Une tape sur l’épaule, un sourire en coin: le cardinal Gérald Lacroix venait de remettre à Louis Corriveau et à Marc Pelchat leur mitre. Il a même dû s’y prendre à deux reprises pour parvenir à faire tenir celle de Mgr Corriveau, ce qui a amusé l’assemblée réunie à la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré en ce soir du 8 décembre.
Nommés évêques auxiliaires pour l’archidiocèse de Québec par le pape François le 25 octobre, ils étaient apparus ce jour-là encore sous le choc, souriants et émus. Hier soir, à l’occasion de leur ordination épiscopale, les deux hommes étaient en paix.
«Je suis fébrile. Je me laisse porter par la confiance, la prière», confiait Marc Pelchat quelques heures avant la célébration. Son confrère Louis Corriveau abondait dans le même sens: «On se laisse porter aujourd’hui. Le fait d’avoir laissé aller mes émotions, ça a eu un effet calmant».
Une trentaine d’évêques, dont Mgr Bruce Myers, évêque anglican coadjuteur de Québec, ainsi que 175 prêtres et 48 diacres étaient présents à la basilique. L’archidiocèse misait sur 200 bénévoles pour recevoir les quelque 800 détenteurs de laissez-passer pour l’événement. On avait disposé les prêtres dans la croisée, tandis que le chœur était essentiellement réservé aux évêques. Plusieurs membres de communautés religieuses, des Forces armées canadiennes et des Premières Nations étaient présents, tout comme de nombreux professeurs de théologie. Malgré tout, la basilique n’était pleine qu’aux deux tiers. Disposés de chaque côté du chœur, deux écrans géants permettaient à l’assemblée de bien suivre chacun des gestes de la célébration.
«Un cadeau de Noël avant le temps»
Après la lecture des mandats apostoliques des nouveaux évêques, une liturgie de la Parole sobre a précédé les ordinations. «L’Immaculée Conception est la fête patronale de notre diocèse [ndlr : le 8 décembre]. Quelle belle fête pour ordonner des évêques. C’est comme recevoir un cadeau de Noël avant le temps…», a indiqué le cardinal Lacroix dans son homélie, faisant rire l’assemblée. Puis, il a annoncé les devises épiscopales choisies par les nouveaux évêques: «Parle, Seigneur, ton serviteur écoute», du livre de Samuel pour Louis Corriveau, et «Je fais tout à cause de l’Évangile», tiré de l’épitre aux Corinthiens, pour Marc Pelchat.
Les deux hommes se sont allongés au sol. Puis, ils ont reçu l’imposition des mains avant de recevoir une onction et de se voir remettre l’évangéliaire, leur anneau épiscopal, leur mitre et leur bâton pastoral. Le cardinal Lacroix présenta alors ses deux nouveaux évêques auxiliaires sous une longue salve d’applaudissements. Tandis que la chorale et le prêtre chanteur Robert Lebel entonnaient Nous portons un trésor, le collège épiscopal procéda au baiser fraternel.
Plusieurs anciens évêques auxiliaires de Québec étaient présents, dont Mgr Clément Fecteau, évêque émérite de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Mgr Gilles Lemay, évêque d’Amos et Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier. L’archevêque émérite de Québec, Mgr Maurice Couture, âgé de 90 ans, n’a pas pris part à la célébration.
Le nonce apostolique au Canada, Mgr Luigi Bonazzi, dans sa traditionnelle allocution après la communion, a parlé de la soif de Dieu dans le monde. Il a appelé tous les évêques présents à «donner Dieu».
Les deux évêques auxiliaires ont béni la foule et ont prononcé quelques mots à la toute fin. Marc Pelchat a évoqué son désir d’«accompagner les gens en les prenant où ils sont». Louis Corriveau a pour sa part confié son «rêve d’une Église où on vit la joie d’être ensemble».
«Il est un grand serviteur»
En entrevue, Mgr Pelchat a indiqué avec humilité que la célébration n’était «pas pour notre gloire, mais pour celle de Dieu». Au sein de l’épiscopat québécois, l’ancien doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuses (FTSR) de l’Université Laval souhaite apporter sa réflexion théologique, «mais contribuer à un regard lucide» sur la société et l’Église.
«Lucide mais aimant. Il faut aimer notre société, même si elle des défauts, comme nous. Il faut trouver des moyens de poursuivre, d’enrichir et de multiplier le dialogue avec frères et sœurs et divers groupes et instances de notre société civile», a-t-il confié.
L’actuel doyen de la FTSR, l’abbé Gilles Routhier, assistait à l’ordination de son ancien collègue. Il a vanté les mérites de gestionnaire de celui qui, après sa retraite de l’Université Laval, est devenu vicaire général de l’archidiocèse de Québec.
«Il est un grand serviteur. Il a le sens des institutions et se met au service des institutions. Mais il se met d’abord au service des personnes qui les habitent», a indiqué le professeur Routhier, qui travailla étroitement avec lui comme vice-doyen pendant une dizaine d’années. «Il est très respectueux des personnes, a-t-il ajouté. Les gens ne se sentaient pas pris pour des idiots.»
Dans les premiers bancs, l’un des frères de Mgr Pelchat, Gaétan, assistait fièrement à l’événement. Pour lui, même si la nomination épiscopale fut une «surprise», il n’est «pas étonné». «Déjà jeune, il se déguisait en prêtre et voulait nous célébrer des messes», a rappelé l’homme de Saint-Honoré qui, à 76 ans, est dix ans plus vieux que Marc.
Louis Corriveau se réjouissait pour sa part de voir tous ses proches à ses côtés. «J’ai des parents, des amis qui viennent d’un peu partout. C’est extrêmement touchant», a-t-il dit, ajoutant que lors d’une ordination, «c’est comme si toute notre vie était devant nous: tous ces gens-là sont rassemblés».
Il a confié qu’il veut apporter sa «simplicité» à l’épiscopat et promouvoir «le retour à la Parole de Dieu» et la «redécouverte du dimanche». Puis, il a fait allusion à sa devise épiscopale – «Parle Seigneur, ton serviteur écoute».
«C’est important d’écouter les appels de Dieu. J’ai toujours fait ça et j’ai toujours été heureux. C’est vrai pour la prêtrise, mais aussi pour toutes sortes de petit appels aussi», a-t-il confié.
L’une des amies de Mgr Corriveau, Guylaine Beauséjour, tenait absolument à être présente à l’ordination. Ils se sont connus en animant des séances de préparation au mariage.
«Louis est un être très, très, très à l’écoute des gens. Il a une grande simplicité. Il a l’âme d’un pasteur. C’est un évêque qui va demeurer fidèle à lui-même, et demeurer près des gens, malgré la charge administrative que ça implique», a dit la Beauceronne de Saint-Lambert-de-Lauzon.
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Le cardinal Gérald Lacroix a annoncé qu’il avait signé le décret en vue de lancer le processus de béatification de Colette Samson, la fondatrice de La Maison Revivre, un refuge pour les sans-abris. Mme Samson est chevalière de l’Ordre national du Québec. Le décret sera envoyé sous peu à toutes les paroisses.
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Le cardinal Lacroix a également demandé de prier pour la santé de l’évêque émérite de Gaspé, Mgr Jean Gagnon, disant qu’il est atteint d’une «maladie sérieuse» et qu’il avait demandé à ses proches de prier pour lui à la basilique dédiée à sainte Anne.
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Le livret de la célébration a été préparé par… le cardinal Lacroix, pendant ses temps libres. Il a préparé le contenu, mais aussi la mise en page et le graphisme. Il y a ajouté six pages d’informations complémentaires et d’anecdotes à la fin. On apprend notamment que c’était la troisième fois jeudi soir que Mgr Clément Fecteau imposait les mains sur la tête de Louis Corriveau: c’est lui qui l’a baptisé en 1964 et qui l’a ordonné prêtre en 1990.