Les évêques du Canada ont appris «avec tristesse» les «résultats choquants» de l’enquête indépendante menée par L’Arche internationale sur les agissements de son fondateur, le Canadien Jean Vanier.
Dans la nuit de vendredi à samedi, des médias ont présenté le résumé de ce rapport d’enquête qui contient, selon la conférence épiscopale, «des allégations troublantes de femmes (non handicapées) qui ont été victimes d’abus émotionnel et sexuel».
Même si «aucun tort causé ne peut être excusé», les évêques estiment que cette nouvelle s’avèrera «difficile et incompréhensible» pour tous «puisque Jean Vanier a eu une profonde influence sur la façon dont les personnes ayant une déficience intellectuelle ou physique sont perçues et traitées aujourd’hui et que ses écrits ont eu une empreinte positive sur la vie des gens dans de nombreux milieux culturels et linguistiques».
En entrevue téléphonique, au lendemain de la publication de la réaction des évêques canadiens, l’archevêque Richard Gagnon, le président de la CECC a redit sa propre incompréhension devant cette affaire.
«Il y a deux aspects à considérer», observe-t-il. «Jean Vanier est un homme doté de dons exceptionnels qui aura eu une grande influence spirituelle. C’est aussi un homme qui aura fait un bien énorme, certains disent même qu’il a changé le monde, certainement notre manière de regarder les personnes avec un handicap mental.»
Mais l’enquête expose aussi «sa vie privée, les batailles qu’il a menées en lui-même, ses péchés et ses faiblesses. Nous sommes tous perplexes devant cela», dit l’archevêque de Winnipeg.
«C’est difficile à comprendre», répète Mgr Gagnon. «Et cela doit l’être tout particulièrement pour les gens qui vivent à L’Arche ou qui y travaillent. Jean Vanier était un homme inspirant. Mais il faut aussi reconnaître que le péché est présent, y compris dans la vie de chacun d’entre nous.»
Rappelant que tout «abus est une effroyable manipulation de la confiance et doit toujours être condamné», les évêques canadiens «louent le courage et prient pour toutes les personnes victimes-survivantes qui divulguent leurs expériences douloureuses afin de trouver justice et guérison».
Dans leur déclaration, les évêques félicitent les dirigeants de L’Arche pour leur transparence et «pour avoir pris des mesures audacieuses en lançant une enquête indépendante pour clarifier cette question».
Une telle transparence et un tel modus operandi ne devraient-ils pas être la norme dans les diocèses du Canada qui sont aux prises avec des allégations d’abus sexuels commis par des prêtres?
La transparence, rappelle Mgr Gagnon, est un des éléments qu’aborde de front le guide sur la protection des personnes mineures contre les abus sexuels, cette politique approuvée à l’unanimité par les évêques du Canada en septembre 2018 et qu’ils sont tenus d’implanter dans chacun de leur diocèse respectif.
«La transparence, cela fait partie des engagements des diocèses. C’est un work in progress», admet-il au cours de cet entretien qui s’est déroulé entièrement en anglais, la langue dans laquelle l’archevêque préfère donner des entrevues.
Il note aussi que dans l’affaire Vanier, les abus commis ne sont pas de la même nature que ceux qui sont les plus souvent dévoilés dans les diocèses. Cette fois, des femmes adultes ont pris la parole, leurs témoignages ont été entendus puis ont été dévoilés.
«Quand il s’agit d’abus de mineurs, on veut être transparent, mais il faut aussi respecter les émotions (feelings) des personnes abusées» qui ne veulent pas toujours que leur histoire soit rendue publique.
En novembre 2019, la CECC, questionnée par des victimes sur la réelle volonté de transparence, avait indiqué que les évêques devaient aussi se préoccuper «du bien-être des victimes et survivants, dont certains ne veulent pas que les noms de leurs agresseurs soient publiés de peur d’être eux-mêmes identifiés ou d’être de nouveau victimisés».
«C’est délicat», répète Mgr Richard Gagnon, «mais, agir avec transparence, c’est ce à quoi nous sommes appelés».
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