«Quand je me suis réveillé mardi matin, je ne m’attendais pas à cela. Ce n’était prévu dans mon plan de travail de la semaine», lance Benoit Thibodeau, président de l’Association professionnelle des animatrices et animateurs de vie spirituelle et d’engagement communautaire du Québec (APAVECQ).
C’est que le projet de loi 40 qui vise principalement à transformer les commissions scolaires en centres de services contient des articles qui modifient plusieurs lois existantes dont la Loi sur l’instruction publique.
Trois modifications apportées à cette loi, qui définit les services d’éducation auxquels ont droit les résidents du Québec, auront comme conséquence de biffer toute mention de «spiritualité» dans la Loi sur l’instruction publique.
Si le projet de loi 40 est adopté tel que présenté le 1er octobre à l’Assemblée nationale, l’article qui indique qu’un élève «a droit à des services complémentaires d’animation spirituelle et d’engagement communautaire» sera abrogé. Un autre article qui mentionne que l’école «doit faciliter le cheminement spirituel de l’élève afin de favoriser son épanouissement», sera aussi retiré de la Loi sur l’instruction publique.
Inquiétudes
Ces abrogations et ces modifications ont passablement inquiété des animateurs et des animatrices de vie spirituelle et d’engagement communautaire qui ont découvert, en lisant le projet de loi sur l’abolition des commissions scolaires, que Jean-François Roberge, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, en profitait pour effacer leur titre d’emploi. Plusieurs ont rapidement fait part de leurs inquiétudes aux dirigeants de leur association professionnelle ou de leur syndicat.
«Sommes-nous surpris, dans la foulée de la loi 21 sur la laïcité de l’État, de voir le ministre abroger au passage toute mention du Service d’animation de vie spirituelle et d’engagement communautaire?», demande Jean Martineau, vice-président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ) qui regroupe 8000 membres dont des psychologues, des orthophonistes, des bibliothécaires et des animatrices et animateurs à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire.
«On a bien hâte d’entendre le ministre Roberge expliquer pourquoi il a fait ces changements. Mais s’il y voit un lien avec la loi 21, pour nous, cela n’a aucun rapport. Ce service d’animation à la vie spirituelle a justement été créé au moment de la déconfessionnalisation des structures scolaires. Ce n’est pas un service religieux et les animateurs ne sont plus mandatés par des Églises. On est rendu ailleurs», estime le dirigeant syndical.
«Non, ce n’est pas encore la fin du Service d’animation de vie spirituelle et d’engagement communautaire», rassure Benoit Thibodeau, le président de l’APAVECQ.
«Il est vrai que le projet de loi retire de la Loi sur l’instruction publique les trois articles qui parlent de spiritualité». Mais ces articles, rappelle-t-il, ont été ajoutés au texte de loi au moment de la déconfessionnalisation scolaire, «quant on est passés d’animateurs de pastorale à animateurs à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire».
Peu importe les articles et les mots qu’abrogent le projet de loi 40, l’important, disent Jean Martineau et Benoit Thibodeau, c’est que le Service d’animation de vie spirituelle et d’engagement communautaire fait toujours partie du Régime pédagogique de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire, un texte de loi qui définit les services complémentaires auxquels ont droit les étudiants québécois. Le projet de loi 40 ne modifie aucunement les dispositions de ce texte législatif.
«On veut rassurer nos membres. Ce corps d’emploi est toujours inscrit au Régime pédagogique et les postes d’animateurs ne sont pas coupés. Et cela n’annonce pas la fin prochaine de ce service aux élèves», dit le syndicaliste Jean Martineau, lui-même animateur à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire de profession qui a travaillé dans des écoles de la Commission scolaire du Chemin-du-Roy en Mauricie. «On fera toutes les interventions nécessaires pour s’en assurer.»
«On fait toujours partie de la liste des professionnels de l’enseignement», répète Benoit Thibodeau, un animateur à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire dans onze écoles de la Commission scolaire de la Capitale. «Ce n’est pas encore la fin de ce corps d’emploi.»
Réponse du ministère
Questionné dès la présentation du projet de loi 40 sur l’abrogation de ces trois articles liés à la spiritualité, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur s’est fait rassurant. Les modifications au texte législatif «n’auraient aucun impact sur le maintien de la fonction ni sur les services aux élèves», a indiqué jeudi sa porte-parole, Esther Chouinard, de la Direction des communications.
Les articles ont simplement été retirés du projet de loi «par souci de cohérence avec la situation des autres services complémentaires [ndlr: les orthophonistes ou les bibliothécaires, par exemple], qui ne sont pas nommés dans la Loi sur l’instruction publique».
Mme Chouinard confirme également que «le service complémentaire d’animation spirituelle et d’engagement communautaire est un des douze services complémentaires prévus au Régime pédagogique de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire et le demeurerait advenant l’adoption du projet de loi».
Trois abrogations
Le projet de loi 40 (Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires) contient 312 articles. Trois de ces articles, qui ne font pas plus d’une ligne et qui sont rédigés en termes juridiques vagues, auront comme conséquence pratique de biffer chaque mention du terme spirituel dans la Loi sur l’instruction publique, la loi qui définit les services d’éducation et les structures scolaires du Québec.
1) Texte exact de l’article 2 du projet de loi 40
2. L’article 6 de cette loi est abrogé.
Cela veut dire
Le projet de loi 40, s’il est adopté, abrogera l’article 6 de la Loi sur l’instruction publique. Cet article se lit ainsi:
6. L’élève, autre que celui inscrit à la formation professionnelle ou aux services éducatifs pour les adultes, a droit à des services complémentaires d’animation spirituelle et d’engagement communautaire.
2) Texte exact de l’article 5 du projet de loi 40
5. L’article 36 de cette loi est modifié par la suppression de la dernière phrase du premier alinéa.
Cela veut dire
Le premier paragraphe de l’article 36 de la Loi sur l’instruction publique se lit comme suit:
36. L’école est un établissement d’enseignement destiné à dispenser aux personnes visées à l’article 1 les services éducatifs prévus par la présente loi et le régime pédagogique établi par le gouvernement en vertu de l’article 447 et à collaborer au développement social et culturel de la communauté. Elle doit, notamment, faciliter le cheminement spirituel de l’élève afin de favoriser son épanouissement.
S’il est adopté, le projet de loi 40 va retirer de l’article 36 de la Loi sur l’instruction publique cette phrase: «Elle [l’école] doit, notamment, faciliter le cheminement spirituel de l’élève afin de favoriser son épanouissement.»
3) Texte exact de l’article 106 du projet de loi 40
106. L’article 226 de cette loi est abrogé.
Cela veut dire
Le projet de loi 40, s’il est adopté, biffera l’article 226 de la Loi sur l’instruction publique. Cet article se lit ainsi:
226. La commission scolaire s’assure que l’école offre aux élèves des services complémentaires d’animation spirituelle et d’engagement communautaire.
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