréal, Jean-Claude Guillebaud présentera son plus récent ouvrage, Le tourment de la guerre. Il animera aussi un cours à l’Institut de pastorale des Dominicains sur le même thème.
Journaliste en zones de conflits durant un quart de siècle, Jean-Claude Guillebaud concède que l’Europe, durant quelque 70 ans, a été épargnée de telles tragédies sur son territoire.
«Mais on ne s’est pas rendu compte que c’était une exception. Toute une génération de gens, à laquelle j’appartiens, a fini par s’imaginer que la guerre – après la Deuxième Guerre Mondiale et la Shoah – allait disparaître pour nous dans l’hémisphère Nord, même si elle continuait dans les pays du Sud. On s’est habitué à l’idée que la paix est l’état naturel de la société», dit celui qui a reçu en 1972 le Prix Albert-Londres pour sa couverture de la guerre du Vietnam.
Reprenant une réflexion du philosophe René Girard, l’essayiste estime que «l’état naturel de la société, c’est plutôt la guerre et la violence. Et qu’il faut sans arrêt, essayer de les conjurer, de les contenir».
L’irruption récente de la guerre dans nos sociétés occidentales a montré les faiblesses des dirigeants politiques, estime Jean-Claude Guillebaud.
«Ceux qui dirigent actuellement l’Europe sont nés dans les années 1950. Ils ont désappris à penser la guerre. Ils croyaient que la guerre, c’était fini. Quand la guerre est survenue à nouveau, celles de Syrie, d’Irak et même chez nous par le terrorisme, nos hommes politiques ont réagi n’importe comment», déplore-t-il. «Ils ne savaient plus quoi faire. Ils ont souvent réagi – et là je pense au premier ministre français Manuels Valls – en dramatisant les choses alors qu’il fallait faire le contraire.»
«Quand un pays a peur, le rôle des dirigeants politiques et médiatiques, c’est de rassurer la population», affirme le journaliste qui dorénavant commente chaque semaine l’actualité dans les pages de l’hebdomadaire catholique La Vie.
Pour l’essayiste, «la paix est un combat quotidien». Et ce combat, il est actuellement mené par la société civile. C’est ce qu’il a observé au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, en France, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés.
«Les jeunes notamment ont été plus courageux et ont eu plus de sang-froid que leurs dirigeants. Deux ou trois journées de panique après le Bataclan, on a vu réagir la jeunesse française avec son slogan «même pas peur!» et sa volonté de continuer à fréquenter les cafés, les terrasses et les boîtes», dit-il.