L’Association des scouts du Canada a décidé, après une vaste consultation auprès de ses membres, de laïciser l’ensemble de sa structure, y compris les textes de sa loi et de la promesse scoute. Elle espère ainsi mousser son membership en devenant «plus inclusive». Or, certaines unités scoutes optent plutôt pour la continuité.
«Seigneur et chef Jésus-Christ, qui malgré ma faiblesse m’avez choisi pour chef et gardien de mes frères scouts, faites […] que je sache […] conduire ma patrouille, d’étape en étape, jusqu’à vous, ô mon Dieu, dans ce camp de repos et de joie où vous avez dressé votre tente et la nôtre pour toute l’éternité.»
Cette prière des chefs, longtemps récitée par les troupes de l’ancienne Fédération des Scouts Catholiques de la Province de Québec, illustre bien l’omniprésence de la religion au sein du scoutisme tel qu’il se pratiquait il y a quelques décennies. Bien qu’encore présente dans certaines organisations scoutes du Québec, la spiritualité directement liée au christianisme n’a plus la cote auprès des jeunes scouts.
«Durant les quarante dernières années, l’Association des scouts du Canada (ACS) a connu une baisse significative de son membership», souligne Catherine Prévost, directrice des communications.
Afin d’en comprendre les raisons, ses dirigeants ont sondé leurs troupes. Il ressort de ces consultations qu’«une grande partie des jeunes scouts et leurs parents» est mal à l’aise avec l’image traditionnelle des scouts dans la société. Cette dernière associe encore le scoutisme avec l’Église catholique.
Une spiritualité inclusive
«Dans cette perspective, nous avons amorcé différents questionnements sur l’importance que devait prendre la religion [au sein de l’Association]», explique Catherine Prévost. Comme suite à ces coups de sonde, des changements importants ont été suggérés. Ceux-ci sont étudiés par l’Organisation mondiale du Mouvement Scout (OMMS) qui doit rendre son verdict d’ici l’automne prochain.
Ce que propose l’Association des scouts du Canada est la promotion d’une forme de «spiritualité inclusive, neutre, qui est en adéquation avec une vision ouverte et tournée vers la diversité et l’inclusion», selon la directrice des communications de l’ASC qui regroupe les scouts francophones du pays.
Concrètement, la promotion d’une spiritualité inclusive aura pour effet d’exclure le mot Dieu du texte de la promesse. «Ce n’est pas notre mission première de prêter serment à Dieu. Notre mission première c’est prêter serment envers nos pairs. En sondant nos jeunes, nous avons déterminé que ce qui est important pour eux c’est de prendre un engagement envers eux-mêmes et non envers Dieu», indique Mme Prévost.
Si l’aspect religieux est évacué de la loi et de la promesse, les valeurs qui sont promues par les religions demeureront bien présentes au sein des troupes scoutes de l’Association. «Les valeurs ne sont pas exclusives aux religions», rappelle Mme Prévost. Ainsi les animateurs aborderont avec les jeunes scouts des discussions philosophiques portant sur l’amour de l’autre, le partage, le respect de la nature.
Et si un jeune, par sa fréquentation de la nature, en vient à se poser des questions sur l’origine et le sens de la vie? «Nos animateurs sont formés, outillés, pour accompagner les scouts dans leurs réflexions», assure-t-elle.
«Bien sûr, ils ne sont ni théologiens ni philosophes. Nous encourageons les jeunes à se questionner. Nous encourageons aussi nos animateurs lorsqu’ils n’ont pas la réponse aux questions des scouts à ne pas les mettre sur des pistes qui pourraient les mener aux mauvais endroits. Si des questions plus épineuses surgissent en camps ou lors d’activités nous les encourageons à en discuter avec les parents», précise la directrice des communications.
L’Association ne considère pas ces changements comme une fermeture à la religion et à la spiritualité. «C’est certain que notre approche est peut-être moins traditionnelle que celle adoptée par d’autres associations. Si des membres et leurs parents ne se sentent pas à l’aise avec notre nouvelle approche, nous allons les respecter. Selon nous, ces changements ne sont pas radicaux, ils sont en adéquation avec l’évolution de la société, avec les besoins des jeunes et avec leurs désirs», conclut Catherine Prévost.
Développer l’aspect spirituel
Du côté de l’Association des aventuriers de Baden-Powell, organisation scoute qui n’est pas reconnue par l’OMMS, la religion et la spiritualité demeurent deux notions importantes. «Notre association est non confessionnelle. Toutefois, nous acceptons toutes les religions. Une unité peut être confessionnelle comme elle peut ne pas l’être», explique Monique St-Onge, conseillère spirituelle de l’Association.
Concrètement, les scouts peuvent choisir de faire leur promesse avec un texte dans lequel apparaît le nom de Dieu ou avec un texte où il n’apparaît pas. Cette liberté de choix est aussi présente dans une unité non confessionnelle.
Dans ses Règlements généraux, l’organisation scoute qui regroupe 1200 membres, affirme croire «en la liberté de choix, d’association et de pratique religieuse. C’est pourquoi elle propose à ses membres: […] Des moments spirituels, où la discussion et les réflexions portant, directement ou non, sur l’introspection personnelle et la quête de sens dans la vie de tous les jours. Des thèmes d’introspection propres à leur groupe d’âge, qui touchent aussi leur engagement scout (selon leur niveau) et qui, par la suite, les motiveront à aller plus loin […]».
Selon Monique St-Onge, le mouvement scout a comme but de développer les jeunes physiquement, moralement et spirituellement. «Tu ne peux pas seulement développer l’aspect physique. Il faut également développer l’aspect spirituel. Il faut développer l’intérieur de l’homme. Oui, il y a encore de la place pour Dieu dans le scoutisme. Les jeunes doivent vivre la spiritualité non seulement de manière théorique, mais également de manière pratique dans une ouverture aux autres.»
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