Cette année, le thème de l’assemblée générale de la Conférence religieuse canadienne, qui se tient jusqu’à dimanche à Dorval, au Québec, relie un proverbe turc et un extrait de la Bible: Les nuits sont enceintes. Toi qui veilles, qu’en dis-tu?
Cette idée suggérée par la thématique «qu’un monde est en train de disparaître et qu’un autre est déjà là» plaît beaucoup à l’économiste et théologienne Elena Lasida. Conférencière principale lors de cette rencontre d’orientation qui se déroule à toutes les deux années, la professeure à l’Institut catholique de Paris estime que la fragilité ou l’obscurité de nos existences individuelles et collectives ne doit pas être vue comme une menace mais plutôt comme une promesse d’avenir.
«Il ne faut pas essayer de réparer. Il faut plutôt reconnaître ce qui émerge comme germe nouveau», a-t-elle dit le vendredi 25 mai aux 250 supérieurs de toutes les communautés religieuses du Canada présents dans la salle de conférences de l’Hôtel Sheraton Montréal Aéroport.
Elle donne comme exemple la crise écologique qu’affronte le monde d’aujourd’hui. «Ce n’est pas une crise parmi d’autres. C’est une crise qui permet d’interroger de manière globale notre manière d’être au monde, c’est-à-dire notre modèle économique, notre manière de faire société, nos relation internationales, nos modes de vie, notre conception de l’avenir, notre raison de vivre.»
S’appuyant sur l’encyclique Laudato si’ du pape François, elle répète que la crise écologique «interroge le sens même de notre vie individuelle et collective».
«L’enjeu écologique est devenu aujourd’hui un enjeu politique, économique et spirituel», poursuit la professeure à qui la Conférence des évêques de France a confié la mission de promouvoir l’encyclique du pape sur l’environnement auprès des communautés chrétiennes.
«Cette terre ne nous appartient pas», dit le pape François dans son encyclique. «C’est une invitation à se reconnaître bénéficiaire d’un don reçu», ajoute Elena Lasida.
Elle reconnaît aussi que le monde et tout particulièrement le monde économique vit dorénavant sous la dictature du résultat. «Même dans nos activités charitables ou solidaires, on cherche à obtenir des résultats. On devrait plutôt évaluer, non pas leurs résultats, mais les relations qu’elles génèrent.» D’où l’importance de «redonner de la place à la gratuité», estime l’économiste.
Les vœux religieux
Au terme de sa conférence, la théologienne a discuté des trois vœux de la vie religieuse, soit la pauvreté, l’obéissance et la chasteté. La crise vécue par les communautés du Canada s’avère justement «une chance pour revisiter les vœux et le sens de la vie religieuse», estime-t-elle.
«Les trois vœux de la vie religieuses font directement écho aux défis de la crise écologique», explique la professeure.
Le vœu de pauvreté, c’est de refuser d’«être esclave des choses, de faire l’expérience de la sobriété et de la liberté». L’obéissance, ce n’est pas de perdre notre autonomie mais cela «renvoie plutôt à l’idée d’interdépendance». Quant à la chasteté, ce vœu doit être vu comme «l’expérience d’être créateur et créatrice autrement que dans la création biologique».
Samedi, Elena Lasida s’adressera de nouveau aux responsables des congrégations et instituts religieux du Canada. Au terme de ses allocutions, les membres identifieront des priorités pour les deux prochaines années pour la Conférence religieuse canadienne.