Le père Emmett Johns est décédé le 13 janvier. Il laisse derrière lui une œuvre caritative consacrée aux jeunes itinérants de Montréal. Quelques heures après l’annonce de son décès, des personnalités politiques, des représentants du monde religieux, des artistes et des citoyens ont exprimé leur tristesse devant la disparition de celui qui avait reçu le titre de Grand Montréalais en 2002.
«J’ai perdu mon père!» Voilà comment a réagi l’abbé Claude Paradis, fondateur de l’organisme Notre-Dame-de-la-Rue. «Il m’a tout appris. C’est lui qui m’a formé. Pops m’encourageait à poursuivre mon œuvre auprès des itinérants. Je lui dois beaucoup», a-t-il confié à Présence.
L’abbé Paradis se rappelle les débuts modestes de l’œuvre du père Pops. «Au début, il faisait des sandwichs qu’il allait distribuer au parc Lafontaine. À l’époque, j’étais son adjoint. Il n’avait pas encore sa roulotte.»
C’est d’ailleurs cette fameuse roulotte qui l’a rendu célèbre. Sur celle-ci, le père Pops avait inscrit en grosse lettre le nom de son organisme: Le Bon Dieu dans la rue.
C’est en 1988 que Le Bon Dieu dans la rue (aujourd’hui Dans la rue) fut créé. Le père Pops, dépressif et suicidaire, cherchait un sens à sa vie. Sa vocation de curé de paroisse ne le comblait plus. Un jour, il entendit à la radio un reportage sur un homme qui sillonnait les rues de Toronto afin d’aider les itinérants. Ce fût la révélation. Il avait alors 60 ans.
Le père Emmett Johns est né le 3 avril 1928 sur le Plateau Mont-Royal. Ses parents étaient Irlandais. Après la Deuxième Guerre mondiale, il entra au Grand Séminaire de Montréal. Celui qui rêvait de devenir missionnaire en Chine devint plutôt curé de plusieurs paroisses montréalaises.
Pour concrétiser sa nouvelle vocation, le père Pops emprunta 10 000 $ à la Caisse populaire afin d’acheter la fameuse roulotte qui devint avec le temps l’emblème de l’organisme. À l’intérieur, les jeunes itinérants recevaient du café, du chocolat chaud, des hot-dogs et des sacs de provisions.
Peu à peu, la réputation du père Pops se répandit dans les rues de la ville.
L’ancien directeur général de l’organisme Dans La rue, Aki Tchitacov décrivait, dans une lettre ouverte publiée en avril 2013 afin de souligner les 85 ans du père Pops, comment ce dernier a gagné le cœur de ces jeunes oubliés.
«Je l’ai vu s’asseoir avec une jeune mère qui avait contracté le SIDA, l’accompagner à la clinique pour ses traitements hebdomadaires, la convaincre de retourner à l’école et la soutenir lorsqu’elle trébuchait, jusqu’à ce qu’elle devienne forte et autonome. Je l’ai vu aussi appuyer une jeune adolescente toxicomane, la réconforter, la référer à un centre de désintoxication et l’aider à trouver un appartement. Aujourd’hui, elle est mariée et a obtenu son diplôme d’études collégiales.»
Sur le site internet de l’organisme Dans la rue, le père Pops soulignait les limites de son œuvre. «Mon cœur est plein d’espoir pour ces jeunes. Je sais très bien qu’il y a des limites à ce que je peux faire et que je ne peux pas les sauver tous. Cependant, quand je pense à Lise, à Johnny, à Daniel, à Molly et aux autres… je me rends compte qu’après chaque nuit sombre et difficile – même les pires nuits – un jour nouveau se lève et le matin est plein d’espoir.»
Aujourd’hui, l’organisme Dans la rue poursuit le rêve du père Pops. À la roulotte, toujours active, se sont ajouté le Bunker (une maison d’hébergement d’urgence), un centre de jour et des appartements. Les 65 employés et les 135 bénévoles offrent des services psychologiques et de l’aide pour les familles. Ils appuient également ceux qui retournent à l’école.
L’œuvre du Père Pops a marqué les esprits comme en font foi les multiples témoignages publiés sur les réseaux sociaux.
Sur Twitter, la mairesse de Montréal, Valérie Plante a écrit: «C’est avec tristesse que j’accueille la nouvelle du décès de Pops. Un géant montréalais de la solidarité et de l’entraide vient de nous quitter».
François Legault, chef de la Coalition avenir Québec a décrit le père Pops comme «un homme exceptionnel». La ministre fédérale du Patrimoine, Mélanie Joly, a mentionné que le père Pops possédait un «cœur gros comme la ville» et qu’il était «un phare pour plusieurs, une inspiration pour tous».
Dan Bigras a souligné que le père Emmett John mérite des funérailles nationales rejoignant ainsi le souhait de plusieurs utilisateurs des réseaux sociaux.
Cette pluie d’hommages ne surprend pas l’abbé Claude Paradis. «Même dans la rue, des jeunes me parlent encore du père Pops. Il a marqué une époque. Le père Johns était un vrai missionnaire!»
L’abbé Claude Paradis croit que plus rien ne sera pareil sans lui. «Cela va me faire vraiment drôle d’aller dans la rue demain (lundi). Vraiment drôle», confie-t-il.