Le nouveau supérieur des franciscains du Québec regarde l’avenir avec flegme. Élu ministre provincial pour un mandat de six ans, Pierre Charland n’a pas besoin d’un dessin pour tenir compte du fait que l’ordre n’a plus sa taille de jadis. Qu’importe : il y voit une occasion renouvelée de «vivre à fond ce charisme franciscain».
L’élection du prêtre de 54 ans a eu lieu dans le cadre du chapitre général des franciscains de l’Est du Canada qui se tenait à Granby du 14 au 19 mai. Le frère Charland succède ainsi à Marc LeGoanvec, qui a été ministre provincial pendant neuf ans.
«C’est une marque de confiance, une responsabilité. Avec la grâce de Dieu, je vais faire mon possible. Je vis cette élection dans l’espérance et la foi. La communauté doit relever des défis importants. On va y travailler », confie le nouveau supérieur.
Pierre Charland habite en fraternité à Parc-Extension, à Montréal, depuis maintenant sept ans. Il quittera ce milieu cet été pour aller travailler dans une plus grande maison franciscaine, située au coin de Rosemont et Lacordaire.
Les franciscains de l’Est du Canada ne comptent aujourd’hui que 61 frères, eux qui étaient beaucoup plus nombreux il y a quelques décennies à peine. Ils sont répartis dans cinq maisons au Québec: trois à Montréal, une à Trois-Rivières et une à Lachute.
«La moyenne d’âge est élevée, mais c’est un groupe intéressant, car nous avons des ministères variés. Notre défi est d’être une présence significative, de vivre à fond ce charisme franciscain et de le faire dans une situation où nous sommes moins nombreux», dit-il.
Reprenant à son compte le passage évangélique des cinq pains et des deux poissons, il ajoute: «nous sommes appelés à nourrir beaucoup, avec moins que ce que nous avons connu».
Celui qui est franciscain depuis vingt-cinq ans estime que sa communauté demeure «riche d’espérance et de confiance».
«C’est une des chances à saisir: on est en train de réaliser que nous sommes peut-être moins autosuffisants que nous le pensions. Des murs s’abattent quand on touche à nos pauvretés…»
Pierre Charland devra notamment superviser le projet d’union avec la province franciscaine de l’Ouest du Canada, qui compte une quarantaine de membres. L’existence de ces deux entités répondait davantage à une logique territoriale qu’à une séparation linguistique. Les deux provinces ont comme objectif de n’en former qu’une seule. «Il n’y a pas un grand mur: nous nous connaissons bien et nous avons des projets en commun. Mais là, on veut travailler en plus étroite collaboration», explique le frère Charland.
Ce projet de fusion pourrait se concrétiser d’ici deux à trois ans.
La future fusion coïncide aussi avec l’avènement d’une plus grande dimension internationale chez les franciscains québécois, où des frères sont aujourd’hui originaires de Pologne ou de Corée.
«Cela donne une autre dimension à notre vie franciscaine. Les frères québécois ont donné l’élan de fondation en Corée du Sud. C’est intéressant de voir maintenant des missionnaires coréens chez nous», avance Pierre Charland.
Il s’attend aussi à travailler en plus étroite collaboration avec les franciscains des États-Unis, notamment sur la question de l’écologie, un thème traditionnellement cher aux franciscains qui acquiert une importance renouvelée grâce à l’encyclique Laudato si’ du pape François et à l’actualité internationale.
«L’encyclique a été un stimulant dans notre identité franciscaine. Elle touche à l’héritage de François d’Assise », note-il. « Elle invite à aller plus loin que le discours compartimenté, sur une question économique. On tient compte de l’équilibre, des solidarités. L’écologie intégrale est une question à la fois personnelle et communautaire. Elle propose de vivre avec une conscience plus vive nos relations. Peut-on rester muets devant un pays comme les USA qui est en train de se désolidariser?»
L’Ordre des Frères Mineurs a été fondé par saint François d’Assise il y a 800 ans. Il compte 13 500 membres répartis dans quarante-sept pays dans le monde.
Outre Pierre Charland, le chapitre général a aussi élu Michel Boyer comme vicaire provincial et Pierre Brunette, Henri Éthier, Aimé Dô Van Thông et Néhémie Prybinski comme définiteurs, c’est-à-dire conseillers.