Le projet de loi 21 qu’il a présenté le 28 mars à l’Assemblée nationale veut être «une initiative rassembleuse, raisonnée et raisonnable», estime le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Simon Jolin-Barrette. C’est plutôt un texte législatif discriminatoire, répondent des leaders religieux québécois et canadiens.
La branche québécoise du Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) affirme que le projet de loi sur la laïcité de l’État, s’il est adopté, fera des musulmans du Québec et des autres communautés minoritaires «des citoyens de seconde classe».
«Le gouvernement a présenté cette législation discriminatoire sans aucune consultation des communautés touchées», déplore cet organisme.
«Le Québec est une société démocratique, progressive et inclusive. Pourtant, ce projet de loi est régressif et va clairement à l’encontre de ces valeurs fondamentales», insiste Sarah Abou-Bak, porte-parole de CNMC Québec.
Pour le directeur national du CNMC, Ihsaan Gardee, un État laïque devrait protéger la liberté de religion et non pas contraindre «les citoyens à se conformer à ce que la majorité veut».
«L’équipe juridique du CNMC va entreprendre un examen minutieux du projet de loi afin de déterminer les options existantes pour contester cette législation discriminatoire», promet-il.
Chez les catholiques
«Si on reconnaît à l’État ainsi qu’aux institutions de l’État la possibilité de déclarer leur neutralité religieuse, cette neutralité ne doit d’aucune manière restreindre les droits fondamentaux des individus et des communautés à exprimer leurs convictions spirituelles et religieuses et à en vivre», tranche Mgr Noël Simard, président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ).
Son organisme, qui regroupe les évêques catholiques de tout le Québec, souhaite se donner quelques jours «pour prendre connaissance et analyser» le projet de loi présenté ce matin par le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, le député Simon Jolin-Barrette.
L’évêque de Valleyfield serait prêt à participer à une consultation publique s’il y était convoqué par les parlementaires avant que le projet de loi ne soit voté par l’Assemblée nationale.
Il y a deux semaines, l’AECQ a publié une déclaration sur la neutralité religieuse de l’État et a abordé la question des signes religieux portés par le personnel enseignant.
«Le port de signes ou de vêtements manifestant une appartenance religieuse est un cas évident d’exercice de la liberté de religion. Restreindre de quelque manière que ce soit cette liberté fondamentale ne devrait se faire que sur la base de raisons graves et inattaquables», écrivaient les évêques québécois.
De son côté, le Centre justice et foi, un groupe d’analyse sociale des jésuites du Canada qui publie notamment la revue Relations, dénonce le projet de loi 21 parce qu’il «porte atteinte aux droits et libertés de nos concitoyennes et concitoyens issus des minorités religieuses et racisées».
«Non seulement ce projet de loi stigmatise-t-il une fois de plus les femmes musulmanes portant le hidjab, mais il crée de dangereux précédents qui contribuent à fragiliser le tissu social et la citoyenneté commune», estime l’organisme dans une déclaration de quatre pages diffusée quelques heures après le dépôt du projet de loi du gouvernement caquiste de François Legault.
Opposition de CIJA-Québec
«La communauté juive québécoise soutient la neutralité religieuse de l’État et reconnaît que la laïcité a historiquement protégé la liberté de culte et de conscience», estime Reuben Poupko, coprésident du Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec (CIJA-Québec). Mais son organisme s’opposera «à toute restriction de la liberté de culte des individus au nom de laïcité».
Selon lui, «le respect de la laïcité ne repose pas sur l’apparence des individus». Le projet de loi 21, présenté aujourd’hui, interdit le port d’un signe religieux par certaines personne comme les procureurs, les policiers, les enseignants et les directeurs des écoles primaires et secondaires publiques dans l’exercice de leurs fonctions.
«Toute législation visant à restreindre les libertés individuelles doit passer le test de la constitutionnalité», ajoute le coprésident de CIJA-Québec qui se dit particulièrement troublé «par l’invocation de la clause dérogatoire pour soustraire la législation à toute contestation juridique».
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