Une seule voix. Celle d’un prêtre de l’Église anglicane. Il eut suffi qu’un seul autre membre du clergé ait appuyé hier soir sur le bouton 1 de son compteur électronique (un vote en faveur) et les propositions de changements au canon 21 sur le mariage de l’Église anglicane du Canada étaient acceptées en première lecture.
Une seule voix et l’Église remplaçait les mots homme et femme dans son règlement par l’expression «les parties au mariage», ouvrant ainsi la voie au mariage entre conjoints de même sexe.
À 21h30, en silence, les quelque 200 évêques, membres du clergé et laïcs, réunis dans cette grande salle de bal de l’hôtel Sheraton Parkway, ont longuement examiné le tableau d’affichage qui donnait les résultats obtenus par les trois chambres de votants. Pour être adoptée, il faut qu’une proposition sur un élément de doctrine comme celui-ci obtienne l’appui des deux tiers de chacune des trois chambres (évêques, clergé, laïcs).
Du côté de la chambre des évêques, 26 ont voté en faveur de la proposition alors que 12 se sont déclarés contre. Le vote des évêques a donné cette majorité (68,42 %).
Chez les laïcs, on a dépassé ce pourcentage (72,22 %). Sur les 108 votants de la chambre des laïcs, 78 ont voté en faveur, 30 contre.
Ce sont les résultats obtenus par la chambre du clergé qui ont attiré tous les regards et… fait sortir quelques calculatrices. Cinquante-et-un membres du clergé ont appuyé sur le bouton 1 (pour) tandis que 26 ont opté pour le bouton 2 (contre). Il en fallait 52 pour que la règle des deux tiers soit respectée.
Après plus d’une minute, la voix du primat de l’Église anglicane du Canada, Mgr Fred Hiltz, a retenti. «La proposition est acceptée par les trois chambres», a-t-il lancé. Ses conseillers, à sa gauche, ont vite réagi. «Un instant», a-t-il alors lancé. Le président d’assemblée a ensuite corrigé sa déclaration initiale: «La chambre du clergé n’a pas obtenu les deux tiers des voix. La proposition est donc rejetée».
Quelques personnes ont quitté la salle. Mais ce fut la seule réaction publique devant les résultats. Tout comme durant les cinq heures de débats qui ont précédé ce vote, aucun applaudissement n’a été entendu, aucun cri d’approbation ou de rejet n’a été émis.
L’archevêque Hiltz a alors invité les gens à prononcer la prière de la fin de la journée. Dès les dernières notes du chant de sortie, le primat a repris la parole et a annoncé qu’une nouvelle proposition privilégiée venait d’être déposée. On demandait de reprendre le vote puisqu’un appareil électronique, responsable d’enregistrer les choix individuels, n’aurait pas correctement fonctionné.
Pour autoriser la tenue d’un nouveau vote, une majorité des deux tiers était encore nécessaire. À 22h20, le primat a invité les gens présents dans la salle à voter sur cette possibilité. Seuls 64,3 % étaient d’accord pour reprendre le vote, soit moins des deux tiers. «Il n’y aura pas de nouveau vote», a dit le président d’assemblée avant de clore officiellement les travaux de la journée. Mgr Hiltz a alors déclaré qu’il demeurerait dans la salle, prêt à accueillir les délégués qui voudraient lui confier leurs peines ou leur désarroi.
62 intervenants
Les discussions sur la modification du canon no 21 sur le mariage avaient débuté à 15h lundi après-midi. Pas moins de 62 personnes, des laïcs, des membres du clergé et des évêques, ont pris place derrière les deux micros installés au centre de la salle. En trois minutes – une clochette avertissait les orateurs lorsque leur temps était écoulé, ils ont dit leur nom, déclaré s’il étaient en faveur ou non de la proposition et expliqué leurs motivations et leurs convictions.
«Dans l’Église anglicane, les personnes homosexuelles sont baptisées, confirmées, ordonnés prêtres, servent dans les paroisses et les services diocésains et sont enterrés dans nos cimetières. Mais ils ne peuvent pas se marier dans leur propre Église», a déploré une jeune déléguée.
Un délégué autochtone a expliqué que l’Église doit s’en tenir à la Bible et non aux lois humaines. Des extraits du Livre du Lévitique accolent bien le terme «abomination» aux relations homosexuelles, a-t-il lancé, rappelant la destruction de Sodome et Gomorrhe.