Dans ses bureaux de Montréal, le temps d’un café, le père Yoland Ouellet, directeur national des Oeuvres pontificales missionnaires, réfléchit à la relève missionnaire et à l’actualité internationale.
Présence : Il fut un temps où il y avait plusieurs missionnaires du Canada français dans les pays du Sud, appelés pays de mission. Il y en a moins maintenant. Beaucoup moins même. Comment qualifiez-vous aujourd’hui l’apport missionnaire de l’Église canadienne dans les pays en développement?
Yoland Ouellet : On a eu une époque forte où on a envoyé des missionnaires. C’était le fait de communautés qui avaient plusieurs vocations, dont ma propre congrégation, les Missionnaires oblats de Marie-Immaculée. Ces communautés ont fourni à la planète d’excellents témoins du Christ. Mais depuis vingt ans, on assiste au retour de ces missionnaires.
La bonne nouvelle, c’est qu’en retour il nous arrive une vague, une relève missionnaire en provenance de l’Église du sud. Beaucoup viennent d’Asie et d’Afrique.
Je voyage beaucoup. Je suis toujours impressionné de voir comment on cherche à former, dans bien des pays que je visite, du clergé missionnaire. Et dans presque tous les diocèses francophones du Canada, on voit maintenant l’arrivée de missionnaires en provenance du sud. Pour moi, c’est un heureux signe des temps.
C’est notre réalité ecclésiale. Mais c’est aussi notre réalité missionnaire. L’arrivée de cette relève fait du bien à notre catholicisme vieillissant. Ils nous apportent leur jeunesse, leur joie, leur ferveur religieuse. Je dis bravo!
L’image du Canada dans le monde a longtemps été liée à celle que projetaient les missionnaires. Quelle est aujourd’hui l’image du Canada dans les pays du Sud?
En voyage en Amérique latine et en Afrique, on m’a souvent parlé de l’image du Canada. On sait que le Canada et que l’Église canadienne ont été des châteaux forts de la foi. Mais on sait aussi que ce n’est plus le cas et que notre société s’est largement sécularisée.
Mais mes hôtes ne saisissent pas toujours ce que cela peut signifier. Il faut expliquer quels sont les avantages de cette sécularisation mais aussi quels sont les défis auxquels les chrétiens font face dorénavant.
Aujourd’hui, les gens du sud entendent aussi parler des pays comme le Canada lorsqu’ils sont interpelés, par leurs évêques et par le pape lui-même, à devenir missionnaires au nord.
Est-ce que les gens d’ici sont bien informés sur ce qui se vit dans les pays du Sud? Les médias d’ici s’intéressent-ils suffisamment à l’actualité internationale?
Ce qu’il nous manque, c’est d’être branché sur le vécu et les valeurs des autres cultures. Je ne vous cacherai pas que j’écoute davantage les nouvelles sur TV5 pour savoir ce qui se passe dans le monde, au-delà de Mister Trump, au-delà des États-Unis. On devient saturé de ce type de nouvelles.
Quand je me déplace, je peux admirer le travail qui est fait par tant de gens. Mais on n’en entend pas parler. Et ce serait aussi heureux que les médias d’ici couvrent les bonnes nouvelles qui nous arrivent de ces pays, pas seulement les mauvaises nouvelles. Moi, ce que je constate, c’est que les gens du sud se prennent en mains et développent un aujourd’hui et un demain fort intéressant pour leur population, pour leurs enfants.
On a un gros défi, il me semble. Celui de montrer un autre portrait de l’humanité. Des nouvelles nous font mal, il faut en parler, mais on passe souvent à côté d’un autre monde qui est en train de naître.
Je pense à l’Afrique qui connaît aujourd’hui de grands déplacements de population, à l’intérieur même du continent. À cause de la violence et des problèmes sociaux, des millions de personnes vivent dans des tentes, en attente d’une maison ou d’un morceau de pain. Mais dans les médias, on n’en entend pratiquement pas parler.