Condamné en septembre 2015 à purger une peine de six ans pour attentats à la pudeur et agressions sexuelles, l’abbé Paul-André Harvey a révélé peu avant sa mort, que les différents évêques de Chicoutimi étaient au courant des gestes qu’il a commis contre des enfants.
«Lorsque les agressions ont commencé, en 1965, il aurait prévenu son évêque, Mgr Marius Paré, de son comportement», indique la journaliste Isabelle Hachey. Dans un article publié dans La Presse du 14 mai 2018, la journaliste cite des extraits d’un document remis par le prêtre aux avocats qui représentent les victimes d’un recours collectif intenté contre lui mais aussi contre le diocèse de Chicoutimi.
«Dès les premières infractions, mon évêque d’alors m’a convoqué à son bureau à la suite d’une plainte reçue. Je lui ai fait part de mes difficultés et je lui ai avoué mon besoin d’aide. Il m’a uniquement conseillé de me comporter avec plus de prudence avec les enfants et de mettre plus de prière dans ma vie. Je suis retourné avec mon problème. Lorsqu’une autre plainte lui parvenait, il me changeait de paroisse, pensant résoudre ainsi mon problème affectif. Il n’en était rien. Après quelques jours sans difficulté, je récidivais», a écrit Paul-André Harvey.
En 1965, l’évêque du diocèse de Chicoutimi était Mgr Marius Paré. Mgr Jean-Guy Couture dirigea le diocèse d’avril 1979 jusqu’en juin 2004. Mgr André Rivest lui succèda. En novembre 2017, le pape François a nommé l’abbé René Guay, 67 ans, évêque du diocèse. Mgrs Couture et Rivest ont toujours nié avoir été mis au courant des gestes commis par ce prêtre, incardiné au diocèse de Chicoutimi en 1962.
Réaction du diocèse
Ce matin, le diocèse de Chicoutimi a vivement réagi à ces allégations quelques instants après la publication de l’article sur le site Web de La Presse.
Le document rendu public par La Presse n’est que «le récit solitaire d’un pédophile décédé qui a cherché à se justifier et qui rejette la faute sur tout le monde, sans autocritique», a tranché Me Estelle Tremblay, avocate de l’évêché, tout en rappelant que Paul-André Harvey «a commis des gestes ignobles qui ont causé des souffrances indescriptibles aux victimes et à leurs familles».
Me Tremblay estime que «ce récit, livré après que l’évêché ait refusé de financer le procès que M. Harvey souhaitait imposer à ses victimes, ne porte aucunement atteinte au témoignage de Mgr Jean-Guy Couture, rendu sous serment devant le tribunal, à l’effet qu’il ignorait tout de son comportement déviant», a ajouté l’avocate qui regrette que l’ex-prêtre «ne pourra jamais être contre-interrogé devant un tribunal pour établir la vérité».
Après avoir plaidé coupable en juin 2015, le prêtre a été condamné, trois mois plus tard, à purger une peine de six ans pour attentats à la pudeur et agressions sexuelles commis sur au moins 39 enfants.
Recours collectif
En octobre 2015, des victimes de Paul-André Harvey ont déposé une requête en Cour supérieure pour que soit autorisé un recours collectif contre l’ex-prêtre et le diocèse de Chicoutimi.
L’Association des jeunes victimes de l’Église, qui a soumis cette demande de recours collectif, estime que Paul-André Harvey «a utilisé sa position d’autorité au sein de l’Église catholique pour agresser sexuellement plus d’une centaine de filles dans diverses paroisses du diocèse de Chicoutimi», entre 1962, année de son ordination, et 2002, année de sa retraite.
La requête indique aussi qu’à «plusieurs reprises», des parents ont informé les autorités diocésaines. «Plutôt que d’agir pour protéger les victimes potentielles de Harvey, l’Église a plutôt essayé de camoufler le problème en changeant Harvey de paroisse».
Les victimes réclament chacune 125 000 $ à Paul-André Harvey ainsi qu’au diocèse de Chicoutimi. Elles demandent aussi que le diocèse soit condamné à verser 25 000 $ en dommages punitifs.
Toujours emprisonné, Paul-André Harvey est décédé le 3 mai 2018, à l’âge de 81 ans. Un communiqué du Service correctionnel du Canada a indiqué que, le jour même, Paul-André Harvey, «un détenu du Centre fédéral de Formation, est décédé sous notre garde de causes naturelles apparentes à la suite d’une maladie. Les proches du détenu ont été informés de son décès».
Lorsqu’il a enregistré son plaidoyer de culpabilité, en 2015, le prêtre a reconnu «avoir eu durant plusieurs années des comportements inappropriés et indignes de [sa] fonction auprès d’enfants qui mettaient en [lui] leur confiance».
«Aujourd’hui, je reconnais mes torts et je plaide coupable. Je demande pardon à mon Église que j’ai déshonorée. Pardon surtout à toutes ces personnes que j’ai blessées durant mon parcours et qui portent chez certaines des séquelles qui durent encore», a-t-il ajouté.