L’Église catholique est bien loin de vivre une situation dans laquelle le pape pourrait avoir besoin d’une «correction fraternelle», a déclaré le cardinal Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le lundi 9 janvier, le cardinal Müller a accordé une entrevue à la télévision italienne TGCCom24. Il a rappelé qu’Amoris laetitia, l’exhortation apostolique du pape François sur la famille, est «très claire dans sa doctrine» et qu’elle ne menace en aucune manière la foi ou l’enseignement de l’Église.
Dans La joie de l’amour, le pape invite les pasteurs à «faire preuve de discernement lorsqu’ils sont confrontés à des personnes dont la situation conjugale est irrégulière; donc à des couples qui ne se conforment pas à l’enseignement de l’Église», rappelle le cardinal Müller.
L’exhortation apostolique demande toutefois qu’«on aide ces personnes à trouver un chemin afin qu’elle puissent réintégrer l’Église et se conformer aux conditions d’accès aux sacrements, de même qu’à l’enseignement chrétien sur le mariage», ajoute le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le cardinal Müller est formel. À ses yeux, il n’y a pas la moindre opposition ou ambigüité dans le texte d’Amoris laetitia. «D’un côté, nous avons la doctrine claire sur le mariage, de l’autre, l’obligation de l’Église de s’occuper de ces personnes en difficulté», dit-il.
La requête des cardinaux dissidents
Le cardinal Müller a également été questionné à propos de la requête adressée au pape François par quatre cardinaux dissidents. Ces cardinaux ont demandé au pape de préciser de quelle manière s’effectuera l’accompagnement spirituel des divorcés-remariés ou des personnes vivant en concubinage, sans lien sacramentel. Cette requête, appelée dubia [doutes], a été rédigée en septembre dernier par un groupe de quatre cardinaux, dont le cardinal américain Raymond Burke, l’actuel patron de l’Ordre de Malte. Cette lettre a été rendue publique en novembre. Le pape avait pris la décision de ne pas répondre à cette supplique.
Dans une entrevue récente, le cardinal Burke a laissé entendre que les dubia ne sauraient demeurer lettre morte. Les questions soulevées par les cardinaux, disait-il, méritent que le pape y réponde car il en va de la foi des fidèles et de l’orthodoxie de l’enseignement de l’Église. En ne répondant pas à cette requête, le pontife s’expose à une «correction fraternelle», avait ajouté le prélat américain.
Nul besoin d’une «correction fraternelle»
Dans l’entrevue qu’il a accordée à la chaîne TGCCom24, le cardinal Müller a admis qu’une «correction fraternelle du pape est possible», en certaines circonstances. Mais c’est loin d’être le cas actuellement car il n’y a pas de «danger pour la foi comme l’évoquait saint Thomas d’Aquin», a ajouté le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. À ses yeux, la sortie publique de ces quatre cardinaux a «fait du mal à l’Église».
Dans La joie de l’amour, le pape François a réaffirmé l’enseignement officiel de l’Église sur l’indissolubilité du mariage, tout en rappelant aux pasteurs le devoir de discernement qu’il leur incombe lorsqu’ils sont confrontés à des couples en situation conjugale irrégulière, c’est-à-dire des personnes divorcées et remariées civilement qui n’ont pas fait annuler leur mariage catholique. Ce processus de discernement pourra préciser de quelle manière ces personnes pourront être réintégrées à la communauté ecclésiale et accéder de nouveau aux sacrements.
Aux yeux des quatre signataires de la requête adressée au pape François en septembre, cette réintégration pose problème au plan doctrinal. En réintégrant à la communauté ecclésiale et en admettant aux sacrements des personnes à la situation conjugale irrégulière, on remet en question l’enseignement traditionnel de l’Église sur l’indissolubilité du mariage. Il s’agit là d’une nouveauté, affirment le cardinal Walter Brandmüller, ex-président du Comité pontifical sur les sciences historiques, le cardinal Raymond Burke, actuel patron de l’Ordre de Malte, le cardinal Carlo Caffarra, archevêque émérite de Bologne, et le cardinal Joachim Meisner, archevêque émérite de Cologne.
Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi estime que «toute personne, dont au premier chef les cardinaux de l’Église [catholique] romaine, peut adresser une lettre au pape. Mais j’ai été étonné que cette lettre ait été rendue publique, forçant le pape à répondre par un ‘oui’ ou un ‘non’ aux questions posées par les cardinaux à propos d’Amoris laetitia».
«Cela ne m’a pas plu», a conclu le cardinal Müller.
Cindy Wooden, Catholic News Service
Trad. et adapt. F. Barriault, pour Présence