Au bout du fil, le nouvel évêque du diocèse ontarien de Sault Ste-Marie s’efforce de garder une voix neutre. Sa nomination par Rome plus tôt dans la journée l’oblige à quitter le diocèse d’Alexandria-Cornwall où il n’était en poste que depuis trois ans.
«Il faut que je vive mon deuil avant d’entrer dans la joie de mon nouveau diocèse», répond d’emblée Mgr Marcel Damphousse quand on lui demande comment il réagit à cette nomination inattendue.
Arrivé dans le diocèse ontarien d’Alexandria-Cornwall en 2012 pour succéder à Mgr Paul-André Durocher, ce franco-manitobain de 52 ans se voyait passer plusieurs années dans ce diocèse de taille modeste situé à proximité du Québec. Mais le 12 novembre, Rome lui a demandé d’aller prendre la tête de Sault Ste-Marie. La date de l’inauguration de son nouveau ministère épiscopal est déjà confirmée: le 13 janvier 2016.
«Ça fait juste trois ans que je suis ici. Tout ce travail de préparation… On est prêt à foncer et à mener des projets… et oups ! Parti monseigneur», laisse-t-il tomber, avant d’ajouter: «il y a certainement quelque chose de beau à vivre qui m’attend».
Même s’il reste en Ontario, l’expérience du diocèse de Sault Ste-Marie risque d’être bien différente. Aux yeux de Mgr Damphousse, le défi qui l’attend n’est pas nécessairement lié à la variété des cultures, au bilinguisme ou aux relations avec les peuples des Premières Nations. «Ce sont des réalités qui me sont familières, explique l’évêque de 52 ans. Le plus gros défi sera de conjuguer les distances. En 45 minutes, je suis présentement partout dans mon diocèse.»
Ce ne sera pas le cas pour Sault Ste-Marie.
Le territoire diocésain est vaste: 1250 km d’est en ouest. C’est comme si le diocèse de Montréal s’étendait jusqu’à Halifax, ou comme si celui de Paris, en France, touchait à Naples, en Italie. Il s’agit officiellement du diocèse de Sault Ste-Marie, mais l’évêque n’a jamais habité cette ville. L’intronisation se fera plutôt à la pro-cathédrale de North Bay. Quant à la chancellerie, elle se trouve à Sudbury.
«Il faut avoir un évêque en forme», dit Mgr Jean-Louis Plouffe, dont la démission a été acceptée jeudi dernier par Rome. L’évêque qui est resté presque 29 ans à la tête du diocèse de Sault Ste-Marie parcourait en moyenne 40 000 km par année en voiture afin de relier les diverses communautés.
«L’une des caractéristique du diocèse, c’est la difficulté causée par sa géographie. Il y a trois expériences d’Église: une à North Bay, une à Sault Ste-Marie et une autre à Sudbury», explique le nouvel évêque émérite qui agit à titre d’administrateur du diocèse jusqu’à l’arrivée de Mgr Damphousse.
Même si Mgr Plouffe connaît peu son successeur, il n’a que de bons mots à son endroit, le jugeant amplement qualifié pour relever ce défi. Il souligne sa jeunesse, mais surtout ses connaissances des réalités culturelles francophone, anglophone et autochtone comme des atouts majeurs.
«Son âge joue en sa faveur. Et c’est un bon bilingue. La langue est importante, mais il faut surtout se situer au niveau de la culture. Ici, il faut respecter la culture. Respecter et valoriser cette culture, et s’accepter dans notre diversité», insiste Mgr Plouffe.
L’évêque émérite souligne l’engagement de longue date des laïcs au sein de son diocèse comme une autre caractéristique de Sault Ste-Marie.
«J’ai hérité d’un diocèse où les laïcs avaient toujours eu une grande part dans la vie de l’Église, ils se sentaient coresponsables de l’avenir de l’Église. J’ai voulu maintenir cet esprit de coresponsabilité», dit-il.
Mgr Plouffe retournera vivre dans sa ville d’origine, Ottawa, préférant quitter le diocèse afin de laisser les coudées franches à son successeur. Un successeur qui aura tout le temps de mettre en œuvre divers projets. Car si le passé est garant de l’avenir, Mgr Damphousse pourrait rester en poste très longtemps.
Sault Ste-Marie est habitué aux longs épiscopats. Érigé en 1904, il a vu quatre de ses cinq évêques avoir des épiscopats dépassant les 24 ans. Le premier évêque du diocèse, David Joseph Scollard, a été en poste pendant 30 ans. Il n’y a eu qu’une seule exception: l’épiscopat de Mgr Marcel Gervais, qui n’a duré que quatre ans, entre 1985 et 1989. À titre comparatif, au cours du même siècle, le diocèse de Québec a eu à sa tête presque deux fois plus d’évêques.
Modifié à 9 h 47 le 19 novembre 2015.