Quarante-cinq minutes avant le début de l’ordination épiscopale du fougueux Pierre-Olivier Tremblay, c’était déjà la fête. Il régnait dans la basilique de Notre-Dame-du-Cap une ambiance légère, festive, alors que la famille et les amis du plus jeune évêque québécois prenaient place et que ce dernier, tout sourire, saluait la foule dans la nef.
En tout, ce sont plus de 1600 personnes qui ont assisté le 22 juillet à l’ordination comme évêque auxiliaire du diocèse catholique de Trois-Rivières du prêtre de 47 ans qui agit comme recteur du sanctuaire du Cap-de-la-Madeleine depuis plus de deux ans. Né en 1970 à Montpellier, en France, il a fait ses vœux perpétuels chez les missionnaire Oblats de Marie-Immaculée en 1998. Il fut ordonné prêtre l’année suivante, à Ottawa. C’est le 21 mai dernier que le pape François l’a nommé évêque auxiliaire à Trois-Rivières.
La célébration a duré trois heures et a donné lieu à des moments de grande solennité et de rires complices.
Ce sont d’abord des amis laïcs de Mgr Tremblay qui l’ont présenté à l’assemblée. Le théologien Patrice Bergeron, professeur à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval – celle-là même où Mgr Tremblay a obtenu son doctorat – et son épouse Dominique Leduc n’ont pas manqué de souligner le petit côté geek du nouvel évêque, n’hésitant pas à le comparer à certains personnages de la trilogie du Seigneur des Anneaux, une œuvre qu’affectionne particulièrement le jeune prélat, puisque les trois principaux personnages rappellent la mission des baptisés: «devenir prêtre, prophète et roi». Surtout, ils ont insisté sur les talents et les capacités intellectuelles de cet ami qui a célébré leur mariage et baptisé leur premier enfant.
«Il connait très bien le contexte culturel qui est le nôtre, les défis missionnaires de notre temps, et l’art de susciter des leaders parmi les baptisés», a dit le professeur Bergeron, détaillant pourquoi son ami était «digne» et «apte» à devenir évêque.
Des employés du diocèse de Trois-Rivières, Mélanie Charron et Serge Simard, respectivement coordonnatrice de la pastorale d’ensemble et coordonnateur du développement organisationnel, ont lu des textes du prophète Jérémie et de la lettre de Paul aux Éphésiens.
Dans son homélie, l’évêque de Trois-Rivières, Mgr Luc Bouchard, a rappelé à l’ordinand que l’épiscopat «n’est pas un honneur, mais un service». «Que ton ministère soit une constante invitation à la conversion missionnaire», a-t-il souhaité. «Bonne route, Pierre-Olivier, et bon apostolat. Et que Dieu te garde.»
Sueur et émotion
Le rituel de l’ordination a débuté après l’homélie. Un profond silence s’est alors emparé de l’assemblée. Tandis que Pierre-Olivier Tremblay était allongé sur le sol du chœur, le chant envoûtant des litanies égrenait les saints et finissait d’instaurer une atmosphère de recueillement. Devant lui se tenaient le consécrateur, Mgr Luc Bouchard, évêque de Trois-Rivières, et les co-consécrateurs, Mgr Martin Veillette, évêque émérite de Trois-Rivières, et Mgr Raynald Rouleau oblat et évêque émérite de Churchill-Baie-d’Hudson, au Manitoba. C’est Mgr Rouleau qui l’a ordonné prêtre il y a dix-neuf ans.
Lorsqu’il s’est agenouillé, les nombreux évêques présents ont procédé un à un à l’imposition des mains. On a ensuite tenu l’évangéliaire au-dessus de sa tête. Puis, Mgr Bouchard l’a invité à se lever pour le présenter à l’assemblée. Mgr Tremblay était visiblement ému: son visage rougi par l’émotion perlait de sueur. Il a pris une grande respiration, comme pour absorber ce qui venait de se passer, avant de retrouver son sourire habituel.
La remise des insignes de l’évêque a été précédée d’une onction de la tête où Mgr Bouchard n’a pas lésiné sur la quantité d’huile utilisée, ce qui a fait longuement rigoler l’assemblée.
L’anneau épiscopal, la mitre et la crosse ont été apportés dans le chœur par les jeunes nièces de Mgr Tremblay.
«Maintenant je vous le présente vraiment comme l’évêque auxiliaire de Trois-Rivières», a lancé Mgr Bouchard, avant de lui faire l’accolade, suivi des autres évêques.
«On va être proches»
Après l’eucharistie, Pierre-Olivier Tremblay s’est promené dans les allées de la basilique pour bénir la foule. «Quand je nous vois ici réunis, je me dis: c’est à cela que ressemble le projet de Dieu», a-t-il dit lors de son allocution finale. «Me voici appelé à servir au diocèse de Trois-Rivières. C’est avec grande joie que je veux le faire avec vous. On va apprendre à se connaître et à cheminer ensemble. On va être proches. On va grandir dans l’amour et dans l’espérance», a-t-il assuré.
«Le tournant missionnaire que nous vivons – et bien moi comme missionnaire, je suis de tout cœur heureux de m’y insérer également.» Il a expliqué qu’il devra faire de la «conciliation» entre cette «nouvelle mission passionnante» et son rôle de recteur au sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap. Il en a profité pour redire son attachement pour ce lieu qu’il considère hautement important pour le Québec.
Il a confié son épiscopat à Marie. Ce qui l’a amené à parler brièvement de la situation des femmes dans l’Église, en soulignant que ce jour de son ordination coïncidait avec la fête de sainte Marie-Madeleine. «En 2016, le pape François a voulu que la célébration de Marie-Madeleine passe de mémoire liturgique à une promotion comme fête liturgique. Et cela en vue de réfléchir, en Église, plus en profondeur sur le rôle des femmes en Église… Sur la nouvelle évangélisation, voilà un beau projet. Mesdames, messieurs, vivons cela ensemble», a-t-il dit, suscitant des applaudissements par ces propos.
Allumer le feu
«J’ai choisi comme devise ‘un feu sur la terre’ (Luc 12,49). […] Il y a des gens qui m’ont dit: ‘est-ce que tu vas être un évêque pyromane?’. Habituellement, le rôle des évêques, c’est plutôt d’éteindre les feux», a-t-il badiné.
«On a besoin de feu. […] C’est le feu de l’amour de Dieu. Le grand désir de Jésus pour un monde transformé. C’est l’Esprit saint. Et Jésus sait que ce feu va venir à travers sa Passion. En fait, le feu c’est Jésus lui-même. Ce feu est déjà là quand nous sommes deux ou trois réunis en son nom. Il est là en ce moment. Le feu de Jésus est là lorsque nos cœurs sont brûlants en écoutant sa parole. Son feu est déjà là. Son feu est là lorsque nous prenons soin les uns des autres et de nos frères et sœurs qui souffrent. Son feu est déjà là chaque fois que par nos gestes – pas seulement nos paroles – nous travaillons à la justice, à la solidarité. Oui, le feu de Jésus est déjà là. Mais en même temps – je pense qu’on doit le reconnaître – il n’est pas encore tout à fait arrivé. Le désir de Jésus demeure actuel. Comme nous avons besoin d’un feu dans le monde! D’un feu dans l’Église! Comme je voudrais qu’il soit déjà allumé», a-t-il invité la foule à répéter.
Il a conclu son allocution en sortant son cher charango – un instrument à corde ressemblant à un ukulélé – qu’il a l’habitude d’utiliser lorsqu’il célèbre des mariages. Il a entonné «avec l’amour, on peut changer beaucoup de choses», entraînant la foule à chanter avec lui.
À la fin de la célébration, Mgr Tremblay s’est longuement attardé pour discuter avec les gens dans l’assemblée. Lorsqu’il est sorti sur le parvis, il a été accueilli par des cris et des applaudissements, qu’il a salués en levant les bras au ciel et en affichant le plus large des sourires. Petit geste de sympathique folie: qui aurait cru qu’un évêque pyromane apporterait tant de fraîcheur?