Lorsque les fidèles ont reconnu que le dernier prêtre à faire son entrée dans la crypte était le père Claude Grou, leurs applaudissements ont longuement retenti vendredi matin.
Une semaine plus tôt, exactement à la même heure, le recteur de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal était poignardé lors de la messe de 8 h 30.
Ce matin, le religieux de la Congrégation de Sainte-Croix, entouré de dix confrères, était de retour après ce «triste incident», selon les mots qu’il a prononcés immédiatement après avoir salué l’assemblée.
«Vendredi dernier, notre rencontre s’est terminée brusquement», a-t-il lancé. «Un triste incident est venu troubler la paix dans cette enceinte sacrée.»
«J’ai aujourd’hui la joie de me retrouver parmi vous. L’eucharistie est une occasion d’action de grâce. Et ce matin, je rends grâce à Dieu de m’avoir protégé lors de cette agression. Et je le remercie pour toutes ces personnes qui se sont spontanément interposées pour me protéger et éviter le pire», a-t-il dit en promenant son regard sur l’assistance.
L’attaque au couteau du vendredi 22 mars a eu lieu quelques secondes avant que le père Grou ne se dirige vers l’ambon pour y lire l’Évangile du jour et prononcer une homélie.
Dans son homélie de ce matin, il a invité les quelques 150 fidèles présents à revoir les priorités de leur vie.
«En méditant les deux textes de la parole de Dieu que nous venons d’entendre, il me semble entendre une voix qui nous dit: « Il faut revenir à l’essentiel ».»
Il a ensuite ajouté que «des événements qui nous placent devant la perspective d’une mort possible sont aussi des moments qui nous invitent à revenir à l’essentiel.»
Mesures de sécurité
«C’est un événement un peu particulier que l’on a vécu il y a une semaine. Aujourd’hui, on arrive un peu à sa conclusion», a déclaré le recteur dès le début d’une conférence de presse tenue dans la basilique peu après la fin de la messe. «C’est le temps de revenir à la vie normale», a-t-il lancé.
«Je vais bien. J’ai eu un appui remarquable de mes confrères, des membres de ma famille et de toute notre équipe à l’Oratoire. Cela m’a aidé à reprendre le travail.»
«Un tel événement nous a obligés à nous resituer et à regarder l’importance de l’Oratoire et de sa mission», a expliqué le père Grou en abordant la question de la sécurité du lieu.
«Au coeur de cette ville, l’Oratoire est un espace de recueillement, d’accueil et de rencontres. Cela doit demeurer au centre de sa mission», a-t-il affirmé. «Je suis conscient qu’il faut être attentif à la sécurité des pèlerins et du personnel. Et c’est ce que nous faisons.»
L’attaque de vendredi «nous aide à aller plus loin afin de s’assurer que cette sécurité soit bien adaptée» au temps présent. Mais il faut aussi «tenir compte qu’on est un lieu où chaque personne qui se présente doit être bien accueillie».
«Je vous assure que cette sensibilité pour la sécurité va demeurer présente. Mais l’essentiel, c’est de garder notre mission bien vivante.»
Pas de rancœur
«Je ne connaissais pas» l’auteur de l’attaque de vendredi, a ensuite expliqué le père Grou. «C’est une personne, selon ce que j’entends, qui a des problèmes de santé.»
«Je n’ai aucune rancœur envers elle», a-t-il répété. «Je la porte même dans ma prière.»
Lui a-t-il pardonné?, lui a demandé un journaliste. «Le pardon est un long processus. Nous en sommes au début. Je suis ouvert, dans un esprit de réconciliation. Aucune porte n’est fermée.»
Il a ensuite expliqué s’être «un peu inquiété» lorsque son assaillant s’est approché de l’autel vendredi. «Et je me suis inquiété encore plus lorsqu’il a sorti un couteau», a-t-il lancé.
Blessé, il s’est vite relevé pour «faire face à l’adversaire». Puis il s’est avancé vers lui plutôt que de quitter la crypte. Un bref instant, le père Claude Grou a même pensé que «sa dernière heure était venue».
«Mais, c’est beau de voir comment l’adrénaline travaille dans ces moments», a-t-il raconté en souriant. «Imaginez que je me suis même dit un instant que tout allait se calmer et que je pourrais continuer ma messe.»
Était-il anxieux de revenir dans la crypte ce matin? Le recteur a confié qu’hier, il s’est rendu sur les lieux de l’attaque. «Je voulais me refamiliariser avec l’endroit et m’assurer que je n’aurais pas un geste de panique en y revenant.»
«Ce matin, quand j’ai entendu les applaudissements des gens, je n’ai senti aucune panique. Mes jambes ont cessé de trembler et j’ai pu célébrer comme je le fais habituellement.»
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