Le Canada doit s’attendre à ce qu’un nombre croissant de demandeurs d’asile franchisse la frontière canado-américaine, en réaction aux décrets anti-immigration du président Donald Trump et au resserrement des contrôles à la frontière avec le Mexique, affirment des défenseurs des droits des réfugiés.
Aux yeux du père Vincenzo Rosato, «tout indique que la situation des réfugiés va se détériorer [aux États-Unis]». Le père Rosato est membre de la congrégation des Missionnaires scalabriniens, un ordre religieux dont la mission première est de venir en aide aux réfugiés. Ils possèdent plusieurs maisons, refuges et sanctuaires pour héberger les réfugiés. Plusieurs de ces établissements se trouvent le long des postes frontaliers, y compris à la frontière américano-mexicaine.
Depuis avril dernier, 300 demandeurs d’asile ont franchi la frontière entre les États-Unis et le Canada. En l’espace de deux semaines, la ville manitobaine d’Emerson a accueilli une quarantaine de migrants en provenance du Minnesota et du Dakota du Nord. Face à cet afflux constant de réfugiés, le père Rosato se demande si les Missionnaires scalabriniens de devraient pas ouvrir un refuge à la frontière canado-américaine.
«On pourrait faire face à un véritable exode et à un nouveau phénomène», prévient le religieux. Dans l’éventualité où cet exode se poursuivrait, «nous devrons être prêts à répondre aux besoins immédiats des migrants», ajoute-t-il.
Perplexité et inquiétude aux États-Unis
Selon Joanna Williams, responsable de l’éducation et de la mobilisation au Kino Border Initiative de Nogales (Arizona), un grand nombre de migrants refoulés à la frontière américano-mexicaine songent à se réfugier au Canada.
Bien qu’elle n’ait pas encore été témoin de demandes formelles en ce sens, elle ne serait pas surprise que des migrants songent à demander l’asile au Canada: «Je comprendrais qu’ils le fassent», dit-elle.
Les migrants hébergés à la frontière entre le Mexique et les États-Unis ont entendu parler de la déclaration du Premier ministre Justin Trudeau en faveur de l’accueil des réfugiés en sol canadien.
Un tiers pays sûr?
Aux yeux Mme Williams, les États-Unis font face à une multiplication des politiques «contraires au droit international». Elle fait notamment allusion à l’emprisonnement d’immigrants clandestins, aux montants prohibitifs (jusqu’à 40 000$) exigés aux immigrants en guise de dépôt de sécurité, ou d’autres mesures dont l’objectif est de décourager les réfugiés et de réduire le nombre de demandes d’asile en sol américain.
Cela dit, elle n’est pas encore prête à accepter l’idée voulant que les États-Unis aient cessé d’être un tiers pays sûr, vers lequel peuvent se tourner les demandeurs d’asile.
La branche américaine du Service jésuite des réfugiés (JRS-USA) rejette elle aussi l’idée voulant que les États-Unis de Donald Trump ne soient plus un pays sûr pour les demandeurs d’asile.
«Peu après l’entrée en vigueur des décrets présidentiels, nous avons fait face à un élan de solidarité sans précédent en faveur des réfugiés», affirme Giulia McPherson, directrice aux opérations et à la mobilisation chez JRS-USA.
Norbert Piché, le directeur de la branche canadienne du Service jésuite des réfugiés n’est cependant pas de cet avis. Il se range plutôt derrière l’opinion émise par le Conseil canadien des réfugiés (CCR), c’est-à-dire que les États-Unis ne sont plus un pays sûr, du moins pour certaines catégories de réfugiés. Le CCR a d’ailleurs reçu l’appui du Conseil canadien des Églises et de la branche canadienne d’Amnistie internationale. Les trois organismes ont demandé au gouvernement canadien de mettre un terme – ou minimalement de suspendre temporairement – à l’entente liant le Canada aux États-Unis et faisant de ceux-ci un tiers pays sûr pour les réfugiés.
«C’est encore moins sécuritaire que ce ne l’était auparavant», affirme Norbert Piché. Pour des raisons assez évidentes, les réfugiés ne se sentent plus du tout en sécurité aux États-Unis», conclut-il.
Michael Swan, Catholic News Service
Trad. et adapt. F. Barriault