L’enseignement du pape François sur la théorie de la «guerre juste» est un point de réflexion crucial dans le monde actuel où des motifs historiques pour justifier moralement l’agression et la violence sont souvent mal utilisés, a déclaré le cardinal canadien Michael Czerny, sous-secrétaire de la Section des migrants et des réfugiés du Vatican.
La récente encyclique du pape François, Fratelli tutti, sur la fraternité et l’amitié sociale, met à juste titre en garde contre le recours moderne à la théorie de la guerre juste car celle-ci est souvent «mal comprise et mal utilisée comme justification et elle est invoquée comme un bouclier, comme un déguisement pour des motifs qui sont loin d’être justes et justifiables», a déclaré le cardinal Czerny le 18 novembre.
«Autrement dit, mon sentiment est que ce que fait Fratelli tutti, c’est mettre de côté la possibilité d’utiliser la théorie de la guerre juste à des fins rhétoriques – pour la rhétorique, la communication, le recadrage idéologique de l’agression et de la violence en termes qui sont « justifiables »», a déclaré le cardinal lors d’une discussion sur l’encyclique au Centre laïque du Foyer Unitas.
Selon le catéchisme de l’Église catholique, la justification de l’entrée en guerre est «soumise à des conditions rigoureuses de légitimité morale». Cependant, dans Fratelli tutti, le pape a averti qu’«il est facile de tomber dans une interprétation trop large de ce droit potentiel».
Le pape François a également soulevé la question de savoir «si le développement des armes nucléaires, chimiques et biologiques, et les possibilités énormes et croissantes offertes par les nouvelles technologies, ont conféré à la guerre un pouvoir destructeur incontrôlable sur un grand nombre de civils innocents».
Il n’est plus possible d’envisager la guerre comme une solution, car ses risques seront probablement toujours plus grands que ses avantages supposés, l’un des principaux critères de la théorie de la guerre juste, a écrit le pape François. Selon ce dernier, il est très difficile aujourd’hui d’invoquer les critères rationnels élaborés au cours des siècles précédents pour parler de la possibilité d’une «guerre juste».
Le cardinal Czerny a déclaré que les paroles du pape devraient aider les individus à examiner leur «propre utilisation de la théorie de la « guerre juste »».
«Comment justifiez-vous vos actes d’agression? Comment vous convaincre qu’une valeur, un bienfait, vaut la violence que vous envisagez ou, en fait, que vous exercez», a-t-il demandé.
Le cardinal canadien a déclaré que beaucoup de gens aujourd’hui n’ont pas pleinement saisi «la terreur dont nous sommes maintenant capables» et qu’ils ne comprennent pas que la notion de guerre proportionnelle au bien qu’elle peut réaliser «a été dépassée par notre propre capacité soi-disant technologique et industrielle à produire des armes de plus en plus sophistiquées et de plus en plus horribles».
La «mécanique de la guerre, le matériel de guerre, est lui-même un argument contre toute justification possible», a-t-il déclaré.
La réflexion du pape François sur la question de la guerre moralement justifiée, a-t-il ajouté, sert également à démasquer «nos abus ou notre tentation d’abuser de la théorie de la « guerre juste »».
Le cardinal Czerny a déclaré que bien que le pape n’aborde pas l’aspect économique de la guerre dans l’encyclique, il n’est pas «nécessaire de gratter beaucoup sous la surface pour voir qu’ici nous avons une entreprise très rentable».
«Je pense qu’il est très important de toujours faire une analyse économique très pénétrante et sobre de la guerre parce que, de plus en plus, des intérêts économiques sont en jeu et à tel point que nous ne parlons même plus de la même chose lorsque nous parlons d’une guerre juste, parce que ce dont nous parlons en fait, c’est du business de la guerre, le business de la guerre, avec ses investissements et ses profits», a-t-il déclaré.
Junno Arocho Esteves
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