Le diocèse de Joliette accueille officiellement son nouvel évêque aujourd’hui. À 57 ans, Mgr Raymond Poisson est précédé d’une réputation de gestionnaire efficace qui n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes. À quelques heures de l’inauguration de son ministère épiscopal, il évoque ses projets et sa vision pour son nouveau diocèse.
«Comme évêque, puisqu’on travaille avec du personnel qui est sur le terrain, je veux transmettre à mes gens le désir de faire découvrir Jésus-Christ à toutes les personnes qu’ils rencontrent», rappelle l’homme originaire de Saint-Jean-Baptiste de Rouville, en Montérégie. Il ajoute que sa préoccupation, depuis qu’il a été ordonné prêtre en 1983, «a été de faire découvrir aux gens, pour leur plus grand bonheur, une rencontre avec Jésus-Christ».
Il reconnaît toutefois qu’une majorité de gens, y compris dans le diocèse qui l’accueille, se tiennent dorénavant loin des milieux religieux. «On rejoint ici cette idée du pape François d’aller aux périphéries. Je pense aux gens que l’on rencontre lors des baptêmes ou lors des funérailles. Ce ne sont pas des pratiquants. Ils ne sont pas familiers avec l’Église. Mais ils vivent, à ces occasions, des moments de rencontre avec le Christ.»
Une structure à repenser
Le diocèse de Joliette compte aujourd’hui 24 paroisses et missions. En 1990, lors de l’arrivée de son prédécesseur, Mgr Gilles Lussier, le diocèse dénombrait près de 60 paroisses. Une restructurations des paroisses y a été menée dès 1993.
«J’ai connu, comme plusieurs pasteurs et agents de pastorale, les réaménagements paroissiaux, les fusions, les unités pastorales, nommez tous les noms», dit Mgr Raymond Poisson. «Ce que je souhaite aujourd’hui, c’est d’aider les communautés chrétiennes à s’ouvrir les unes aux autres. Je souhaite qu’elles s’entraident, qu’elles soient de meilleurs témoins, dans la société, de cette présence du Christ.»
Il estime qu’«on fonctionne en bonne partie comme si on était encore en régime de pleine chrétienté», une situation aujourd’hui intenable.
«Les paroisses ont vécu des remaniements qui leur ont permis de continuer, de mieux effectuer leur mission. Mais on est toujours dans un régime qui compte sur du personnel rémunéré et beaucoup de bâti religieux. On a fait maintenant appel à des prêtres venus de l’étranger – il y en a d’excellents, assure-t-il – mais on n’a pas encore pris un vrai virage missionnaire pour sortir de cette structure.»
Il a mené, au cours des derniers mois à Saint-Jérôme, une enquête sur l’état des paroisses. L’étude a révélé une photographie d’un diocèse qui, reconnaît-il, n’est pas si différent de celui qu’il dirigera à partir d’aujourd’hui. Aidé d’un actuaire, il a couché sur papier des projections pour les cinq prochaines années. Les conclusions de son enquête pointent toutes dans la même direction.
«Les planètes sont toutes alignées, peut-on dire. Les pratiquants réguliers sont d’un âge avancé. La demande pour l’accès aux sacrements chez les non-pratiquants est en chute libre, notamment pour les sacrements de l’initiation chrétienne. On a de la difficulté à recruter du personnel pastoral, y compris chez les laïcs – ça ne se bouscule pas aux portes. Enfin, les moyens financiers ne sont plus au rendez-vous alors que le poids du bâti religieux est énorme.»
Mais pour le sixième évêque de Joliette, pas «d’angoisse ni désespoir».
«C’est le contraire. Cela va nous entraîner vers des changements bénéfiques. Comme des communautés qui s’ouvrent au partage des ressources et des finances. La décision ne viendra pas d’en haut, comme ce fut le cas lors des premières fusions paroissiales. Mais cela va forcer les communautés à inventer, à devenir de nouvelles réalités.»
Il donne alors cet exemple. «On a connu des situations un peu aberrantes au niveau de la répartition du personnel paroissial. On demande à un prêtre ou à un agent d’être présent une journée et demie dans une paroisse, deux jours dans une autre. C’est invivable pour le personnel.»
«On est en train de comprendre aujourd’hui qu’il faut que le partage financier entre nos paroisses aille jusqu’à se doter d’une équipe pastorale qui soit au service de l’ensemble des paroisses. Cela permettra un travail plus proche de la réalité de chacun des milieux.»
Un nouveau modèle pour les communautés
«Le modèle québécois des fabriques nous bloque un peu, pour ne pas dire beaucoup», estime Mgr Raymond Poisson. «Il a été un excellent outil de développement dans une Église en essor. Les gens prenaient des responsabilités réelles au niveau du patrimoine de leurs paroisses. Mais dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, ce modèle ne nous aide pas beaucoup.»
«Le modèle québécois des fabriques nous bloque un peu, pour ne pas dire beaucoup.»
En Europe, «à cause d’une structure différente de l’Église et de ses propriétés», on a développé un autre modèle dans certaines villes.
«Vous avez toujours trois ou quatre églises, mais une sera le lieu des célébrations dominicales, la voisine deviendra un centre de ressourcement, l’autre sera un centre d’entraide pour les plus démunis. Les églises ne remplissent pas toutes la même fonction, mais c’est la même communauté qui les fréquente, selon l’œuvre qu’elle accomplit.»
Ce modèle mérite d’être étudié. «On me dit que ça se vit déjà dans la ville de Joliette», dit Mgr Poisson qui s’est installé, il y a une semaine, à l’évêché et qui découvre son nouveau diocèse.
«Dans les prochains mois, je veux rencontrer les gens qui travaillent dans les communautés. J’ai déjà un agenda bien rempli», dit-il. «J’ai l’intention de me rendre présent aux six régions pastorales qu’on a ici et aux membres des conseils régionaux. Je veux prendre connaissance de leurs préoccupations et de leurs réalités.»
Célébration ce soir
C’est ce soir que sera inauguré, à la cathédrale de Joliette, le ministère pastoral de Mgr Raymond Poisson. Il deviendra, lors d’une célébration présidée par l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, le sixième évêque du diocèse de Joliette.
Le texte de l’Évangile qui sera lu sera celui du Bon Pasteur, explique Mgr Poisson. Un défi qu’il souhaite relever. «Le Bon Pasteur, c’est Jésus, bien sûr. Faut pas se prendre pour un autre», lance-t-il. Mais le rôle de l’évêque, «c’est de continuer ce que Jésus a commencé».