Le nouvel exarque (évêque) de l’Église catholique syriaque du Canada, Mgr Antoine Nassif entend se consacrer prioritairement au bien-être spirituel des immigrants syriaques ayant trouvé refuge au Canada.
Le 23 janvier, Mgr Antoine Nassif a été ordonné exarque de l’Église catholique syriaque, lors d’une cérémonie présidée par le patriarche catholique Joseph III Younan, à la cathédrale Notre-Dame de la Délivrance de Beyrouth, au Liban. Il dirigera le tout premier exarchat apostolique destiné aux syro-catholiques du Canada, dont le siège sera établi à Laval.
Jusqu’ici, les catholiques syriaques du Canada relevaient de l’autorité de l’éparque de Notre-Dame de la Délivrance, dont le siège épiscopal se trouve depuis 1995 à Newark, dans l’État du New Jersey. Les syro-catholiques du Canada, principalement établis dans la région de Montréal, auront désormais leur propre évêque.
Peu après sa consécration épiscopale, Mgr Nassif s’est réjoui que l’érection de son exarchat coïncide avec le Jubilé de la miséricorde. Dieu, dit-il, «a beaucoup donné» à l’Église catholique syriaque, notamment en suscitant la béatification de Mgr Flavien Michel Melki. Ce dernier a été décapité, il y a de cela un siècle, pour avoir refusé de se convertir à l’islam. Le nouvel éparque syro-catholique affirme que le sang des martyrs n’a «pas étanché la soif de leurs bourreaux», en faisant ici allusion aux persécutions vécues par les chrétiens de Syrie et d’Irak, dans le sillage de la guerre civile syrienne et de l’émergence du groupe armé État islamique.
Répondre à l’appel de Dieu
Natif de Biakout, au Liban, Mgr Nassif affirme qu’avant son ordination épiscopale, il n’avait jamais pensé devenir évêque, ni d’ailleurs s’établir au Canada afin d’y desservir la communauté catholique syriaque.
«Mais j’obéis. Je me rends là où Dieu m’envoie. On vit un véritable appel lorsqu’à chaque étape de notre vie, on se sent guidé et accompagné par la providence de Dieu», dit-il.
«Je suis préoccupé par tout ce qui se passe présentement au Moyen-Orient, particulièrement pour les réfugiés syriens, irakiens ou d’autres origines. J’ai été ému par les souffrances qu’ils ont éprouvées. Ma toute première priorité sera évidemment de répondre à leurs besoins spirituels.»
Selon Mgr Nassif, l’érection canonique de cet exarchat incitera peut-être les catholiques syriaques de la Syrie ou d’Irak à émigrer au Canada. Le nouvel exarque affirme avoir rencontré de nombreux réfugiés syriens et irakiens au Liban, dans les mois qui ont précédé sa consécration épiscopale. «Ils vivent dans d’atroces conditions», ajoute-t-il.
La crise des réfugiés
Mgr Nassif entend collaborer étroitement avec le gouvernement canadien, notamment avec Eva Nassif, la députée fédérale de Vimy (Laval). Libanaise d’origine, cette députée libérale élue en 2015 a de lointains liens de parenté avec le nouvel éparque syro-catholique, bien que ceux-ci ne se soient jamais rencontrés. L’évêque libanais espère que cette collaboration facilitera l’émigration et l’installation en sol canadien de réfugiés syriaques.
«Je suis convaincu que tous les membres du parlement et du gouvernement canadiens feront de cet enjeu l’une de leurs priorités», souhaite-t-il depuis Beyrouth. «C’est d’abord et avant tout une crise humanitaire qui mérite qu’on s’y attarde et à laquelle tous peuvent apporter des solutions.»
Une affaire de famille
Mgr Nassif affirme s’être orienté vers la prêtrise au contact de son oncle, Antoine Beylouni, lui-même archevêque au Liban. Aujourd’hui à la retraite, Mgr Beylouni a d’ailleurs concélébré la cérémonie d’ordination épiscopale de son neveu, en compagnie du patriarche et évêque syro-catholique de Newark (New Jersey), Mgr Barnaba Yousif Habash.
Mgr Nassif est toutefois formel: ce n’est pas le statut d’évêque de son oncle qui l’a poussé à vouloir devenir prêtre à son tour, mais avant tout son travail de pasteur. «Mon oncle était très proche de ses paroissiens et il était profondément investi dans sa mission pastorale.»
«J’ai sans doute aussi hérité de sa passion pour la liturgie syriaque», ajoute-t-il.
La communauté syro-catholique
Avant que les violences de l’État islamique ne s’abattent sur eux, les catholiques syriaques de Syrie et d’Irak vivaient à l’ombre des clochers de leurs églises. Et ce, au sens propre et figuré : leurs maisons n’étaient guère éloignées de l’église paroissiale et la vie religieuse occupait une place de choix dans leur quotidien.
Or, au Canada, il n’y a que trois paroisses et deux missions destinées aux catholiques syriaques. Ceux-ci sont d’ailleurs éparpillés sur un grand territoire. Les statistiques les plus récentes font état de 16 000 catholiques syriaques au Canada, un nombre qui pourrait croître en raison des vagues migratoires en provenance du Moyen-Orient.
Les défis de l’exarchat
«Nos gens sont habitués de vivre aux abords d’une église», affirme Mgr Nassif. «J’espère faire en sorte que cette tradition conserve toute sa vitalité.»
De manière à ce que les membres de la diaspora et les réfugiés syro-catholiques sentent que, «même au Canada, l’Église continue d’être une mère pour eux. Je veux qu’ils continuent de s’y sentir comme chez eux. Je tâcherai donc d’être proche des fidèles et j’encouragerai mes prêtres à en faire tout autant», poursuit Mgr Nassif.
Son exarchat manque cruellement de prêtres, dit-il. Aussi entend-t-il faire de la question des vocations sa toute première priorité. Avant son élévation à l’exarchat, il était le recteur d’un grand séminaire au Liban. Il entend reprendre ici une stratégie qu’il avait déployée au Liban, c’est-à-dire susciter des vocations à l’occasion de ses visites pastorales dans les paroisses et les missions de son exarchat.
Une cérémonie haute en couleur
C’est au terme d’une célébration liturgique de trois heures que Mgr Nassif est devenu l’exarque des catholiques syriaques du Canada. Toute la force symbolique des rituels orientaux a été déployée afin de célébrer sa consécration épiscopale. Vêtu d’une aube blanche et drapé d’étoffes, Mgr Nassif a pris place dans la procession, derrière le patriarche et d’autres évêques syriaques. Il s’est ensuite assis sous le crucifix qui surplombe le maître-autel, où il s’est recueilli en silence pendant un bon moment. Ce rituel commémore les 40 jours de jeûne et de solitude auxquels Jésus s’est soumis.
La remise de la crosse épiscopale à Mgr Nassif fut l’un des moments forts de cette cérémonie. Tous les évêques présents, dont le patriarche Barnaba Yousif Habash, ont alors mis la main sur la crosse de Mgr Nassif, avant de relâcher progressivement leur emprise sur le bâton épiscopal du nouvel exarque syriaque du Canada. Ce dernier s’est alors levé, la crosse à la main.
Les six prêtres syriaques canadiens ont ensuite levé à trois reprises la chaise dans laquelle prenait place Mgr Nassif. Ce dernier a béni les fidèles, qui ont répondu par des applaudissements nourris et des hourras bien sentis. Les femmes y sont même de quelques youyous, ces cris de joie typiques des femmes arabes. Assise dans le premier banc de la cathédrale, la mère de Mgr Nassif a versé une larme.
Doreen Abi Raad, Catholc News Service
Trad. et adapt. Présence/Frédéric Barriault