Voici la version française intégrale de la lettre dans laquelle la Conférence des évêques catholiques du Canada explique pourquoi elle quitte KAIROS. À lire aussi:
– Les évêques catholiques du Canada quittent une importante coalition œcuménique
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Le 7 octobre 2016
Chers frères et sœurs dans le Christ,
À vous, la grâce et la paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
Je vous écris au nom de mes frères évêques catholiques au sujet de notre participation à KAIROS. Pendant quinze ans, notre quête commune de la justice nous a donné l’occasion de collaborer avec vous à de nombreuses initiatives porteuses de vie et marquées par la grâce; nous nous en réjouissons.
De même, nous avons pratiqué un dialogue sincère et ouvert avec nos amis et nos partenaires au sein de ce qui était jusqu’à tout récemment le conseil de KAIROS (aujourd’hui son comité directeur). Après avoir mûrement réfléchi et discerné dans la prière, les évêques catholiques du Canada, lors de l’Assemblée plénière qu’ils ont tenue du 26 au 29 septembre 2016, ont décidé que la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) mettrait un terme à sa participation à KAIROS. Vous comprendrez que ce fut pour nous une décision difficile à prendre, mais nous sommes certains que vous n’en êtes pas autrement surpris. En effet, à plusieurs reprises au cours des dernières années, les représentants de notre Conférence auprès de KAIROS ont exprimé nos préoccupations quant à divers aspects des structures, des politiques, des stratégies et du fonctionnement de KAIROS. Notre décision n’affecte aucunement l’engagement de notre Église et celui de notre Conférence pour l’œcuménisme, la justice sociale et la collaboration interecclésiale. La CECC continue d’accorder une grande valeur au travail œcuménique sur des initiatives de justice et de paix en accord avec les principes fondamentaux de l’œcuménisme. En effet, la CECC est reconnaissante que les catholiques continueront d’être représentés officiellement à KAIROS de diverses façons. D’ailleurs, nous espérons qu’il y ait à l’avenir non seulement un échange soutenu d’information entre KAIROS et notre Conférence, mais une collaboration au cas par cas sur des projets précis.
Dans les conversations qui ont mené à cette décision, notre Conseil permanent, notre Bureau de direction, notre Commission pour la justice et la paix et notre Commission pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les juifs et le dialogue interreligieux ont tenu à exprimer leur gratitude pour une grande partie du travail et du témoignage de KAIROS. Plusieurs de ses initiatives sont en consonance avec l’enseignement social catholique ainsi qu’avec l’engagement et les efforts continus de notre Conférence et des diocèses et éparchies catholiques pour rejoindre les marginalisés. Nous apprécions spécialement l’attention particulière qu’accorde KAIROS aux droits des Autochtones et à l’environnement, tout en reconnaissant que les approches de KAIROS et les nôtres sont souvent assez différentes.
Notre Conférence a déjà eu l’occasion de souligner aux représentants des autres Églises, comme aussi à KAIROS, les difficultés qu’elle a connues en tant que membre du fait de l’incompatibilité de KAIROS avec notre nature, nos structures et notre rôle d’assemblée nationale des évêques catholiques latins et orientaux du Canada. Sans exposer ici la liste complète de ces difficultés, signalons : 1) l’importance capitale qu’accorde KAIROS aux projets, au plaidoyer et à l’action immédiate sans prêter ce que nous estimons être une attention suffisante à la recherche d’une intelligence commune des principes bibliques et théologiques sous-jacents; 2) une approche du « consensus » qui aboutit souvent à une décision à la majorité des voix, ce qui diffère foncièrement de notre façon de comprendre l’œcuménisme, car il faudrait à notre avis prendre pleinement en compte les préoccupations de chacune des Églises impliquées; 3) l’absence d’un mécanisme qui permettrait à un membre de ne pas s’associer à certains projets de KAIROS. Malheureusement, des années d’efforts de la part de notre Conférence et des représentants de KAIROS n’ont pas permis de surmonter ces difficultés de manière significative. Nous avions déjà fait état de plusieurs d’entre elles peu après la création de KAIROS; nous les avons rappelées à intervalles réguliers au fil des années.
Nous avons fini par comprendre que ces difficultés sont en grande partie inévitables vu la nature de KAIROS, dont les membres formulent de grandes orientations et des politiques d’ensemble alors que la programmation est confiée au personnel. Cette façon de travailler est sans doute valable, mais elle ne correspond pas au type de supervision et de consultation qu’exigent des évêques catholiques engagés dans une initiative œcuménique donnée.
Dernièrement, notre Conférence s’est trouvée mal à l’aise face au nouveau Protocole d’entente et elle a décidé de ne pas s’engager dans une entreprise où, avec les autres Églises, elle ne ferait plus que participer à ce qui est devenu, au niveau institutionnel et sur le plan juridique, le projet d’une Église particulière. Même si cette approche est peut-être la seule possible en l’occurrence, elle nous semble difficilement conciliable avec l’idée que nous nous faisons de l’œcuménisme. Pour toutes ces raisons, les évêques catholiques du Canada ont décidé que le moment est venu pour notre Conférence de renoncer à faire partie de KAIROS. Dans ce contexte et afin de faciliter la transition, notre Secrétaire général et ses collaborateurs se mettent volontiers à la disposition de la directrice générale de KAIROS pour régler les détails pratiques.
Nous restons tout disposés à collaborer à des projets précis dans la mesure où il nous paraîtra opportun d’y participer comme Conférence, en particulier lorsque ces initiatives correspondront à nos propres priorités pastorales.
Veuillez accepter, mes chers frères et sœurs, l’assurance de mes sentiments sincères dans le Seigneur.
(Mgr) Douglas Crosby, OMI
Évêque de Hamilton et Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada