Le deuxième anniversaire de la tuerie du 29 janvier 2017 à la grande mosquée de Québec est devenu mardi soir l’occasion de dénoncer une fois de plus les intolérances et de rappeler que la haine n’a pas sa place au Québec.
Plusieurs centaines de personnes ont pris part à la commémoration citoyenne qui était organisée cette année à l’Université Laval, à Québec. L’événement animé par Maryam Bessiri et Sébastien Bouchard a été marqué par de nombreux discours. La question du nouveau registre québécois pour les armes à feu était en filigrane de plusieurs interventions.
De nombreuses personnes observaient silencieusement le déroulement de la commémoration depuis les galeries qui surplombent l’atrium du pavillon Desjardins. À l’avant, outre les familles et les proches des victimes tombées sous les balles d’Alexandre Bissonnette – le tireur qui a plaidé coupable en 2018 et qui doit connaître sa sentence le 8 février – prenaient place plusieurs politiciens, dont le premier ministre du Québec, François Legault, et la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault. Bien qu’elle n’ait pas parlé, cette dernière a été chaudement applaudie par la foule pour son rôle dans l’entrée en vigueur du nouveau registre.
Les victimes honorées
Le président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), Boufeldja Benabdallah, a une fois de plus livré un discours chargé d’émotions qui a tantôt ému et tantôt fait rire l’assemblée. Il a avant toute chose salué les veuves et les orphelins, avant de tourner son attention vers François Legault.
«Monsieur le premier ministre, vous avez entre les mains un pays, vous avez entre les mains une population magnifique.» Il l’a félicité pour ses premiers mois au pouvoir, avant d’ajouter: «On a du chemin à faire, monsieur le premier ministre. Et je vous attends au détour. Parce qu’on a des choses à se dire en toute amitié, sincèrement.»
M. Benabdallah faisait ainsi référence au refus essuyé il y a quelques jours de la part de François Legault au sujet de la demande du CCIQ de renforcer encore davantage le contrôle des armes à feu au Québec.
Il a redit sa douleur devant la tuerie, mais a mis l’accent sur sa terre d’adoption, une «société bien soudée».
«Je vous ai déclaré mon amour le jour où j’ai fait le discours avec monsieur le cardinal [ndlr: le grand public a découvert Boufeldja Benabdallah, qui avait parlé le soir du 31 janvier 2017 lors d’un rassemblement à l’église Notre-Dame-de-Foy]. Je suis sincère. Les gens me voient pleurer et disent: ‘c’est un pleurnichard’. Mais je pleure de mon cœur, parce que j’aime ce peuple: 50 ans que je suis ici, 50 ans que j’admire ce peuple», a-t-il dit.
Il a ensuite lu un poème préparé pour l’occasion. Puis, il a présenté l’imam Qaq de la Mosquée de la Capitale qui a psalmodié un passage du Coran.
«Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier de Dieu, soient morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus et joyeux», disait notamment ce passage.
Ce chant, qui marquait le début du moment de la soirée consacré au recueillement, a été suivi par le dévoilement de sept longues bannières accrochées aux galeries de l’atrium. Six d’entre elles honorent les six hommes tués le soir de l’attentat: Azzedine Soufiane, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Ibrahima Barry et Aboubaker Thabti. Sur la septième, on a écrit «pour ne jamais oublier».
Ce dévoilement a été suivi d’un moment de silence.
«Léguer à nos enfants une société de paix, de fraternité»
Le maire de Québec, Régis Labeaume, est ensuite venu au micro. Il a repris pratiquement mot à mot son discours et le communiqué de presse émis plus tôt en journée lors du dévoilement de la maquette du mémorial qui sera érigé à proximité du CCIQ et dont le dévoilement est prévu pour janvier 2020.
François Legault n’a pas hésité à affirmer que «la tragédie du 29 janvier 2017 a ébranlé tout le Québec».
«Il n’y a pas beaucoup d’entre nous qui ont vécu ce que les familles des victimes ont vécu. J’ai de la difficulté à imaginer le sentiment d’horreur qui a dû vous submerger devant toute cette violence. Cet attentat fait maintenant partie de votre vie, mais il fait aussi partie de notre vie», a-t-il assuré.
Il a rappelé les gestes héroïques de certaines victimes lors de l’attentat et la résilience des survivants qui vivent avec le deuil ou des séquelles. Il a aussi souligné le travail des premiers répondants ce soir-là. Évoquant un «vent de solidarité» qui a soufflé sur la province après l’attentat, il a ajouté: «C’est ça le vrai visage du Québec: un peuple uni qui sait se montrer solidaire.»
«Notre devoir, a-t-il renchéri, c’est de léguer à nos enfants une société de paix, de fraternité. C’est la meilleure façon d’honorer la mémoire des victimes.»
Des représentants des communautés juives et chrétiennes de Québec ont également pris part à la commémoration. L’Église anglicane était représentée par l’évêque de Québec, Mgr Bruce Myers.
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