Lors d’une pause durant l’assemblée générale où il a été élu président de la Conférence religieuse canadienne, le capucin Louis Cinq-Mars, 55 ans, discute de la vie des communautés d’aujourd’hui et de l’impact des poursuites judiciaires auxquelles quelques-unes d’entre elles font face. Travailleur social de formation, Louis Cinq-Mars est entré dans l’ordre des capucins en 2001. Il est ministre provincial des capucins du Québec depuis six ans.
Présence: Vous venez d’être élu président de la Conférence religieuse canadienne (CRC). Quels sentiments vous habitent aujourd’hui?
Louis Cinq-Mars: Je suis le premier surpris. Je n’aurais pas imaginé recevoir cet appel. Parce que, pour moi, c’est un appel. Un appel du conseil d’administration et un appel des personnes avec qui j’ai travaillé au cours des deux dernières années. Je suis en paix avec cela, d’autant plus que les deux dernières années ont été très positives comme vice-président de la CRC.
Êtes-vous d’accord pour dire que la vie religieuse au Québec est en crise?
Je crois beaucoup en la vie religieuse. J’aime cette vie. Et je souhaite que, dans cette période de transition que l’on traverse, on va continuer à discerner ce qu’on a à dire dans le monde. Quelle sera notre parole pour nos concitoyens?
J’ai toujours cru que la vie religieuse était une vocation pour quelques-uns. Les grands nombres qu’on a connus au Québec, c’est une exception. Dans l’histoire, la vie religieuse est toujours le choix d’un petit nombre de personnes. C’est bon d’être petit. La crise actuelle nous place les deux pieds dans l’humilité et le concret. Et c’est très bien ainsi. C’est correct d’être fragiles, d’avoir des moyens humbles et limités, d’avoir besoin de travailler avec d’autres.
C’est dur ce que l’on vit et c’est tout particulièrement difficile pour ceux et celles qui ont tant investi et qui voient leur travail glisser de leurs mains. Plusieurs communautés religieuses, et c’est le cas des femmes, réussissent à réaliser de beaux passages, à transmettre leurs œuvres à des groupes qui continuent de croire en l’être humain, de croire en l’importance de ce que les sœurs ont réalisé.
La vie religieuse au Canada est en transformation. Elle se simplifie, elle quitte les structures, elle se départit de gestions importantes.
Elle devient aussi interculturelle. Elle l’était par les missions. Elle l’est devenue aujourd’hui parce que beaucoup de frères et de sœurs viennent vivre parmi nous. Dans ma communauté, nous somme 60 capucins, six sont de l’Inde et quatre sont de Madagascar. C’est un défi, mais c’est aussi un don. Il y a là un laboratoire de vivre-ensemble qui peut aider nos concitoyens à mieux vivre ensemble.
Ces dernières années, les nouvelles en provenance des communautés étaient parfois pénibles. Plusieurs étaient – et sont toujours – empêtrées dans des affaires d’agressions sexuelles.
Je ne vais pas commenter des situations particulières, ce n’est pas mon rôle. Mais je reconnais que c’est une situation difficile. C’est dur pour les victimes, pour les personnes mises en accusation et pour nous tous, car nous sommes tous et toutes montrés du doigt. On perd énormément de crédibilité.
On doit reconnaître la responsabilité de ceux qui ont commis de tels actes. J’espère qu’on pourra avancer, avec justice et réparations.
J’espère aussi qu’on n’oubliera pas, malgré ces difficultés et ces erreurs, la contribution importante des religieuses et des religieuses à la société.
Je n’ai que quinze ans dans la vie religieuse. Mais, en parcourant le Canada, je rencontre des hommes et des femmes qui ont des vécus extraordinaires, ici ou à l’étranger. Ma peine, c’est que tout est oublié, tout est méprisé. Je souhaite qu’on avance sur des chemins de justice et de guérison. Mais qu’on puisse aussi reconnaître la générosité du don de soi de ces milliers d’hommes et de femmes inconnus.