«Quand la crise sera finie, que dirons-nous de notre Église diocésaine? Voulons-nous laisser le souvenir de ceux et celles qui ne savent que fermer des églises ou mettre à pied des mères et pères de famille?»
À ces questions, l’évêque de Saint-Jean-Longueuil donne aujourd’hui des réponses qui vont dans le sens contraire des directives rendues publiques, depuis quelques heures, par certains de ses confrères.
En temps de crise, l’Église diocésaine doit «demeurer prophétique», estime Mgr Claude Hamelin. Elle ne doit surtout pas mettre à pied son personnel mais plutôt l’engager à «ce que nous savons faire de mieux, déclare-t-il, nous mettre au service les uns des autres».
«Dans mon esprit, il est inconcevable que le personnel pastoral ne soit pas au premier rang de la lutte à l’exclusion sociale qu’une telle pandémie risque de créer au sein de notre société», a-t-il écrit dans une lettre qu’il a remise le mardi 24 mars à son équipe de travail, aux responsables de toutes les paroisses et aux agents et agentes de pastorale de tout le diocèse.
Aux dernières heures de son isolement volontaire de 14 jours en raison d’un voyage à Rome et au Vatican, l’évêque a bien entendu la veille le premier ministre François Legault exiger la fermeture des commerces et des entreprises jusqu’au 13 avril. Mais il l’a aussi entendu demander aux «personnes en santé» d’offrir «leurs services aux organismes qui viennent en aide aux gens les plus vulnérables dans la société».
«Je fais mien cet appel à la solidarité et demande que tout notre personnel pastoral apte au travail fasse de même», écrit Mgr Hamelin.
Mgr Hamelin est bien conscient que plusieurs paroisses, privées des revenus obtenus habituellement lors des messes du dimanche, peinent déjà à payer leurs comptes et à verser les salaires de leur personnel. «Nous dégagerons des moyens financiers substantiels pour l’exercice de la mission», promet-il dans cette déclaration qui a été entérinée par les cinq membres de l’équipe de direction diocésaine.
Ainsi, «pour les prochains mois», le diocèse prend l’engagement de «verser aux fabriques des dons équivalents aux salaires de leur personnel pastoral en service.»
Il demande aussi aux administrateurs des paroisses locales de «faire l’effort de revoir leurs priorités afin de privilégier les services à la population».
Ainsi «libérées de certaines obligations financières», les fabriques (au Québec, ce sont des assemblées de fabrique qui gèrent les paroisses catholiques) sont invitées «à examiner toutes les mesures qu’elles pourraient prendre pour venir en aide à leur personnel de soutien».
L’évêque sait bien que les mesures qu’il annonce aujourd’hui vont aussi «fragiliser les ressources financières diocésaines». Il s’agit d’une «action risquée, mais nécessaire». Cette décision «audacieuse», il en a la conviction, est la seule possible, parce que «solidaire et ancrée dans l’espérance qui nous vient du Seigneur».
L’émotion d’une agente de pastorale
«Je suis tellement fière d’œuvrer au sein du diocèse de Saint-Jean-Longueuil», a écrit sur Facebook l’agente de pastorale Céline Wakil, à peine quelques minutes après avoir reçu, à midi précis, ce courriel des autorités diocésaines annonçant qu’elles s’engageaient à «verser aux fabriques des dons équivalents aux salaires de leur personnel pastoral en service».
«Je suis tellement émue… J’en pleure encore», lance-t-elle au journaliste qui lui demande de commenter de vive voix la lettre de Mgr Claude Hamelin dont elle vient tout juste de terminer la lecture. «Hier, j’étais choquée en apprenant que des diocèses mettaient la clé sur la porte. Ce midi, en voyant arriver ce courriel de mon diocèse, je ne savais pas trop à quoi m’attendre.»
«Ce que j’ai lu m’a beaucoup touchée», admet la coordonnatrice de la paroisse Sainte-Marguerite-Bourgeoys. «Le diocèse met ses mains dans la pâte, littéralement, même si cela peut le fragiliser financièrement».
Elle se dit bouleversée par la question que lance l’évêque dès le début de sa lettre. «Après la crise, que dira-t-on de notre diocèse? Serons-nous ceux qui ont fermé? Ou serons-nous ceux qui se sont mouillés, ceux qui auront été en service constamment?»
«Je suis tellement, extrêmement fière d’appartenir au diocèse de Saint-Jean-Longueuil. Je le dis souvent, c’est un diocèse en mouvement», répète Céline Wakil. «C’est un diocèse mû par l’Esprit-Saint.»
Autres diocèses, autres décisions
Depuis vendredi, des diocèses catholiques ont annoncé devoir, «à contre-cœur», mettre à pied leur personnel pastoral local et diocésain.
Parce que «les fabriques ne peuvent recevoir leurs revenus des sources habituelles» et parce que «le travail pastoral est très limité puisqu’il est principalement orienté vers des rencontres et des rassemblements sur le terrain», l’archevêque de Rimouski a demandé vendredi «la mise à pied temporaire» de son personnel.
«Les personnes touchées par cette mesure pourront faire la demande de prestations d’assurance-emploi dès qu’elles recevront leur relevé qui leur sera fourni par leur employeur», a indiqué Mgr Denis Grondin dans une lettre remise aux prêtres salariés du diocèse, au personnel pastoral des paroisses et aux membres des Services diocésains. «Cet avis est effectif à partir du 20 mars 2020», soit le jour même de l’envoi de la directive.
Le lundi 23 mars, Mgr Christian Rodembourg a annoncé qu’il met à pied tout le personnel qui travaille au Centre diocésain et qu’il recommande à toutes les paroisses du diocèse de Saint-Hyacinthe d’en faire autant. Des mesures semblables ont aussi été annoncées au personnel du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Elles seront bientôt affichées dans le site Web diocésain, indique Mgr Pierre Goudreault, qui souligne que c’est le diocèse même qui est l’employeur de tout le personnel diocésain et paroissial, une situation «assez unique au Québec».
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