Les évêques du Canada ont rendu public le jeudi 4 octobre leur guide sur la mise en place des mesures de protection des mineurs et la prévention des abus sexuels dans l’Église catholique.
Intitulé Protection des personnes mineures contre les abus sexuels: Appel aux fidèles catholiques du Canada pour la guérison, la réconciliation et la transformation, le document de 200 pages, imprimé durant l’été, a d’abord été remis aux seuls évêques le jeudi 27 septembre lors de l’assemblée plénière de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
«Les évêques vont prendre quelques jours avant de lancer ces lignes directrices dans leurs diocèses respectifs», avait alors indiqué Mgr Anthony Mancini, président du Comité ad hoc sur la protection des personnes mineures de la CECC et responsable de la publication de ce document.
Mis en ligne dans le site Web de la CECC à 11h le 4 octobre 2018, le document est préfacé par Mgr Lionel Gendron, évêque de Saint-Jean-Longueuil et président de la CECC. Il explique que «les importants changements que le Saint-Siège a apportés en 2010, quant à la réponse canonique à donner dans les cas d’abus sexuels commis par des membres du clergé, ont exigé la mise à jour des normes diocésaines».
En juin 1992, les évêques canadiens avaient publié un rapport intitulé De la souffrance à l’espérance, entièrement consacré aux agressions sexuelles commises par des prêtres.
Dans son document, la conférence épiscopale reconnaît que «les reportages des médias, les poursuites en justice et les répercussions financières ajoutées au défaut des dirigeants de l’Église de répondre promptement et convenablement» ont aussi forcé la mise à jour des normes édictées en 1992.
Le contenu
Le document épiscopal dresse d’abord une liste des «leçons concernant les agressions sexuelles de membres du clergé à l’égard de personnes mineures». Pour chacune de ces leçons, des recommandations sont faites par les auteurs du guide.
À titre d’exemple, la première leçon insiste sur la nécessité de bien accueillir les victimes. «Toute expérience d’agression sexuelle – et non seulement quand un dirigeant religieux est impliqué – risque grandement d’être vécue avec honte et culpabilité ainsi qu’avec un sentiment de dégoût de soi-même. Si la divulgation est rejetée sans plus, ces sentiments sont amplifiés, et d’autres encore surgissent. Les victimes peuvent se sentir stigmatisées, isolées et trahies», écrit-on
«Dans le passé, les personnes qui portaient des allégations étaient souvent traitées d’une manière qu’elles trouvaient dédaigneuse, insensible et même méprisante», reconnaissent les auteurs.
Ils recommandent aux évêques ainsi qu’aux supérieurs de communautés religieuses «de s’assurer que les victimes qui se présentent pour la première fois [soient] accueillies pour une rencontre pastorale dénuée de jugement à laquelle elles sont bienvenues et saluées pour leur courage».
Dans la leçon 4 – Que faire des délinquants? – le guide examine les différentes mesures qui seront prises contre un membre du clergé déclaré coupable d’abus sexuels.
«Une possibilité, écrit-on, consiste à interdire complètement au délinquant l’exercice d’un ministère public et d’une charge publique dans l’Église, ou du moins à ne lui permettre aucun contact avec des personnes mineures. Selon cette option, on offre un traitement et un soutien au délinquant dans un milieu restrictif et contrôlé où les jeunes et d’autres personnes sont hors de danger. Si cette mesure n’est pas suffisante ou si la gravité des infractions le justifie, l’autre solution consiste à infliger des peines ecclésiastiques plus graves et à renvoyer le délinquant de l’état clérical ou religieux.»
«Du point de vue de l’Église, un aspect de l’intervention face aux auteurs d’agressions sexuelles doit inclure l’espérance de leur retour à Dieu. Pour cette raison, en plus de satisfaire aux exigences de la justice et d’assurer la sécurité publique, l’Église exige que les délinquants fassent réparation pour le dommage qu’ils ont infligé et le scandale qu’ils ont causé.»
Le document de la conférence épiscopale n’utilise que deux fois le terme pédophile pour désigner les prêtres qui ont agressé des enfants. Le qualificatif d’agresseur est toutefois mentionné 18 fois et celui de délinquant 51 fois. Le mot excuses n’apparaît qu’une seule fois dans tout le document.
La première partie du document de la CECC, qui compte neuf leçons et 69 recommandations, est complétée par un chapitre sur la guérison des victimes et un autre sur les responsabilités des évêques diocésains.
Lignes directrices
Suivent des lignes directrices (25 pages) afin d’«aider les évêques et les supérieurs majeurs à mettre à jour des protocoles visant à prévenir la perpétration d’abus sexuels à l’endroit de personnes mineures par des membres du clergé et à répondre aux plaintes».
C’est dans cette section que l’on demande aux évêques et aux supérieurs majeurs de rendre publiquement des comptes et de «prévoir la nomination d’une personne responsable des relations avec les médias pour toutes questions concernant les allégations d’abus sexuels».
«Étant donné l’omniprésence et l’efficacité formidable des médias sociaux, il est plus important que jamais que les médias traditionnels soient tenus officiellement au courant, d’une manière ou d’une autre, des comptes à rendre par l’évêque, le supérieur majeur ou ceux qui leur sont équiparés en droit concernant les allégations qui ont été rendues publiques et les mesures qui ont été ou seront prises», recommande-t-on.
La troisième partie du document Protection des personnes mineures contre les abus sexuels donne une longue liste d’organismes ou encore de ressources «qui sera utile à toute personne qui exerce un ministère pastoral auprès des personnes mineures». Parmi les ressources québécoises, on trouve les coordonnées du Centre pour les victimes d’agression sexuelle de Montréal.