Développement et Paix vient discrètement d’annoncer que son moratoire sur le financement de 52 de ses partenaires d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud se poursuivrait «jusqu’à ce que toutes les questions concernant leur acceptabilité aient été résolues».
L’organisme, dans une déclaration cosignée par la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), assure aussi les donateurs que les sommes recueillies durant la présente campagne de financement de Développement et Paix n’iront qu’à des projets «qui sont entièrement conformes aux valeurs et aux principes de l’Évangile et de la doctrine sociale de l’Église».
La CECC et Développement et Paix indiquent que «tous les fonds recueillis dans la campagne du Carême de partage 2019, tout comme l’année dernière, serviront à soutenir d’autres projets» soumis notamment par des partenaires qui ne font pas «l’objet d’une étude et d’éclaircissements additionnels détaillés».
Des organismes pourtant solidement appuyés par des congrégations religieuses d’ici ou par des évêques du Sud n’auront donc pas accès, cette année encore, aux sommes versées par les catholiques canadiens durant la campagne Carême de partage, ont-ils appris eux aussi par cette déclaration.
C’est le cas du centre Fundación ERIC (Equipo de Reflexión, Investigación y Comunicación) et de la station radiophonique Radio Progreso, deux organismes du Honduras dirigés par le jésuite Ismaël Moreno (mieux connu sous le nom de Padre Melo), et qu’appuient les jésuites du Canada. Des recherchistes de la conférence épiscopale canadienne leur reprochent de «publier des opinions opposées à l’enseignement catholique».
L’annonce de la poursuite du moratoire a été faite le vendredi 29 mars, soit une semaine avant la tenue de la collecte nationale du 5e dimanche du carême, soit le 7 avril 2019.
Interrogé au tout début de la campagne de financement annuelle de l’organisme, Romain Duguay, le directeur général adjoint de Développement et Paix, avait pourtant expliqué que le moratoire sur le financement des partenaires n’était valable que pour les dons obtenus auprès des diocèses durant la campagne de 2018.
«Pour les fonds recueillis en 2019, on n’en est pas là. On espère que la situation sera bientôt réglée et qu’on n’aura pas à la revivre», avait-il déclaré.
Un examen non complété
L’examen des partenaires de Développement et Paix, débuté à l’automne 2017, n’est toujours pas complété, confirme la déclaration de vendredi.
En avril 2018, quelques jours après la collecte du 5e dimanche du carême, douze évêques, majoritairement de l’Ouest canadien, ont annoncé retenir les fonds amassés pour Développement et Paix parce que, selon une étude qu’on leur a présentée, «des partenaires semblent montrer des signes de conflit avec l’enseignement moral et social catholique».
Surpris par la divulgation de ces résultats, Développement et Paix avait indiqué qu’il n’était pas l’auteur de cette étude et qu’il n’en connaissait même pas le contenu. «On est en train de crier au loup avant même de prouver s’il y a eu un loup», avait lancé M. Duguay, qui malgré tout espérait alors que l’examen conjoint serait «finalisé dans les jours qui viennent».
La déclaration publiée vendredi explique que depuis janvier 2019, «le sous-comité des deux organismes s’est réuni pendant trois journées entières et tient des communications fréquentes».
«Les prochaines réunions additionnelles permettront d’en venir le plus tôt possible à l’achèvement de l’examen», indique-t-on sans préciser quelque échéancier.
On ajoute que le rapport émettra des recommandations «visant à savoir si les partenariats devraient prendre fin, continuer ou continuer sous réserve de certaines conditions».
Ces recommandations seront alors soumises à l’équipe de direction de la CECC – appelé le Conseil permanent – puis à l’ensemble des évêques catholiques du Canada ainsi qu’aux membres du Conseil national de Développement et Paix.
La déclaration conjointe de Développement et Paix et de la CECC a été distribuée aux journalistes peu avant 20 h le vendredi 29 mars.
Dans un courriel envoyé à Présence le lundi 1er avril, la directrice des communications de Développement et Paix, Kelly Di Domenico, a confirmé que «le moratoire sur l’utilisation des fonds de Carême demeure en place tant que la revue n’est pas complétée», tout en rappelant qu’aucune décision n’a encore été prise sur les «partenariats».
Elle a insisté pour ajouter que la CECC et les évêques reconnaissent que l’organisme «ne finance aucun projet qui n’adhère pas aux valeurs et à l’enseignement social de l’Église, et nous n’avons pas été accusés de le faire».
Une lecture appréciative qui n’empêche visiblement pas de maintenir ce moratoire pour une deuxième année de suite.
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