Le pape François ne présentera pas d’excuses aux Autochtones du Canada pour les traitements qu’ils ont subis dans les pensionnats catholiques qu’ils ont fréquentés, vient de faire savoir la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC).
En décembre 2015, le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada sur les pensionnats autochtones lançait 94 appels à l’action. L’appel à l’action 58 demandait spécifiquement «au pape de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses aux survivants, à leurs familles ainsi qu’aux collectivités concernées pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l’Église catholique».
On demandait aussi que «ces excuses soient présentées par le pape au Canada, dans un délai d’un an suivant la publication du présent rapport».
«Le Saint-Père est au fait des conclusions tirées par la Commission de vérité et réconciliation et il les prend au sérieux», écrit Lionel Gendron, président de la CECC, dans une lettre adressée aux peuples autochtones du Canada, plus de deux ans après la publication du rapport final de la Commission.
«En ce qui concerne l’appel à l’action 58, après avoir examiné attentivement la demande et l’avoir discutée abondamment avec les évêques du Canada, [le pape] était d’avis qu’il ne peut pas y répondre personnellement», ajoute l’évêque de Saint-Jean-Longueuil.
Un travail pastoral
Le pape François appelle toutefois les évêques du Canada à «s’engager dans un travail intensif de pastorale visant la réconciliation, la guérison et la solidarité avec les peuples autochtones, et de collaborer dans des projets concrets en vue d’améliorer la condition des Premiers Peuples», indique Mgr Gendron.
La lettre de la CECC est publiée au lendemain de troublantes révélations faites par Le Journal de Montréal sur des agressions qu’auraient commises Alexis Joveneau, un missionnaire ayant vécu durant quatre décennies auprès de communautés autochtones de la Basse-Côte-Nord.
Lundi, l’agence de presse Présence a demandé aux dirigeants de la CECC de commenter ces révélations. «La CECC ne commente pas les cas qui sont sous la juridiction des diocèses et/ou des communautés religieuses», a-t-on répondu.
Les évêques canadiens disent aujourd’hui aux Autochtones qu’ils ont bien «entendu [leur] invitation à faire face au passé avec franchise et courage, à reconnaître les erreurs de membres de l’Église catholique, et à prendre des mesures tangibles de solidarité avec les peuples autochtones en vue d’un avenir meilleur».
«Avec le vif encouragement du pape François, nous affirmons notre engagement», ajoute le président de la CECC qui n’exclut pas une visite du pape François au Canada. «Une visite papale pourrait être envisagée dans le futur, qui tiendrait compte de toutes les circonstances, y compris une rencontre avec les peuples autochtones», écrit-il.
Excuses
Le terme excuses n’est pas mentionné dans cette lettre du président de la CECC aux peuples autochtones. Toutefois, dans les documents annexés à cette lettre, la CECC a pris soin d’indiquer que «depuis le début des années 1990, des évêques et des supérieurs religieux catholiques ont présenté leurs excuses pour les souffrances qu’ont connues des enfants autochtones» dans les pensionnats dirigés par l’Église catholique.
Lors de la présentation du rapport final de la Commission vérité et réconciliation, en décembre 2015, les commissaires s’étaient précisément plaints de ce «fouillis de déclarations».
«L’Église catholique romaine du Canada ne dispose pas d’un interlocuteur ayant le pouvoir de représenter l’ensemble des nombreux diocèses et ordres religieux qui la composent. La présentation d’excuses ou la déclaration de regrets est laissée à l’initiative de chacun. Il en a résulté un fouillis de déclarations dont bon nombre de survivants et de religieux n’auront jamais connaissance.»
C’est parce que le Vatican avait toujours «gardé le silence sur la participation de l’Église catholique romaine dans le système canadien des pensionnats», que les commissaires ont rédigé l’appel à l’action 58.
Les papes et les Autochtones
Rappelons que lors de ses voyages au Canada, le pape Jean-Paul II rencontré des représentants des Premières Nations, sans toutefois formuler des «excuses». En 2009, le Chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, s’était entretenu avec le pape Benoît XVI à Rome. Ce dernier avait alors exprimé des «regrets» pour la manière dont l’Église avait traité les autochtones.
Dans sa lettre aux peuples autochtones, Mgr Gendron indique que «le pape François a parlé souvent et passionnément du sort des peuples autochtones du monde entier et de la sagesse dont ils témoignent, sans s’empêcher de reconnaître les injustices qui n’étaient pas conformes à l’Évangile et exprimer des regrets pour des torts passés».
Aux yeux du pape François, «les peuples autochtones sont des interlocuteurs importants que l’Église se doit d’écouter», ajoute-t-il.