Les victimes d’abus sexuels qui ont étudié et vécu à l’Institut des sourds de Montréal entre les années 1940 et 1982 se partageront une somme record de 30 millions $. Les Clercs de Saint-Viateur verseront à eux seuls 20 millions $ aux victimes.
La juge Eva Petras de la Cour supérieure du Québec vient d’approuver deux ententes de règlement conclues ces derniers mois entre le Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain et deux institutions.
Le 4 novembre 2015, les Clercs de Saint-Viateur du Canada s’engageaient à verser une somme de 20 millions $ aux jeunes victimes. Le 10 février dernier, une seconde entente a été conclue, cette fois avec l’Institut Raymond-Dewar, l’établissement qui a pris la relève de l’Institut des sourds de Montréal. Cette entente, qui devait aussi être approuvée par un juge, prévoyait le versement d’un montant supplémentaire de 10 millions $.
La juge Petras a approuvé cette entente mardi. Elle a aussi confié à l’ex-juge de la Cour d’appel, Me André Forget, le mandat de recevoir les réclamations des victimes. Me Forget était l’adjudicateur dans les recours contre les Frères de Sainte-Croix et les Rédemptoristes.
«Dans le cadre de ces mandats, il a rencontré plus de 350 victimes d’agressions sexuelles du clergé et il compte certainement parmi les personnes au Québec les mieux avisées pour considérer et décider des réclamations des membres et comprendre leurs difficultés», indique le projet d’entente soumis à la juge Eva Petras.
Le règlement de 30 millions $ approuvé mardi «représente de loin le montant le plus élevé jamais payé au Québec pour des agressions sexuelles commises sur des mineurs», a déclaré par voie de communiqué le cabinet d’avocats Kugler Kandestin, représentant des victimes.
Réaction des Clercs de Saint-Viateur
Les Clercs de Saint-Viateur ont refusé de commenter le règlement approuvé mardi par la juge Petras.
En novembre dernier, au lendemain de la conclusion de l’entente entre le Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain et les Clercs de Saint-Viateur du Canada, le supérieur provincial de la congrégation, le père Nestor Fils-Aimé avait dit que «la Congrégation devra faire d’importants sacrifices financiers afin de verser les sommes convenues».
«Nous sommes cependant satisfaits de l’entente de principe, qui met fin à un litige difficile pour toutes les parties impliquées. Les Clercs de Saint-Viateur espèrent que le processus convenu facilitera l’indemnisation des membres du groupe et leur évitera des souffrances supplémentaires. Nous prions pour elles et leurs familles et tenons à exprimer notre réprobation de tout abus sexuel, incluant ceux commis sur des personnes mineures», avait-il ajouté.
Le jour même où la juge Petras a approuvé l’entente de règlement, les Clercs de Saint-Viateur ont rendu publique leur Politique relative aux agressions sexuelles envers des personnes mineures.
Le document de 28 pages ne fait aucume mention des procédures légales entreprises depuis 2012 contre la congrégation ainsi que vingt-sept de ses membres dans le recours collectif qui a été conclu mardi.
Les Clercs de Saint-Viateur reconnaissent toutefois qu’«au cours des trente dernières années, le problème des agressions sexuelles commis par des membres du clergé ou par des religieux a fait ressortir la nécessité pour les diocèses et les communautés religieuses de se doter obligatoirement non seulement de politiques d’intervention lors d’allégations d’agressions sexuelles mais aussi de méthodes efficaces pour prévenir les agressions et réduire tout risque en cette matière».
Le document explique aussi les conséquences qu’entraînent pour les religieux les gestes qu’ils ont posés.
«Des mesures préventives doivent être prises dès lors qu’une allégation semble raisonnablement fondée et rendue publique: pour un religieux, il devrait quitter temporairement ses fonctions; pour un prêtre, l’exercice public de son ministère. Des mesures canoniques doivent être prises à l’égard de la personne qui a commis des agressions sexuelles», indique le document.
Lorsqu’un jugement est prononcé et qu’un religieux est condamné, le Vatican doit alors intervenir. «Quand les allégations sont avérées, il revient à la Congrégation pour la doctrine de la foi de les prescrire», indique la politique des Clercs de Saint-Viateur. «Ces mesures peuvent comprendre des restrictions, la suspension temporaire ou permanente de l’exercice du ministère, la laïcisation pour un prêtre et le renvoi de la Congrégation pour un religieux frère.»
La requête en recours collectif présentée en 2012 contre la congrégation mentionne le nom de 27 prêtres et frères. Un tableau statistique, qui s’étend sur sept pages, indique devant le nom de chacun des 24 frères et des 3 prêtres les initiales de leurs victimes.
Un des trois prêtres a été dénoncé par pas moins de 24 victimes. Ce père, Anthime Paiement, est décédé en 1998 à l’âge de 91 ans. Son avis de décès mentionne qu’il a consacré «toute sa vie aux sourds-muets soit comme professeur et aumônier à l’Institution des Sourds de Montréal, soit comme responsable de la pastorale auprès des sourds dans les diocèses de Joliette, Ottawa et Sherbrooke».
Les clercs n’ont pas précisé l’état du statut canonique de leurs membres visés.