C’est dimanche midi, le 1er décembre, qu’a pris fin la rencontre du Conseil national de Développement et Paix, la plus haute instance décisionnelle de l’organisme. Quatre jours plus tard, les responsables de l’organisme de coopération internationale n’ont toujours pas informé leurs donateurs, leurs membres et leurs employés sur les débats ou les décisions prises durant la fin de semaine qui s’annonçait pourtant cruciale pour l’avenir de la Caritas canadienne.
Le mercredi 4 décembre, un dirigeant de Développement et Paix avait indiqué qu’un communiqué serait diffusé plus tard dans la journée, sinon le lendemain. Ce communiqué, qui devait être approuvé par les directions de la Conférence des évêques catholiques du Canada et de Développement et Paix, n’a toujours pas été rendu public.
Une note reçue de la coordonnatrice des communications de la CECC laisse entendre que le communiqué se fera encore attendre.
«La CECC tient à informer les donateurs, les membres et les bénévoles au sujet de Développement et Paix – Caritas Canada. Dès qu’il y aura une mise à jour disponible, elle sera rendue publique», a répondu jeudi Lisa Gall à un média qui lui avait demandé, la veille, d’être averti aussitôt que la direction de la CECC aurait approuvé le communiqué de presse conjoint.
Le journaliste sollicitait aussi les commentaires du président de la CECC sur la récente rencontre du Conseil national de Développement et Paix. «Mgr Richard Gagnon est actuellement à Rome. Il n’est pas disponible pour une entrevue», a-t-elle ajouté.
Secret
La rencontre des 21 membres du Conseil national de Développement et Paix, qui a débuté à Montréal le vendredi 29 novembre dès 8 h 30, s’est déroulée dans le plus grand secret. Les journalistes n’étaient admis à aucun moment, ni même pour la messe.
Ni les membres ni le personnel de l’organisme n’ont pu participer aux moments les plus sensibles de cette réunion des plus hauts dirigeants bénévoles de cet organisme de coopération internationale.
Le vendredi après-midi, quatre membres de l’exécutif de la conférence épiscopale canadienne, le secrétaire-général de la CECC ainsi que deux représentants du cabinet comptable Deloitte ont présenté les conclusions de l’examen institutionnel commandé par les évêques à cette firme de consultants.
Mgr Richard Gagnon, archevêque de Winnipeg, Mgr Raymond Poisson, évêque de Saint-Jérôme, Mgr Pierre Goudreault, évêque de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, et Mgr William T. McGrattan, évêque de Calgary, ont ensuite remis un document aux membres du Conseil national qui contient, en plus de 14 recommandations rédigées par Deloitte, une «proposition finale et concrète» sur la représentation espérée des évêques au sein des instances décisionnelles de Développement et Paix, un organisme qu’ils ont créé au lendemain du concile Vatican II et dont ils ont confié l’administration à des laïques.
La CECC a refusé de rendre publiques les propositions soumises vendredi par la délégation. La conférence épiscopale a aussi refusé de confirmer le nom des évêques qui étaient présents à la rencontre du Conseil national. Un seul des quatre évêques mentionnés plus haut a accepté de confirmer sa présence à Montréal.
Questionné sur les propositions présentées aux membres du Conseil national par les évêques le 29 novembre, l’archevêque Gagnon, le nouveau président de la CECC, n’a retourné aucun appel. La présidente de Développement et Paix, Évelyne Beaudoin, n’a pas voulu non plus commenter, dimanche, le résultat des votes sur les propositions épiscopales.
Présence a appris que les 21 membres du Conseil national ont tenu leur réunion à huis clos le samedi, toute la journée, et le dimanche matin. Seul le directeur général de Développement et Paix, Serge Langlois, a pu assister aux délibérations des bénévoles. Le dirigeant n’a toutefois aucun droit de vote.
Rencontres locales
Les quatre évêques présents à Montréal le vendredi 29 novembre ont tous organisé des rencontres locales avec des membres de Développement et Paix de leur diocèse durant le mois d’octobre. Ces rencontres avaient pour objectif de présenter les recommandations du rapport Deloitte.
Les rapports acheminés au secrétariat national de Développement et Paix après ces rencontres ont tous été étudiés par les membres du Conseil national peu avant l’arrivée de la délégation épiscopale.
On y apprend qu’à Calgary, le 24 octobre 2019, les membres ont demandé à recevoir les recommandations du rapport Deloitte, ce qui leur aurait été refusé. Mgr McGrattan aurait indiqué, lors de cette rencontre – qui n’avait rien d’une discussion selon les notes du secrétaire -, que le Conseil national devra accepter toutes les recommandations de la CECC, sans quoi les évêques abandonneront l’organisme («or … bishops are out»).
À Saint-Jérôme, le 16 octobre 2019, Mgr Poisson, actuel vice-président de la CECC, aurait déclaré que «lorsqu’une organisation gère beaucoup d’argent, elle devient arrogante et rejette toute forme de critique». La personne secrétaire de cette rencontre a aussi noté que, selon l’évêque, «la structure de Développement et Paix n’est pas adaptée à sa mission» et qu’il «faut resserrer l’accompagnement de l’organisme par la CECC». La CECC doit dorénavant «participer à la direction» de Développement et Paix, aurait-il estimé.
Le 30 octobre 2019, une rencontre a réuni des membres des diocèses de Winnipeg et de Saint-Boniface. Les archevêques Richard Gagnon et Albert LeGatt étaient présents, tout comme Evelyne Beaudoin, l’actuelle présidente du Conseil national de Développement et Paix, et Roger Dubois, un ancien président de l’organisme au début des années 2000.
Lors de cette rencontre tenue à l’archevêché de Winnipeg, il y a eu une discussion sur les 52 partenaires de Développement et Paix qui sont toujours sous enquête «pour [des] questions de contraception, d’avortement et d’identité de genre».
Un des deux archevêques aurait mentionné que le Conseil national devrait exercer plus de leadership dans l’organisme, que ses membres devaient «être en charge», déplorant qu’actuellement, cette instance est davantage un «organe consultatif que décisionnel».
À Sainte-Anne-de-la-Pocatière, la rencontre avec l’évêque Pierre Goudreault s’est aussi déroulée le 30 octobre 2019. Des membres de Développement et Paix étaient présents ainsi que des personnes engagées en pastorale sociale. Le rapport des rencontres tenues dans tout le Canada est toutefois muet sur le contenu de cette réunion diocésaine. Lorsqu’en 2018 des évêques ont décidé de retenir les fonds versés à Développement et Paix, l’évêque Goudreault avait soutenu l’organisme, déclarant alors que «la paix et le développement passent par les chemins du dialogue et de la confiance mutuelle».
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