«Le timing n’est pas très bon pour votre affaire, m’a dit mon archevêque.» Les quelques cent personnes présentes dans un centre communautaire de Ville Saint-Laurent ont souri lorsque l’abbé Robert Gendreau, directeur du Service de la pastorale liturgique de l’archidiocèse de Montréal, a lancé cette remarque.
Mercredi soir, l’abbé Gendreau et le cardiologue Raouf Ayas ont présenté leurs réflexions ainsi que le petit livret qu’ils ont rédigé ensemble sur le programme d’éducation sexuelle proposé par le ministère de l’Éducation aux enfants de niveau primaire.
Ce sera la seule allusion de la soirée à l’imbroglio qu’aura créé ce message que l’archevêché de Montréal a acheminé une semaine plus tôt aux médias montréalais afin de leur annoncer la parution du livre Réflexions pour susciter le dialogue parents/enfants sur le programme Éducation à la sexualité du ministère de l’Éducation du Québec de la maternelle à la 3e année du primaire.
Lorsque les médias ont relevé que les autorités religieuses invitaient les parents à retirer leurs enfants de ces cours, l’archevêché a alors déclaré n’être «aucunement impliqué dans l’initiative ni la publication de cet ouvrage».
Ce retournement n’a ébranlé ni les deux auteurs ni l’instigateur de ce «programme alternatif d’éducation sexuelle, négocié de bonne foi entre le parent et le professeur».
«Contraire à notre vision du monde»
Lors d’une conférence d’une heure, Raymond Ayas, son père le docteur Raouf Ayans, et l’abbé Robert Gendreau ont déclaré que le programme que le ministère de l’Éducation veut imposer propose une «sexualisation précoce, contraire à notre vision du monde».
«Les enseignements viennent trop tôt et ne correspondent pas à notre façon de voir les choses», estime Raymond Ayas, un parent de trois enfants qui, il y a deux ans, a présenté à l’abbé Gendreau et au cardiologue Ayas le contenu du nouveau programme d’éducation sexuelle qu’il avait téléchargé sur Internet.
«Le gouvernement n’impose pas un manuel ou une encyclopédie de la sexualité», ajoute M. Ayas. «Le ministère n’a émis que des objectifs pédagogiques à atteindre. Nous nous sommes demandés si on était d’accord avec ces objectifs.»
«Bien sûr qu’on est contre l’intimidation. Bien sûr qu’on souhaite moins d’infections transmises sexuellement. Bien sûr qu’on souhaite moins de grossesses juvéniles. L’objectif final du gouvernement est louable», tranche-t-il. «Mais y a-t-il une place dans cette société pour les parents qui veulent s’impliquer dans l’éducation sexuelle de leurs enfants?», demande-t-il.
«Je ne demande pas un droit d’exemption. Je souhaite que mes enfants atteignent les objectifs du programme gouvernemental.»
«Mais pourquoi ne pas leur offrir un programme alternatif, négocié de bonne foi entre le parent et le professeur? Après tout, ce sont les objectifs qui sont obligatoires et non la manière dont ils sont livrés», dit Raymond Ayas, longtemps un dirigeant de l’Association des parents catholiques du Québec, et aujourd’hui un organisateur régional pour le Parti populaire du Canada de Maxime Bernier.
Pas d’amour dans ce programme
Son père, le docteur Raouf Ayas, s’est plutôt attardé à la «tempête médiatique» créée lorsque les deux auteurs ont lancé que les parents étaient les premiers éducateurs de leurs enfants, y compris en matière de sexualité.
Citant le titre de la chronique de Denise Bombardier dans Le Journal de Montréal, À qui appartiennent les enfants?, le cardiologue rétorque que les enfants n’appartiennent pas au ministère de l’Éducation ou à l’État.
«Si votre garçon casse le carreau, la vitre du voisin, vous êtes responsables. Cependant si votre fille qui a 14 ans tombe enceinte, vous ne pouvez pas lui dire d’aller se faire avorter ou non. Vous n’avez rien à voir dans cela. Votre opinion ne compte pas. Un travailleuse sociale et un psychologue vont conseiller votre fille.»
«Depuis plusieurs années, la famille n’a pas bonne presse. Les parents se font tasser de façon systématique», estime-t-il. «Il faut que les parents reprennent leur place. Il faut qu’ils revendiquent, qu’ils réclament qu’on respecte leurs droits.»
Quand son fils lui a présenté le nouveau programme d’éducation sexuelle au primaire, le docteur a vite compris «que personne n’allait parler d’amour aux jeunes».
«On leur dit que tout est bon. Tu as quinze ans, tu sors avec ta copine, c’est bon. Tu as huit ans, c’est bon aussi. Tu es précoce, mais c’est bon. Il n’y a pas de jugement moral, pas de valeur qui est donnée à ce que l’on fait», lance-t-il.
Pour les jeunes de 12 ou de 13 ans, «le programme veut qu’on discute d’hétérosexualité, d’homosexualité et de bisexualité».
«N’est-ce pas de la confusion qu’on est en train d’insérer dans la tête de ces pauvres enfants?», demande-t-il.
Dialogue sur la sexualité
«On ne veut pas nécessairement retirer les enfants du programme», précise ensuite l’abbé Robert Gendreau. «Mais on souhaite que les parent aient la possibilité de le faire s’ils jugent cela nécessaire. Ce que l’on veut, c’est encourager le dialogue entre les enfants et les adultes sur la sexualité.»
Le prêtre estime que l’implantation du nouveau programme donne précisément «aux parents l’occasion d’exercer leurs droits de premiers éducateurs de leurs enfants».
Une notion que les parents pourraient enseigner, c’est celle de la chasteté. «On accuse l’Église de ne parler que de chasteté. Non, on ne parle pas que de cela», lance le prêtre. «Cependant, nous on en parle.»
L’abbé Gendreau indique ensuite qu’une société qui se préoccupe tant des droits de ses citoyens devrait s’intéresser aux droits des parents et des enfants. «Un droit particulier de la personne, c’est celui de recevoir une information et une éducation de respect de la dimension morale et spirituelle de la vie humaine. Les parents ont le droit de s’assurer que cette dimension est respectée.»
Il ne s’agit pas d’obliger le gouvernement à promouvoir ces valeurs morales. «Ce n’est pas le rôle du gouvernement. Mais en assumant eux-mêmes cette responsabilité, les parents préparent et protègent leurs enfants de tout ce qu’ils vont voir – et Dieu sait qu’ils vont tout voir – et entendre, non seulement en classe, mais auprès de leurs amis et sur Internet», estime-t-il.
Il ajoute enfin que le principe de la séparation de l’Église et de l’État ne signifie pas le rejet d’une institution par l’autre.
«Si c’est cela, une des deux va gagner et on aura un régime où il n’y a plus de liberté. C’est cette liberté que l’Église protège et défend.»
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