Au moment où la province connait une multiplication des cas de COVID-19 et que certaines fermetures ciblées sont évoquées, les lieux de culte doivent-ils craindre de devoir fermer à nouveau leurs portes?
Ceux-ci comptaient parmi les derniers endroits à être autorisés à se déconfiner, à la toute fin du printemps. Une attente longue et amère pour les autorités religieuses et les fidèles, qui ont fini par y voir une forme de mépris de la part des autorités publiques.
Mais le ton a changé au cours des derniers mois. Si bien que les lieux de culte des principales religions monothéistes au Québec croient qu’ils pourront éviter une nouvelle fermeture en cas de nouveau confinement partiel ou régional.
«Il y a maintenant une bonne communication. Les choses se passent bien», estime Mgr Pierre Murray au sujet des relations entre les leaders religieux de la province et le gouvernement.
Le secrétaire général de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) convient que la situation n’est toujours pas éclaircie en ce qui concerne le sort des églises, temples, mosquées et synagogues en cas de basculement de certaines régions vers le «orange» ou le «rouge» – selon la catégorisation géographique du gouvernement en matière de COVID-19.
«On espère que si ça change, le gouvernement va nous parler directement», dit-il.
Il souligne cependant qu’à sa connaissance, aucun lieu de culte de la province n’est encore devenu un foyer d’éclosion. Aucun cas direct ou indirect n’a été rapporté à l’AECQ ou à la Table interreligieuse de concertation, dont les évêques catholiques font aussi partie, qui sont parmi les instances religieuses qui ont pu s’asseoir avec des représentants des pouvoirs publics.
«Compte tenu qu’on maintient la limite à 250 personnes, je n’envisage pas un changement de ce côté-là», note-t-il, laissant entendre que si les mesures ont fonctionné jusqu’ici, il ne voit pas pourquoi elles deviendraient inefficaces cet automne.
Des musulmans d’autant plus prudents
De son côté, Hassan Guillet, souligne à quel point c’est l’ensemble de la société qui avance présentement à tâtons pour affronter la pandémie, cherchant continuellement à adopter les meilleures pratiques.
«Nous avons tous les mêmes intérêts: protéger et faire partie de la solution», affirme celui qui agit comme leader et conseiller religieux pour les communautés musulmanes du Québec. À ce titre, il reçoit chaque semaine une dizaine de demandes de conseils de la part d’imams ou de responsables de mosquées.
Contrairement à ce que certains politiciens ou observateurs croyaient au début de la pandémie, observe-t-il, non seulement les communautés religieuses se sont-elles comportées de façon responsable, mais elles ont démontré qu’elles sont parmi les endroits les plus organisés et prudents face aux risques de transmission. «On essaye de continuer sur ce chemin-là pour dire au gouvernement que ce ne sont pas ces places qu’il doit craindre.»
Il ne s’agit pas de demander un «traitement de faveur», tempère-t-il, mais de tenir compte que les lieux de culte ont fait leurs devoirs et qu’ils ne sont pas devenus des foyers de circulation pour le coronavirus. Et qu’on y trouve un rapport à l’autorité qui aide à faire respecter les mesures.
«Les liens de confiance entre un propriétaire de restaurant et un client ne sont pas les mêmes que ceux entre un fidèle avec son imam, son curé ou son rabbin. Nous avons plus d’autorité que des gens dans d’autres institutions: les fidèles nous écoutent… religieusement!», illustre-t-il en riant.
Hassan Guillet confie qu’il avait certains doutes sur la réceptivité des mesures sanitaires dans certains milieux musulmans. Mais aujourd’hui, il est catégorique: l’adhésion aux mesures est «excellente».
Il remarque même que des mosquées préfèrent prendre davantage de précautions pour éviter à tout prix un faux pas qui rejaillirait négativement sur l’ensemble de la communauté musulmane.
«Par exemple, quand la limite de personnes autorisées [à l’intérieur des lieux de culte] a été augmentée à 250 personnes, j’ai parlé à des mosquées qui voulaient à tout prix une preuve écrite», raconte-t-il. Après des années difficiles à essuyer des commentaires haineux, les musulmans «ne veulent plus être pointés du doigt, ils veulent être prudents».
Hassan Guillet souhaite également que les autorités publiques considèrent davantage le rôle de «service essentiel» de ces lieux de prière. Les fidèles sont prêts à être très flexibles sur les mesures, les masques, la distanciation, mais, implore-t-il, «ne venez pas leur enlever le moyen de communiquer avec leur Créateur, comme ils l’ont fait toute leur vie».
«Nous souhaitons traverser cette crise de façon intelligente, humaine», insiste-t-il.
Chercher une voix commune
Dans un communiqué émis le 17 septembre, le Conseil des juifs hassidiques du Québec indique qu’il continue de se préoccuper d’une possible propagation au sein des communautés juives, surtout alors que débute une période de plusieurs jours de festivités marquée notamment par Rosh Hashana et Yom Kippour. Il transmet des mesures plus strictes pour éviter la propagation du coronavirus, dont une limite de 50 personnes pour les rassemblements intérieurs.
«Bien que la mise en œuvre de ces recommandations nécessite un ajustement de nos plans, nous devons reconnaître que le virus est toujours parmi nous, et que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger la santé et le bien-être de nos voisins, de notre famille et de nos amis, ainsi que de nous-mêmes», écrit le Conseil.
Alain Picard, conseiller en communications pour le Conseil, reconnait qu’il a pu y avoir quelques «faux pas» chez certaines communautés juives depuis le début de la pandémie. Il souligne cependant que les autorités religieuses juives ont pris leurs responsabilités, mettent en place les protocoles sanitaires et prennent les mesures nécessaires pour les faire respecter.
Dans un contexte social où, malheureusement, les juifs deviennent parfois des boucs émissaires, Alain Picard constate que la pandémie est prise au sérieux.
Sent-il que les communautés juives redoutent une éventuelle fermeture temporaire des lieux de culte en cas de confinement?
«Les gens croient qu’il est possible qu’il y ait certaines restrictions, mais croient que ce sera du sur-mesure et non une fermeture. Ce qu’on veut faire comprendre, c’est que le rôle des lieux de culte est essentiel, encore plus lors des pandémies», dit-il.
«Il semble y avoir du côté des autorités publiques plus d’ouverture et plus de compréhension. C’est notre impression. Mais est-ce le cas?», demande-t-il.
Car la pandémie, note-t-il, met en évidence un nouveau type de rapport entre les groupes religieux et le gouvernement, qui requiert la mise en place de nouveaux jalons. Les anciens canaux de communication entre les groupes religieux et les membres du gouvernement ne fonctionnent plus aussi bien qu’avant, ce qui donne aux groupes religieux un rôle de «groupes de pression parmi tant d’autres».
«Cela, c’est nouveau. S’inscrire pour faire du lobbyisme? D’accord. Mais auprès de qui faut-il intervenir?», se questionne-t-il, indiquant que personne ne semble vraiment être chargé de ce dossier à Québec.
«Dans ce contexte, avance Alain Picard, il y a des prises de conscience chez les groupes religieux de l’importance de créer un front et de travailler ensemble.»
***