La loi 62 sur la neutralité religieuse adoptée le 18 octobre par le gouvernement du Québec devra faire face à une première contestation judiciaire. Le 7 novembre, le Conseil national des musulmans canadiens, la Corporation de l’Association canadienne des libertés civiles et une citoyenne québécoise portant le niqab ont annoncé avoir demandé à la Cour supérieure du Québec de se pencher sur cette loi qu’ils jugent discriminatoire.
Selon eux, des dispositions de la loi 62 «porte[nt] gravement atteinte à la liberté de religion et au droit à l’égalité de certaines femmes musulmanes au Québec».
Dans leur demande datée du 3 novembre, ils identifient particulièrement l’article 10 de cette loi – celui qui stipule que les services publics doivent être donnés à reçus à visage découvert – comme le nœud du problème.
«L’Article 10 de la Loi enfreint les garanties de liberté religieuse et le droit à l’égalité consacrés dans les Chartes québécoise et canadienne. L’atteinte à ces droits et libertés ne peut être justifiée dans une société libre et démocratique», disent-ils, estimant que «les exigences de l’article 10 sont discriminatoires envers ce groupe de femmes musulmanes en raison à la fois de leur religion et de leur sexe».
Ils demandent que l’article 10 soit déclaré invalide et inconstitutionnel, et que son application soit suspendue le temps des procédures afin d’éviter «des préjudices importants et irréparables».
Selon eux, les dispositions de la loi 62 ont comme conséquence de créer une situation qu’elle prétend prévenir en matière de neutralité religieuse en s’en prenant – sans toutefois les nommer – à certaines femmes musulmanes.
«Sous le couvert de la neutralité religieuse de l’État, cette mesure législative inutile encourage l’islamophobie et une politique identitaire néfaste au Québec, ce qui conduit à une marginalisation accrue des musulmans québécois, dont beaucoup se sentent déjà assiégés», soutient le directeur exécutif du Conseil national des musulmans canadiens, Ihsaan Gardee.
Née au Québec, la plaignante Marie-Michelle Lacoste s’est convertie à l’islam en 2003 et porte le niqab depuis 2011. Bien qu’elle se dise «prête à retirer son niqab pour s’identifier lorsque nécessaire et de l’enlever brièvement pour des questions de sécurité», elle soutient que «retirer son voile plus longtemps que nécessaire ébranle sa capacité à agir en accord avec ses croyances religieuses». Elle donne comme exemple le fait de consulter un médecin. Elle dit qu’elle se sentirait alors «humiliée» et «aurait le sentiment que sa dignité en tant que personne religieuse serait bafouée».
En marge de l’adoption de la loi il y a quelques jours, le gouvernement du Québec s’était dit confiant qu’elle respecte les droits et libertés des citoyens et que la loi passerait l’épreuve d’une éventuelle contestation judiciaire.