Le pape François a révisé et clarifié les normes et procédures relatives à la responsabilisation des évêques et des supérieurs religieux en matière de protection des mineurs et de protection des membres des ordres religieux et des séminaristes contre les abus.
Le nouvel instrument juridique est destiné à aider les évêques et les chefs religieux du monde entier à bien comprendre leurs devoirs et le droit de l’Église, en soulignant la responsabilité ultime qui leur incombe de garantir une gouvernance adéquate et de protéger ceux qui leur sont confiés. Pour cette raison, le nouveau document établit un ensemble plus clair de procédures universelles pour signaler les cas présumés de sévices, mener les enquêtes initiales et protéger les victimes et les lanceurs d’alerte.
Ce nouveau motu proprio s’intitule Vos estis lux mundi (trad: Vous êtes la lumière du monde), d’après un verset de l’Évangile selon Matthieu (5,14).
En somme, les crimes d’abus sexuels offensent Dieu, causent des dommages physiques, psychologiques et spirituels aux victimes et nuisent à la communauté des fidèles, indique le pape dans le document publié par le Vatican le 9 mai. Les normes entreront en vigueur le 1er juin.
Afin d’empêcher que toutes les formes d’abus ne se reproduisent, non seulement «une conversion continue et profonde des cœurs» est nécessaire, il doit aussi y avoir «des actions concrètes et efficaces impliquant tout le monde dans l’Église», a-t-il écrit.
Le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, a déclaré que les nouvelles normes attribuent un nouveau rôle aux évêques en les chargeant d’avertir les autorités compétentes du Vatican de toutes les formes présumées d’abus, y compris la possession, la distribution ou la création de pornographie juvénile.
Il a déclaré à Vatican News le 9 mai que les normes répondaient à l’insistance constante du pape François en faveur de mesures concrètes et efficaces pour que les évêques et les supérieurs religieux comprennent très bien quelles sont leurs obligations en matière de prévention.
Il demande également à tous les prêtres et religieux de signaler les abus présumés ou cachés et encourage toute personne à faire un signalement par l’intermédiaire d’un système de signalement mandaté ou d’un bureau dans chaque diocèse.
Le fonctionnement du bureau ou du système sera laissé à la discrétion de chaque diocèse, mais l’idée est que toute victime d’abus puisse avoir recours à l’Église locale, tout en ayant l’assurance qu’elle sera bien accueillie, protégée des représailles et les dénonciations seront traités avec le plus grand sérieux, a déclaré à Vatican News Andrea Tornielli, directeur de la rédaction du dicastère pour la communication.
Les nouvelles normes précisent:
– les procédures d’enquête sur les évêques, les cardinaux, les patriarches, les supérieurs religieux et tous ceux qui dirigent – même temporairement – un diocèse ou une Église particulière, y compris les prélatures personnelles et les ordinariats personnels;
– que les dirigeants seront tenus pour responsables non seulement des cas présumés d’abus, mais également d’accusations d’ingérence, de dissimulation ou d’absence de traitement des accusations d’abus dont ils étaient au courant;
– que lorsque l’accusé est un évêque, le métropolite se voit confier un mandat du Saint-Siège lui permettant de mener une enquête ou de déléguer un responsable de l’enquête préliminaire. Un rapport de situation doit être envoyé au Saint-Siège tous les 30 jours. L’enquête est terminée après 90 jours, à quelques exceptions près. Les bureaux du Vatican sont également tenus de respecter des délais précis et une action rapide;
– que d’ici juin 2020, chaque diocèse du monde doit créer un bureau ou un «système public, stable et facilement accessible» permettant de signaler les abus présumés contre une personne mineure ou vulnérable, le non-respect des directives relatives aux abus par les évêques ou les supérieurs, une ingérence ou dissimulation dans une enquête civile ou canonique d’infraction présumée;
– que tous les prêtres et les religieux qui prennent conscience de la maltraitance ou de la dissimulation doivent alerter promptement leur évêque ou leur supérieur religieux;
– qu’un mineur est une personne âgée de moins de 18 ans et une personne vulnérable est une personne qui est en état d’infirmité, de déficience physique ou mentale ou de privation de sa liberté individuelle, ce qui, de fait, même occasionnellement, limite sa capacité à comprendre les gestes subis ou à y résister;
– que la définition de pornographie mettant en scène des enfants concerne toute représentation d’un mineur, quel que soit le support utilisé, impliqué dans des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, et toute représentation d’organes sexuels de mineurs à des fins principalement sexuelles;
– que les évêques et les supérieurs religieux seront responsables non seulement de la protection des mineurs contre les abus, mais également de la protection des séminaristes, des novices et des membres des ordres religieux contre la violence et les abus sexuels résultant d’un abus de pouvoir. Les normes s’appliquent aux dénonciations de «délits contre le sixième commandement» concernant des clercs ou des membres d’ordres religieux et «forçant quelqu’un, par la violence ou la menace ou par un abus de pouvoir, à se livrer à des actes sexuels ou à s’y soumettre»;
– que ceux qui signalent des abus ne peuvent pas être soumis à des pressions, à des représailles et à des discriminations, ou être réduits au silence. Le sceau de la confession reste cependant inviolable et n’est pas affecté par les nouvelles normes;
– que les procédures pour mener l’enquête préliminaire incluent l’évêque qui demande immédiatement au Vatican que lui-même ou un délégué soit affecté à l’ouverture de l’enquête préliminaire. S’il considère qu’une accusation n’est pas fondée, le nonce est informé. Le Vatican disposera de 30 jours pour répondre à la demande et l’évêque enverra un rapport de situation au Vatican tous les 30 jours;
– que lorsque l’enquête est terminée, l’évêque envoie les résultats au bureau approprié du Vatican, qui respecte ensuite le droit canonique en vigueur;
– que l’obligation continue de respecter les lois civiles concernant la dénonciation obligatoire;
– que ceux qui ont signalé des soupçons d’abus ou de dissimulation seront informés des résultats de l’enquête s’ils demandent à être informés;
– qu’un fonds peut être créé par les conférences épiscopales, les synodes et les provinces religieuses pour couvrir les coûts des enquêtes.
Ce document fait suite à un document de 2016 du pape François sur la transparence et la responsabilité des évêques et des supérieurs religieux.
Les deux documents réunis ont pour but de corriger les procédures manquantes ou peu claires permettant d’enquêter sur la manière dont un évêque se conforme aux normes déjà établies contre les abus et expriment clairement les conséquences du non-respect ou de la dissimulation.
Carol Glatz
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