L’une des théologiennes indiennes les plus influentes d’Asie dresse un portrait sévère de l’Église catholique dans son pays, qui aurait selon elle cessé d’être «l’Église des pauvres».
«L’Église catholique [indienne] n’est désormais plus celle des pauvres. Elle est désormais une Église avant tout institutionnelle», a affirmé sœur Shalini Mulackal, le 20 avril lors d’un colloque organisé par la Congrès des théologiens asiatiques et la Conférence chrétienne d’Asie.
Membre de la congrégation des Sœurs de la Présentation, Shalini Mulackal est également présidente de l’Association indienne de théologie.
«Dans les années 1970 et 1980, dit-elle, l’Église catholique indienne s’est mise avec zèle au service des personnes marginalisées. Un grand nombre de croyants et d’organismes ecclésiaux étaient alors animés par le désir ardent d’imiter Jésus et de prendre fait et cause pour les pauvres et les parias.»
De nos jours, déplore-t-elle, les Églises d’Asie sont «à la tête de nombreuses institutions, et certaines d’entre elles sont à but lucratif».
Fidélité
Elle a sommé les théologiennes et théologiens asiatiques issus de diverses confessions à «demeurer fidèles à leur vocation».
«Le défi auquel nous faisons face consiste à combler le fossé qui s’est creusé entre les réflexions théologiques que nous mettons de l’avant et le style de vie que nous menons au quotidien», dit-elle. «Nous devons ultimement faire en sorte que nos réflexions théologiques se révèlent être un exercice crédible.»
Elle déplore d’ailleurs la distance qui commence à se créer entre les discours théologiques sur la pauvreté et la capacité de ces mêmes théologiens à souffrir aux côtés des pauvres.
«Nous ne serons jamais en mesure de comprendre ce que vivent concrètement les pauvres, à moins de ressentir nous aussi les moments d’angoisse et de désespoir qui meublent le quotidien des personnes défavorisées. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons convenablement théologiser cette réalité, et non pas nous contenter de l’appréhender de manière purement intellectuelle. Il est important de regarder la réalité des pauvres avec les yeux du cœur, seuls capables de ressentir la karuna (compassion) et d’être bouleversés par les injustices qui accablent les pauvres», ajoute-t-elle.
Aux yeux de Shalini Mulackal, «une telle théologie sera en mesure de transformer la réalité des pauvres et celle des hommes et femmes qui tentent de la théologiser».
Anto Akkara, Catholic News Service
Trad. et adapt. F. Barriault, pour Présence