Le groupe EquallyAnglican a mené, peu de temps avant le Synode général de l’Église anglicane du Canada, une campagne promotionnelle dans les médias sociaux. Par de colorées images, on saluait la présence et l’engagement de personnes homosexuelles dans la vie de cette Église, la troisième en importance au Canada.
Les images que le groupe diffusait, sous le mot-clic #EquallyAnglican, montraient des hommes et des femmes, certains vêtus de leurs habits religieux, afficher fièrement leur appartenance à la communauté gaie et leur attachement à la tradition anglicane.
Le révérend Yves Samson, de la paroisse anglicane Christ Church de Sorel-Tracy, fait partie des prêtres qui ont été présentés lors de cette campagne sur Facebook et Twitter.
Joint au lendemain du vote des membres du Synode général qui autorisait une modification à un règlement de l’Église afin de permettre la célébration de mariages entre conjoints de même sexe, il se montrait satisfait du résultat.
«C’est un pas dans la bonne direction. Je dis bien… un pas, car on n’y est pas encore», avance-t-il.
«Si on veut respecter les règles du jeu, la proposition qui va modifier le canon 21 n’en est qu’à sa première lecture. Elle devra revenir devant les membres du Synode général en 2019 pour son adoption et sa ratification finale», rappelle le prêtre ordonné en 2011 par Mgr Dennis Drainville, évêque anglican de Québec.
«Si on on s’était parlés lundi soir, ma réaction aurait été toute autre», lance-t-il.
En effet, à la fin de cette journée, la proposition avait été refusée par une seule voix. Un résultat corrigé en faveur du mariage gai lorsque les autorités anglicanes canadiennes ont réalisé qu’une erreur dans le système électronique permettant aux délégués de voter avait faussé le résultat initial. Le vote d’au moins un membre du clergé, celui-là même du secrétaire général de l’Église anglicane du Canada, n’avait pas été comptabilisé. En l’ajoutant, la proposition était donc acceptée par les trois chambres des délégués (les évêques, le clergé et les laïcs).
Ne faisant pas partie des délégués au Synode général, celui qui fut, avant d’être ordonné prêtre, adjoint auprès de députés du Bloc québécois et du Parti québécois, a suivi tous ces débats sur le Web.
«On a vécu des heures en montagnes russes, entre le moment où l’on a appris que, malheureusement, ça ne passait pas et, quelques heures plus tard, où l’on découvrait qu’à cause d’une erreur électronique, la proposition passait», raconte le révérend Yves Samson.
L’Église a dit oui à 70 %
Peu importe le résultat final du vote, «70 % du Synode général a tout de même voté en faveur de la proposition», retient Mgr Mary Irwin-Gibson, évêque du diocèse de Montréal. En additionnant ensemble les votes des trois chambres, elle constate que 68 délégués ont voté contre, alors que 155 (le lundi) ou 156 (le mardi) ont voté pour le changement du canon sur le mariage.
«L’Église a dit oui à 70 %», répète l’évêque qui participait à son tout premier Synode général.
«Cela veut dire que l’Église est prête à aller de l’avant. Dans bien des endroits, les gens sont déjà prêts à offrir le sacrement du mariage aux conjoints de même sexe. Dans d’autres endroits, ils ne sont pas prêts ou encore sont en opposition», reconnaît celle qui fut responsable, durant 18 ans, de la paroisse Holy Trinity de Sainte-Agathe-des-Monts.
«Le mariage entre conjoints de même sexe a-t-il la même valeur qu’un mariage entre conjoints de sexes opposés?», demande Mgr Irwin-Gibson, répétant une question qu’on lui pose souvent. Selon elle, le résultat du vote est clair. «Une majorité de personnes dans l’Église disent que oui. Et ce n’est pas qu’une simple question de droits. C’est une question d’inclusion totale dans le corps du Christ», dit-elle.
En juin, à la cathédrale Christ Church de Montréal, Mgr Irwin-Gibson avait annoncé publiquement son intention de voter en faveur de la proposition de changement du canon sur le mariage lors du Synode général de juillet. Mais elle n’était pas convaincue qu’elle serait approuvée par les deux tiers de ses coonfrères et consoeurs de l’épiscopat.
Selon les règles de l’Église anglicane du Canada, la proposition devra être de nouveau acceptée au prochain Synode général, en 2019, pour qu’elle ait force de loi.
Le vote pourrait alors être négatif. «Je ne sais pas. En théorie, sans doute», concède l’évêque de Montréal.
«Mais ce que nous faisons, c’est que nous rendons davantage visible notre prope réalité. Nous avons déjà des couples homosexuels dans notre communauté, certains sont très engagés dans des tâches de responsabilités. J’ai aussi des prêtres qui sont engagés dans des mariages homosexuels, par un mariage civil ou encore auprès d’une autre Église chrétienne.»
L’évêque rappelle que l’Église anglicane du Canada est en pleine communion avec l’Église évangélique luthérienne. Cette Église célèbre depuis un moment des mariages gais. «Et nous sommes des partenaires de l’Église unie du Canada qui célèbre des mariages homosexuels», ajoute-t-elle.
Le vote du Synode général pourrait-il nuire aux relations avec l’Église catholique, qui ne reconnaît pas le mariage gai? «C’est certain que notre décision va décevoir certaines personnes», croit Mgr Mary Irwin-Gibson. «Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que l’Église existe dans toute sa diversité. Nos relations avec d’autres Églises ne sont pas altérées à cause des choix qu’elles font. On peut, de notre côté, trouver difficile d’accepter certaines de leurs décisions. Mais on doit travailler ensemble à l’unité dans le Christ.»
«Notre relation commune», poursuit-elle, «c’est l’amour du Christ et l’amour de notre prochain. Je suis certaine qu’on va trouver des voies pour s’aimer mutuellement même si des gens ne partageront pas nos choix.»
Pour Mgr Irwin-Gibson, «les relations œcuméniques n’arrivent pas parce que nous acceptons de faire des choses identiques. Mais parce que nous nous aimons les uns les autres et que nous nous respectons.»