Quelques jours après la publication de nouvelles données indiquant que l’Église anglicane du Canada pourrait disparaître d’ici 2040, le diocèse anglican de Québec tenait son synode du 21 au 24 novembre. Il s’agissait du premier exercice du genre depuis l’arrivée de Bruce Myers comme évêque, en 2017. Mais l’évêque quarantenaire n’était pas du tout inquiété par ces sombres présages et voulait livrer ce message à ses ouailles: restons fidèles à notre foi et tout ira bien.
Au début de novembre, l’Église anglicane du Canada a fait état de ses propres projections concernant son déclin, appelant les fidèles à travers le pays à prendre acte de la gravité de la situation.
Rencontré au Monastère des Augustines, là où se tenait le synode dans le Vieux-Québec, Mgr Myers a confié que cela « ne l’empêche pas de dormir».
«L’avenir de l’Église et de toute la Création est déjà assuré par la résurrection et l’ascension de Jésus Christ. C’est donc mon point de départ, que je trouve libérateur pour réfléchir à ce que l’avenir pourrait nous réserver », a-t-il tempéré.
«Ce qui m’a frappé après la publication de ces prévisions, c’est que bien que les chiffres sur le déclin de l’Église soient apocalyptiques, je n’ai pas vraiment senti beaucoup d’anxiété dans l’Église. Et ce n’est pas parce que nous sommes défaitistes ou indifférents, je pense que c’est parce que…. ce n’est pas nouveau!», a-t-il confié en riant.
Il a expliqué qu’un diocèse comme celui de Québec, qui a toujours eu un nombre relativement modeste de fidèles, de par sa situation dans une province qui a connu une rapide sécularisation, a par exemple «déjà traversé de nombreuses étapes de deuil».
«Les gens sont prêts à aller de l’avant avec tout ce que l’avenir nous réserve. Je pense qu’il y a un désir simultané d’honorer le passé et ce que nous avons maintenant, d’être les intendants de notre héritage du mieux que nous le pouvons», a précisé Mgr Myers, évoquant entre autres les bâtiments et les cimetières.
«Mais aussi une volonté de sortir dans la foi et de peut-être prendre des risques et essayer des choses différentes avec le temps qu’il nous reste. Que ce soit 20 ans, ou 20 siècles. Parce que l’espérance chrétienne et l’aventure chrétienne restent les mêmes. Donc je n’ai aucune idée de ce à quoi ça va ressembler. Sauf que nous aurons des gens, nous aurons l’Évangile et nous aurons Jésus Christ», a-t-il continué. «Pour ma part, je serai très certainement là en 2040!»
Nouvelle formule pour le synode
Le déclin est cependant bien réel et se traduit par une tendance à la baisse à la fois sur le nombre d’anglicans dans le diocèse et sur les revenus. Le synode a d’ailleurs opté cette fois-ci pour une formule simplifiée, moins chère à organiser. Les principes de représentation ont changé, alors que ce ne sont plus toutes les 68 communautés situées sur le territoire diocésain qui envoient chacune un représentant et que ce ne sont plus tous les clercs qui sont conviés. Cela a tout de même permis de rassembler une cinquantaine de personnes, ce qui a donné une rencontre à l’ambiance plutôt «familiale», a dit l’évêque.
Aucun thème imposé, mais plutôt une occasion de prier ensemble, de partager les « belles histoires » qui se déroulent ici et là à travers le diocèse.
«Je me suis rendu compte que j’étais l’une des seules personnes dans le diocèse, à cause du poste que j’occupe, qui a cette vue d’ensemble et qui peut voir toutes les bonnes choses, aussi petites soient-elles, mais qui sont les signes d’espoir d’une Église faisant ce que doit faire une Église. Mais tous n’en sont peut-être pas conscients. Voici donc une chance de se réunir, même dans un format plus petit, pour partager certaines de ces bonnes nouvelles», a souligné Mgr Myers.
Pour rédiger la «charge» – c’est-à-dire le discours introductif du synode – il a revisité celles préparées par ses prédécesseurs, ce qui lui permet de dire que le diocèse anglican de Québec a toujours connu une certaine fragilité.
«Il y a quelque chose de rassurant là-dedans, parce que ça a toujours été notre histoire et nous avons subsisté aussi longtemps dans ce genre d’état fébrile. C’est un peu notre façon normale d’être», en a-t-il déduit.
«Canari dans la mine»
Parmi les interventions attendues lors du synode, il y avait celle de Linda Nicholls, qui est devenue l’été dernier la première femme à être élue au poste de primat de l’Église anglicane du Canada.
Elle a comparé le diocèse de Québec à un «canari dans une mine» : les phénomènes et tendances observés dans ce diocèse peuvent donner au reste de l’Église canadienne un avant-goût de ce qui les attend.
«Étant au Québec, nous sommes une minorité linguistique au sein d’une minorité religieuse. Nous sommes à l’avant-garde des changements auxquels l’ensemble de l’Église du Canada est confrontée… peut-être d’une génération!», a confirmé Mgr Myers. «Certains diocèses n’ont même pas encore pensé [à la manière de gérer] ce que nous vivions depuis peut-être des décennies. Cela fait partie de ce qui me donne une grande espérance: même dans notre petitesse, j’ai vu la fidélité des gens, et leurs tentatives de faire ce que Dieu nous appelle à faire dans l’Église, même de façon modeste. Et c’est l’un des thèmes récurrents de ce synode : le petit peut être beau, et Dieu a toujours honoré ce qui est petit.»
«Ce qui nous manque en termes d’argent, de structures et de personnes, nous le compensons largement par la fidélité et l’espoir de notre peuple», a insisté Mgr Myers.
Le visage changeant des nouveaux venus
L’évêque au nom anglophone s’exprime dans un excellent français. En marge de son élection comme évêque, il avait d’ailleurs insisté pour dire qu’un diocèse comme le sien devait trouver un moyen de s’ouvrir encore plus à la réalité francophone et à accueillir des francophones dans ses rangs. Des efforts concrets abondent déjà en ce sens, alors que les célébrations liturgiques bilingues sur le territoire diocésain sont encouragées et que le synode accordait une large place au français. Signe que les temps ont changé, il dit toutefois n’avoir jamais senti de frictions entre anglophones et francophones, y compris du côté des catholiques.
«Nous accueillons de plus en plus de gens qui ne proviennent d’aucune tradition religieuse. Parce que la réalité du Québec au XXIe siècle, c’est que depuis la Révolution tranquille, il y a maintenant peut-être deux générations de Québécois qui n’ont été élevés dans aucune expression de la foi ou d’une pratique religieuse et qui cherchent quelque chose. C’est une sorte de marché libre maintenant pour tout le monde. L’expression du « vol de moutons » ou de la compétition, je n’ai jamais ressenti ça, jamais», a-t-il confié.
Depuis 1997, année au cours de laquelle il s’est mis à fréquenter ce diocèse, il a vu une attention croissante accordée au fait francophone.
«C’est une reconnaissance du contexte dans lequel nous existons. Nous honorons cela. Nous l’aimons beaucoup. Nous sommes tous ici parce que nous aimons la langue et la culture françaises et le Québec. Sinon, nous ne serions pas ici. Si nous voulons croître d’une façon ou d’une autre sur le plan numérique, nous devons reconnaître qu’en dépit de certaines des limites de notre histoire et de notre capacité, nous devons nous montrer ouverts et disposés à fonctionner dans la langue de la majorité du territoire où nous sommes établis. Et bien sûr, l’Évangile ne connaît pas de langue en particulier», a-t-il fait valoir.
Bruce Myers souhaite que le synode devienne l’occasion pour son diocèse de se rappeler qu’il est appelé à «rester fidèle à l’appel de Dieu» en accompagnant des disciples et en leur donnant les moyens de témoigner de cette fidélité. La clé, note-t-il, est d’oser croire à un avenir, même inconnu.
Mis à jour à 16 h 49 le 11 décembre 2019: le texte pouvait laisser entendre que toutes les célébrations liturgiques dans le diocèse sont bilingues, alors que la réalité est bigarrée.
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