Les rédemptoristes quitteront leur monastère de Sainte-Anne-de-Beaupré. Dans une lettre qui vient d’être envoyée aux organisateurs de pèlerinages et aux donateurs, le recteur du sanctuaire, le père Bernard Gauthier, indique que la plupart des membres de la communauté vivront désormais dans diverses résidences.
Il explique que cette décision survient après « plusieurs mois d’études et de réflexions sur l’état actuel des bâtiments, sur les capacités des rédemptoristes à maintenir un service pastoral de qualité, sur les ressources financières disponibles pour la vie du sanctuaire et pour la vie des confrères ». Les rédemptoristes se sont réunis, en lien avec l’archidiocèse de Québec, au début du mois de décembre 2017 pour arrêter des plans qui concernent l’avenir du sanctuaire.
«Cela signifie que le nombre de rédemptoristes présents à Sainte-Anne-de-Beaupré sera très restreint», annonce le père Gauthier. «Nous continuons à être les gardiens du sanctuaire mais nous travaillerons, dans les prochaines années, à installer une équipe responsable composée de rédemptoristes, de laïcs et d’autres religieux.» Ce travail se fera en collaboration avec les autorités diocésaines, assure-t-il.
Il précise que «le déménagement des confrère devrait être terminé dans deux ans tout au plus».
Joint au téléphone, le supérieur provincial de la province rédemptoriste de Sainte-Anne-de-Beaupré, le père Charles Duval, convient que ce processus se passe plus rapidement qu’il ne le pensait au départ.
«On pensait pouvoir l’étaler sur une plus longue période», reconnait-il. Il explique que plusieurs confrères ont besoin de soins médicaux soutenus et qu’il devenait impossible de pouvoir leur prodiguer ces soins dans l’infirmerie du monastère.
«Avec la relocalisation, ce qui arrive, c’est que nous trouvions important de bâtir de petites communautés là où ces confrères se trouvent. Certains ont déjà quitté le monastère, et on s’est mis à inviter d’autres confrères en meilleure santé à aller vivre avec eux, pour garder vivant l’esprit de communauté. C’est ça qui va se passer en ce moment», dit le supérieur.
Ainsi, ils ne sont plus que vingt-et-un rédemptoristes dans le monastère de Sainte-Anne-de-Beaupré, qui n’est occupé qu’à 30%, selon le père Duval. D’ici le mois de mai, ils ne seront plus que dix dans le grand édifice situé sur l’avenue Royale.
Bâtiments excédentaires
Le supérieur provincial convient que dans ces conditions, il ne sera pas possible de garder le monastère. «Maintenant que ces décisions sont prises, nous sommes dans un processus d’évaluation de nos bâtiments. On veut travailler avec le milieu, dont la ville et la MRC.»
La lettre signée du recteur du sanctuaire précise d’ailleurs que ce travail d’évaluation, qui aura lieu au cours des prochains mois, «entrainera une liquidation des terrains et bâtiments excédentaires».
«La situation nous montre déjà qu’il serait irresponsable de ne pas agir. Par exemple, le séminaire [Saint-Alphonse] est fermé depuis 2001, le musée et l’auberge sont définitivement fermés, le monastère deviendra en grande partie inutilisé», détaille Bernard Gauthier.
Rappelons en effet que le Musée de sainte Anne a été fermé définitivement l’hiver dernier. La fermeture définitive de l’Auberge de la basilique a été annoncée à la fin de l’année 2017. Mais l’ancien Séminaire Saint-Alphonse, attenant au monastère, est fermé depuis plusieurs années et montre des signes d’usure certains. Pour l’instant, aucun de ces bâtiments n’est à vendre, et si la lettre mentionne bien une «liquidation», le père Duval hésite encore à parler de mise en vente.
«Il faut agir rapidement», insiste-t-il en entrevue. «C’est clair qu’on ne gardera pas ces bâtiments. Mais au monastère, il va falloir garder une petite place pour l’équipe qui sera appelée à continuer de gérer le sanctuaire.»
De son propre aveu, à court terme, il ne reste que peu de rédemptoristes qui seront en mesure de travailler au sanctuaire. C’est pourquoi il entend miser sur des partenariats avec d’autres clercs et avec des laïcs. Cette formule est d’ailleurs déjà appliquée, puisque la vice-rectrice du sanctuaire est une laïque, Assunta Bouchard, et qu’un prêtre américain, Paul Bombardier, a été embauché.
Selon le supérieur, tous ces changements leur permettront de se concentrer sur l’accueil pastoral des pèlerins et des visiteurs au sanctuaire qui continue d’attirer environ 800 000 personnes par année, dont une partie fait partie des quelque 5000 groupes de diverses langues qui y affluent annuellement.
Une route «difficile»
Mais avec une équipe réduite à ce point, les rédemptoristes pourront-ils demeurer longtemps les gardiens du sanctuaire, un titre qui leur a été attribué par le cardinal Elzéar-Alexandre Taschereau au XIXe siècle?
«On s’est donné une date pour évaluer si on est apte à s’occuper du sanctuaire. On aura un temps d’évaluation. Si on a du mal à s’en occuper, on va interpeller l’évêque [ndlr : le cardinal Gérald Lacroix]. Mais ça a été exploré. On pense qu’on est capable, si on est sérieux. Mais on ne peut pas garder le statu quo», explique Charles Duval. «Il faut s’adapter à la nouvelle réalité.»
Dans la conclusion de sa lettre, le recteur Bernard Gauthier concède que son contenu peut paraître peu réjouissant. «La route sera longue, difficile, mais nous voulons la prendre avec foi et respect de notre héritage», écrit-il.
Le sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré a été fondé en 1658. Les rédemptoristes y sont présents depuis 1878. Les premiers membres Américains ont rapidement fait place à ceux originaires de Belgique dès 1879. C’est sous la gouverne de la communauté que le lieu a connu un essor fulgurant, aidé par le développement du tourisme moderne. Ce sont aussi eux qui ont piloté le dossier de la construction de l’actuelle basilique après le grand incendie de 1922. Ces dernières années, elle a été éclaboussée par un scandale d’abus sexuels au Séminaire Saint-Alphonse. Des discussions ont présentement lieu avec d’unifier les trois provinces rédemptoristes du Canada.