«J’offre d’abord mes condoléances aux familles des victimes et mes prières aux personnes blessées. Je pense aussi beaucoup à la communauté musulmane qui doit gérer cette attaque terroriste», dit Patrice Brodeur, professeur agrégé à l’Université de Montréal.
Joint à New York où il participe à une rencontre, l’expert en études islamiques estime que la Ville de Québec et tout le Québec ont vécu hier soir «un cas extrême de radicalisation, non seulement du discours, mais aussi du passage à un acte. Ce geste d’exclusion est extrême et va jusqu’à enlever la vie à des gens.»
L’attentat a été perpétré dans une mosquée, au moment où des musulmans étaient réunis pour la prière du soir, «ce qui est un symbole très fort», estime le professeur de la Faculté de théologie et de sciences des religions.
Il est encore trop tôt pour connaître les motivations des agresseurs, ont indiqué les chefs des différents corps policiers lundi matin lors d’une conférence de presse tenue dans le quartier général de la Sûreté du Québec.
Est-ce un cas extrême d’islamophobie? Est-ce davantage? Patrice Brodeur ne peut se prononcer.
En janvier 2016, il y a un an, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse révélait que «près de la moitié de la population du Québec a une image négative de la religion» et que 45 % des Québécois considèrent que la religion est une réalité globalement négative tandis que 43 % d’entre eux se méfient «des personnes qui affirment trop clairement leur religion».
«Les Québécois vivent très bien avec les signes de la religion de leur société de référence», observait alors le politologue et juriste de formatio Pierre Noreau, un des auteurs de cette recherche dévoilée par la CDPDJ. Mais les Québécois en ont toutefois contre «les signes issus d’autres traditions religieuses qui sont plus directement considérés comme les expressions publiques d’une appartenance religieuse», avaient écrit les auteurs du rapport de recherche remis à la CDPDJ.
Patrice Brodeur note, quand on lui rappelle les résultats de ce sondage que «comme dans toute société où il se développe certaines formes de discours radicaux, au Québec, on a aussi entendu des discours islamophobes de citoyens ainsi que des discours anti-occidentaux de la part d’une infime quantité de musulmans».
Même si c’est le fait d’un petit nombre, «la radicalisation existe dans différents milieux de la société québécoise», ajoute-t-il.
«Il faut être méfiant de toute forme de radicalisation mais aussi des discours d’intolérance qui excluent les musulmans ou qui critiquent les valeurs occidentales».
«Dans les deux cas, il faut dénoncer l’exclusivisme», ajoute le professeur Brodeur. Cet exclusivisme, estime-t-il, «peut porter, dans son sein, une radicalisation qui peut conduire à un passage à l’acte».