Lancé officiellement en mai 2016, après plus de trois années de préparation, le Chemin de Saint-Rémi, long de 800 kilomètres, se positionne au confluent du cheminement spirituel et du développement durable. Unique en son genre, il relie 56 municipalités situées entre Saint-Adrien en Estrie et Saint-Florence en Gaspésie. Les maires, les agents de développement et la population de ces villages se sont mobilisés pour concrétiser le rêve de deux visionnaires passionnés par la longue randonnée et par le développement spirituel. Présence a rencontré l’un de ces créateurs, Stéphane Pinel.
«En février et en mars 2014, lorsque ma partenaire, Louise Bourgeois, et moi avons parcouru le chemin pour la première fois, il faisait frette et il a neigé en tabarouette!», lance Stéphane Pinel. Quelques semaines plus tôt, alors qu’ils avaient déjà rencontré quarante conseils municipaux afin de présenter le projet du chemin, ils s’étaient fait demander si celui-ci se parcourait aussi durant la saison froide. «Nous avons décidé de le parcourir d’un bout à l’autre en plein hiver. Le soir, nous nous arrêtions dans les villages afin de rencontrer les villageois pour leur présenter notre projet.»
C’est ainsi qu’ils obtiennent l’assentiment des habitants de ces hameaux, dont certains sont confrontés à la dévitalisation grandissante et à l’exode rural. Le projet du chemin peut aller de l’avant.
Pourtant, à l’époque, tout reste à construire. La moitié des villages à peine possèdent alors les infrastructures nécessaires à l’accueil des pèlerins. «Il n’y a pas d’auberges, ni de gîtes, ni d’hôtels. Ce sont de petits villages de 200 à 800 habitants. Quelquefois, il y a un dépanneur, parfois non. Il n’y a plus de guichet automatique. Les églises ferment», explique Stéphane Pinel.
Afin d’assurer les besoins élémentaires des futurs pèlerins, les organisateurs décident de doter les villageois désireux de les accueillir de la certification Village d’accueil. Celle-ci permettait aux Européens de dormir chez l’habitant. «Cela nous permettait de recevoir un maximum de six marcheurs par maison et de leur offrir le souper, la chambre et le déjeuner. À la veille de déposer les 243 dossiers de candidatures, à un mois et demi de l’ouverture officielle du chemin, nous apprenons que la certification est abolie! Cela a provoqué une vive réaction, surtout dans les villages du Bas-du-Fleuve qui ont vécu les Opérations dignité au début des années 70. Ils se sont pris en main», relate le co-fondateur du Chemin de Saint-Rémi.
Résultat? Aujourd’hui, environ 60 nouvelles petites entreprises d’hébergement réservées exclusivement aux marcheurs ont été créées tout au long du chemin.
Avec le recul et les années de préparation et d’expérimentations de toutes sortes, Stéphane Pinel est persuadé d’avoir été guidé dans ses nombreuses et parfois frustrantes démarches. «Nous avons réalisé, Louise et moi, que nous ne sommes pas les boss dans cette aventure. C’est lui, là-haut, le véritable boss! Si j’avais su à l’avance ce que j’allais devoir accomplir dans cette aventure, j’aurais eu peur! »
Changer de vie
Quelques années avant de se retrouver dans la peau d’un co-fondateur d’un chemin de pèlerinage, Stéphane Pinel, diplômé en relations industrielles, travaille au sein de la compagnie de son père. Auparavant, il avait fait un séjour chez Bell. Tout allait bien pour lui. «Toutefois, en 2009 la vie me lance un avertissement. Je dois alors prendre une distance avec ma carrière.»
C’est durant ce moment charnière qu’il découvre les bienfaits de la marche sur le corps, le psychisme et l’âme.
Puis, en 2012, c’est la rencontre de Louise Bourgeois avec laquelle il décide de faire vie commune. Or, Louise est une passionnée de la longue randonnée, elle a même accompli Compostelle à plusieurs reprises. Elle caresse le rêve d’ouvrir une auberge sur le Chemin de Compostelle afin d’y accueillir les Québécois qui sont de passage. Ensemble, ils en arrivent à la conclusion qu’ils sont appelés à créer un chemin semblable ici même au Québec.
«Tu fais cela comment, un chemin? Eh bien, tu t’en remets aux signes de la vie! Un jour, Louise parle de notre projet à son cousin qui est agent de développement pour le village de Saint-Adrien-de Ham. Il l’invite à venir visiter son village.»
Sur place, Louise Bourgeois remarque que la devise du village est «Marchons ensemble». Ils décident que le village de Saint-Adrien sera le point de départ du chemin de Saint-Rémi.
Peu à peu, les valeurs promues par Chemin de Saint-Rémi se mettent place. Tout naturellement, celles du développement durable, de l’éco-responsabilité et du bien commun ont surgi à travers l’engagement des villages. La portée spirituelle du Chemin de Saint-Rémi s’est consolidée avec le temps.
Par le Chemin de Saint-Rémi, Stéphane Pinel aimerait aider à concrétiser le souhait premier des grands maîtres spirituels qui est, selon lui, «de ramener l’individu à sa pleine grandeur. La spiritualité du Chemin est universelle, car elle s’abreuve à toutes les sources. Le message que je veux transmettre à travers ce chemin est celui de Jésus: « Aimez-vous les uns les autres » au-delà de vos différences, de votre couleur, de votre spiritualité. C’est pour moi la seule manière d’obtenir le salut de l’humanité. Pour Louise et moi, ce genre de spiritualité universelle nous porte de plus en plus.»
Créer ce chemin n’a pas été sans conséquence pour les fondateurs. «Nous n’avons pas juste créé un chemin de pèlerinage. Nous en avons vécu un également. Il nous a transformés.»
Les fondateurs du Chemin de Saint-Rémi souhaitent que celui-ci puisse un jour aider les personnes aux prises avec la maladie mentale ou encore avec la dépression.
Le Chemin de Saint-Rémi a choisi la rose comme logo. «Sur le Chemin de Compostelle, il y avait des roses partout! Nous avons retenu la rose, car ce symbole est très puissant. Il représente l’amour. Pour nous, le chemin de Saint-Rémi est un chemin d’amour! C’est aussi simple que cela!»