L’archevêque de Saint-Boniface, Mgr Albert LeGatt, a beau avoir désavoué avec force les propos d’un de ses prêtres diocésains sur les pensionnats autochtones et lui avoir interdit de prêcher dans les paroisses de son archidiocèse, une leader autochtone réclame que ce clerc manitobain présente des excuses publiques et soit même exclu de l’état clérical.
« Je soutiens les survivants des pensionnats indiens ainsi que les familles de Winnipeg et de tout le Manitoba qui cherchent à obtenir justice et guérison pour le génocide perpétré contre notre peuple par le biais du système des pensionnats », a déclaré la cheffe régionale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse.
« Les commentaires du prêtre catholique Rhéal Forest sont inexcusables et nous rappellent brutalement le chemin qu’il nous reste à parcourir sur la voie de la réconciliation. Les Premières Nations ont fait preuve de beaucoup de courage et de force en partageant leurs récits et leurs vérités. Il faut les féliciter, et non les remettre en question. Il n’y a pas de place dans ce pays pour la discrimination, le racisme et le déni », a ajouté la cheffe Woodhouse.
« Je soutiens les appels en vue d’excuses publiques de la part de Rhéal Forest et du retrait de son statut de prêtre », a-t-elle fait savoir le mardi 3 août 2021.
Trois semaines plus tôt, l’abbé Rhéal Forest, un prêtre diocésain, prononçait l’homélie lors d’une messe tenue à l’église Saint-Émile de Winnipeg. Il remplaçait, les samedi et dimanche 10 et 11 juillet, le curé de la paroisse, alors en vacances. À la fin de son sermon, il a tenu à commenter les informations récentes sur les pensionnats autochtones rapportées par des « médias sournois » (the evilness of the media), qui « sont dirigés par des francs-maçons » (run by masons) et qui souhaitent « détruire l’Église » (crush the Church).
D’abord publiée sur la page Facebook de la paroisse Saint-Émile, la vidéo de sermon du samedi 10 juillet est toujours disponible dans la nouvelle qu’a publiée Ici Radio-Canada Winnipeg le 29 juillet 2021. On a fait précéder la vidéo de 10 minutes par l’avertissement suivant: « attention, certains propos pourraient choquer ».
Ayant œuvré « durant 22 ans auprès des communautés autochtones du Nord », l’abbé Forest dit d’abord que les Autochtones qu’il connaît ne croient pas à ce que racontent les médias sur les pensionnats. Ce sont des « fake news », lance-t-il, avant de présenter quelques « vraies nouvelles » d’Autochtones qui ont déclaré avoir aimé leur séjour dans ces écoles.
Ces dernières années, les personnes « qui souhaitaient obtenir un peu d’argent ont dû mentir », prévient-il. « Elles ont menti en disant qu’elles avaient été abusées sexuellement et… un autre 50 000 $ » leur était alors versé. « C’est difficile, quand vous êtes pauvre de ne pas mentir », avance le prêtre. « Tous les Autochtones que j’ai rencontrés m’ont dit qu’ils avaient aimé ces écoles. »
« Certains », corrige-t-il ensuite, « y ont subi de mauvais traitements ». Mais ce sont des membres du personnel, des gardiens de nuit, et non pas des religieux et des religieuses, qui les ont abusés sexuellement, affirme le prêtre.
Informé par Radio-Canada des propos tenus par ce prêtre, l’archevêque de Saint-Boniface a vivement réagi. Dans une vidéo à la une du site Web de l’archidiocèse, il reconnaît d’abord que « les paroles de cette homélie ont créé beaucoup de dommages ».
« Plus encore que les dommages », insiste Mgr Albert LeGatt, « ce que l’abbé a dit est faux ».
« Il est possible que vous entendiez dire, par les médias, que l’archidiocèse ou Mgr Albert regrette les paroles qui ont été prononcées », déclare-t-il dans ce message, toujours disponible, qu’il a tenu à remettre aux Premières Nations ainsi qu’aux catholiques du Manitoba. « Non, je ne les regrette pas. Je les désavoue. Je les renie », tranche-t-il. « Pourquoi ? Parce qu’elles sont fausses et parce que ces faussetés apportent davantage de douleur et de peine aux gens qui m’ont souvent exprimé quel impact ces écoles résidentielles avaient eu sur leur culture et sur leur être. »
Derrière les mots prononcés par le prêtre, « il y a une manière de penser qui est fausse et qui cause des dommages. On peut qualifier cette manière de penser de raciste », déclare l’archevêque qui insiste pour indiquer que l’abbé Forest n’est pas une personne raciste. « Je connais son cœur. C’est un bon prêtre. Sa compassion envers les Autochtones est très grande », assure-t-il.
À la fin de son intervention, Mgr LeGatt indique qu’il a temporairement interdit à l’abbé Rhéal Forest « d’enseigner ou de prêcher dans notre diocèse ». Il peut continuer de célébrer la messe, entendre les confessions et prodiguer le sacrement des malades. « Il est toujours prêtre, mais il n’a pas le droit d’enseigner », répète-t-il.
Informé par Présence de la récent demande de la cheffe régionale Cindy Woodhouse d’exclure de l’état clérical l’abbé Forest, Mgr LeGatt a préféré ne pas commenter pour le moment. Il souhaite d’abord discuter du sujet avec le prêtre. Il va aussi « chercher conseil auprès des personnes autochtones avec lesquelles il a déjà tissé de bonnes relations », indique-t-on.