Le choix du parrain et de la marraine d’un enfant ne devrait pas être imposé par la justice. Mais un tribunal pourrait bien prendre cette décision si les parents, «une fois la poussière retombée» de leur séparation, n’arrivent pas à s’entendre sur cette question. C’est ce qu’a statué le juge Michel Beaupré de la Cour supérieure à la fin de l’année 2016, en réponse à «cette demande pour le moins singulière» de parents d’un tout jeune enfant.
Le nom du parrain et de la marraine d’un futur baptisé devrait toujours faire l’objet d’une décision commune des parents, même s’ils n’habitent plus ensemble et même si les communications entre le père et la mère sont devenues difficiles, a écrit le juge Beaupré. Dans un jugement daté du 9 novembre, il ordonne les conditions de garde et les montants de la pension alimentaire qui seraient versés par le père à la mère au lendemain d’une toute récente mais acrimonieuse rupture.
Les parents, qui habitent tous deux en Beauce, avaient demandé à la justice de fixer les conditions de garde mais aussi la date du baptême du bébé, âgé de trois mois lors de la séparation du couple en juin 2016. On demandait aussi au tribunal de choisir les noms du parrain et de la marraine. Des différends dans l’organisation du baptême seraient même une des causes de la rupture du couple, avait allégué la mère du jeune enfant, nommé X dans le jugement.
«Le Tribunal ne fera pas droit à cette demande pour le moins singulière, qui semble au surplus pour I’instant motivée davantage par certains intérêts des parents que par I’intérêt supérieur de X», a écrit le juge Beaupré qui ajoute qu’«il ne serait certainement pas dans l’intérêt supérieur de X, du moins pour I’instant, que certaines modalités de son baptême, ainsi que le choix de son parrain et de sa marraine résultent d’une décision judiciaire».
Le juge conseille aux parents «de laisser la poussière retomber» avant de décider de la date du baptême de leur enfant. «Une fois le climat assaini, I’organisation d’un tel événement et la désignation des parrain et marraine pourront être décidés conjointement, de façon civilisée et en vue d’une cérémonie dans un climat serein».
Le juge Beaupré estime toutefois que si le «débat persiste au sujet du baptême et que I’intérêt supérieur de X justifie alors de le régler par la voie judiciaire», le père et la mère pourront s’adresser de nouveau aux tribunaux.
Questions canoniques
Le jugement – et particulièrement cette prétention d’un tribunal civil de nommer les titulaires d’une fonction religieuse – fait sourciller dans le milieu du droit canonique.
«Il semble y avoir une confusion.» Professeure de droit canonique à l’Université Saint-Paul d’Ottawa, Anne Asselin est formelle. Le baptême relève des Églises et non de l’administration civile.
«La question de l’administration des sacrements revient à la juridiction ecclésiastique et non à la juridiction civile. Si les autorités religieuses, catholiques ou autres, devaient recevoir de la cour civile les ordres concernant l’administration des sacrements, le droit canonique ne serait qu’un droit subordonné au droit civil et ce, dans sa propre Église», prévient-elle.
Le jugement de novembre devant les yeux, la canoniste note que le juge Michel Beaupré, dans ses remarques sur le baptême, suggère aux parents de porter «la teneur des présents commentaires à l’attention des personnes plus concernées de leurs entourages respectifs».
C’est un judicieux conseil, estime la professeure Asselin. Elle aussi suggère que le père et la mère «portent leurs questions et différends à l’attention des autorités religieuses». Leur curé et leur évêque sont les plus aptes à les «conseiller, canoniquement et pastoralement, sur la meilleure voie à suivre pour le baptême de leur enfant».
Le baptême de l’enfant mentionné dans le jugement aura sans doute lieu dans une paroisse beauceronne, là où habitent les parents.
À l’archidiocèse de Québec, responsable des paroisses de cette région, notre demande d’entrevue avec le chancelier au sujet du jugement a été refusée. «Nous ne souhaitons pas commenter», a indiqué le directeur des communications, Jasmin Lemieux-Lefebvre, sans préciser la raison de ce refus.
Mais dans son site Web, l’archidiocèse explique que le choix du parrain et d’une marraine doit respecter plusieurs conditions. Les personnes doivent «avoir été choisies par les parents, avoir seize ans révolus, être baptisées et confirmées dans l’Église catholique et avoir les aptitudes et l’intention de remplir cette fonction, telle que définie par l’Église».
«Un non baptisé ne peut jamais être parrain ou marraine au baptême», ajoute l’archidiocèse de Québec.