Le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, estime qu’il est temps que le pape François présente des excuses pour le rôle que l’Église catholique a joué dans le système des pensionnats autochtones au Canada.
«Je pense que c’est une honte» que des excuses n’aient toujours pas été offertes aux Autochtones, a déclaré le ministre Miller le mercredi 2 juin, ajoutant qu’«une responsabilité repose directement sur les épaules de la Conférence des évêques catholiques du Canada».
Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) contenait 94 appels à l’action, destinés majoritairement au gouvernement fédéral. Six appels à l’action concernaient les diverses Églises canadiennes qui ont administré des pensionnats autochtones. Un appel à l’action interpellait directement le chef de l’Église catholique, le pape François, et lui demandait de présenter des excuses. C’est le contenu de cet appel que le ministre Miller a rappelé le 2 juin.
L’appel à l’action 58 de la CVR demandait «au pape de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses aux survivants à leurs familles ainsi qu’aux collectivités concernées pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l’Église catholique».
Les commissaires demandaient aussi que ces excuses soient présentées par le pape, au Canada même et «dans un délai d’un an suivant la publication du présent rapport».
En 2018, bien après l’expiration de ce délai, la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) avait répondu que le pape n’allait pas acquiescer à cette demande. «En ce qui concerne l’appel à l’action 58, après avoir examiné attentivement la demande et l’avoir discutée abondamment avec les évêques du Canada, [le pape] était d’avis qu’il ne peut pas y répondre personnellement». Cette réponse avaient déclenché un débat passionné à la Chambre des communes le mois suivant.
Au moment de publier ces lignes, la CECC n’avait toujours pas réagi aux propos du ministre Miller.
Survivants des pensionnats
Ending Clergy Abuse (ECA), un groupe de défense des victimes d’abus sexuels dans l’Église catholique, presse lui aussi le pape François de présenter des excuses aux victimes canadiennes.
«Je demande des excuses officielles de Sa Sainteté le pape François pour le rôle joué par l’Église catholique romaine dans le génocide de notre peuple, de notre culture, de nos traditions, de notre langue et de notre spiritualité», a déclaré Evelyn Korkmaz, une des fondatrices de cet organisme international.
Madame Korkmaz est aussi une survivante du pensionnat autochtone Sainte-Anne, qui a accueilli des enfants cris de la Première nation de Fort Albany, en Ontario. Ce pensionnat était sous la responsabilité de deux congrégations religieuses catholiques, les Oblats de Marie-Immaculée et les Sœurs de la charité d’Ottawa.
Pour elle, la découverte des ossements au pensionnat autochtone de Kamloops n’est qu’une nouvelle «preuve des actes horribles dont nous avons été témoins dans notre enfance».
«Combien d’autres sites de sépulture trouverons-nous sur les terrains des pensionnats?», s’inquiète-t-elle aujourd’hui. Elle souhaite que le Vatican publie les dossiers d’archives que possède la Congrégation pour la doctrine de la foi ou d’autres dicastères sur les différents pensionnats autochtones gérés par l’Église catholique. Des informations sur les décès des élèves pourraient bien s’y trouver puisque des congrégations religieuses et des diocèses canadiens ont mentionné leur gestion de ces institutions dans les rapports qu’ils envoyaient périodiquement aux autorités vaticanes ou encore aux supérieurs de leurs communautés, à Rome.
Québec
Dans une déclaration rendue publique le jeudi 3 juin 2021, l’évêque de Saint-Hyacinthe Christian Rodembourg a affirmé que «les évêques catholiques du Québec partagent la peine des peuples autochtones à la suite de la récente découverte des restes de 215 enfants sur le site d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops».
Le président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) a rappelé que des enfants ont aussi «reçu de mauvais traitements» dans les dix pensionnats autochtones du Québec.
Les évêques québécois veulent donc «encourager tous les efforts pour que la vérité soit faite sur notre histoire commune», une «condition indispensable» pour que les communautés éprouvées puissent «aspirer à la paix» et «que la véritable réconciliation [puisse] se réaliser».
Invitée à commenter les propos du ministre Marc Miller qui demandait que le pape présente des excuses formelles, l’AECQ a préféré s’en tenir à la déclaration de son président, expliquant que les «grands enjeux entourant ces questions touchent d’abord les communautés religieuses impliquées dans ces établissements et la CECC, notamment à propos des démarches d’excuses».
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