Le mardi 2 juin, le gouvernement du Québec a dévoilé la mise en place d’un programme de formation accéléré visant créer 10 000 postes de préposés aux bénéficiaires pour les CHSLD. Ce programme crée de l’inquiétude dans les communautés religieuses qui craignent de voir leur personnel les déserter pour intégrer le secteur public.
«J’invite les Québécois à y penser très sérieusement, a déclaré François Legault lors de son point de presse quotidien. Vous allez être payés 21 dollars par heure pendant la formation, donc 760 dollars par semaine. Et une fois formés, vous allez avoir accès à un emploi permanent, à 26 dollars l’heure, soit 940 dollars par semaine ou 49 000 dollars par année, avec un fonds de pension et des avantages sociaux.»
Déjà, plus de 70 000 personnes se sont inscrites en ligne afin de participer à ce programme. Les cours commenceront à la mi-juin, a indiqué Jean-François Roberge, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, surpris mais heureux devant l’engouement pour ce programme de formation.
Plusieurs observateurs et responsables de résidences pour personnes âgées craignent toutefois de voir des employés déserter les postes qu’ils occupent déjà afin d’obtenir l’un des 10 000 nouveaux emplois offerts.
«Québec discrimine l’ensemble de la profession en réservant l’augmentation de salaire au seul personnel en CHSLD», a déclaré Daniel Boyer, le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) dès l’annonce du premier ministre.
Inquiétudes
«On reconnaît la dimension positive de ce programme alors que nous sommes toujours en pandémie», a indiqué Alain Ambeault, le directeur général de la Conférence religieuse canadienne (CRC). «Il est de la responsabilité du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour protéger au mieux l’ensemble de la population.»
Il se dit toutefois très préoccupé des conséquences de ce programme pour les établissements privés de soins pour aînés, notamment «pour les communautés religieuses au Québec qui ont une infirmerie communautaire».
Il ne faut pas qu’une «initiative positive d’un côté ne crée un parent pauvre de l’autre».
«L’expérience des dernières semaines a démontré que plusieurs membres du personnel infirmier des communautés religieuses ont quitté leur emploi pour se diriger vers le secteur public», a-t-il déploré.
«J’espère que le gouvernement tiendra compte de l’impact de ce programme sur les établissements privés de soins pour aînés et qu’il proposera des mesures de compensation appropriées.»
Après tout, a-t-il ajouté, «les personnes consacrées et laïques qui vivent dans ces structures privées font aussi partie de la population à protéger».
«Je n’ai pas eu d’écho de gens qui ont démissionné», a indiqué de son côté Béatrice Prado, la directrice générale de l’Association des trésorières et trésoriers des instituts religieux (ATTIR), deux jours après l’annonce gouvernementale.
Ce programme a malgré tout semé de l’inquiétude parmi les communautés religieuses. «Déjà, avec les primes offertes au personnel du réseau public, des gens nous ont quittés pour aller rejoindre des CHSLD», a-t-elle reconnu.
Comme le programme de formation va bientôt démarrer, on saura plus précisément si des employés des congrégations religieuses et des infirmeries communautaires font partie des 10 000 candidats choisis.
Jeudi, en conférence de presse, le premier ministre François Legault s’est fait rassurant. Les gens qui seront choisis pour ce programme «n’ont pas de formation comme préposé aux bénéficiaires».
«Donc, on n’est pas en train d’enlever des préposés aux bénéficiaires à des résidences privées, là. Ceux qui avaient à transférer du privé aux CHSLD publics l’ont probablement déjà fait», a-t-il expliqué.
«J’ai bien entendu le premier ministre déclarer cela», a indiqué Mme Prado. «Mais vous avez entendu la phrase suivante qu’il a prononcée?»
«Le premier ministre a dit qu’on allait pas se priver de personnes venant du secteur privé. C’est cette toute petite phrase qui fait très peur aux communautés religieuses.»
En conférence de presse, le premier ministre a aussi reconnu que contrairement aux «grandes résidences privées qui vont devoir augmenter les salaires qu’ils paient à leurs employés», de «petites résidences privées vont peut-être avoir besoin d’aide financière».
«J’espère vraiment que M. Legault pensait à nous quand il y a déclaré cela», a lancé la directrice générale de l’ATTIR.
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